Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 mai 2016, M. A...C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 19 avril 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Vosges du 30 décembre 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de trois jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, à verser à MeB..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi que les entiers dépens.
Il soutient que :
- la décision de refus de séjour, qui ne mentionne pas l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, est entachée d'une erreur de droit ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'à tout le moins, il aurait dû bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour au regard des critères posés par la circulaire du 28 novembre 2012 ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 octobre 2016, le préfet des Vosges conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 juillet 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Fuchs a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.C..., ressortissant marocain né le 13 décembre 1984, est entré régulièrement sur le territoire français le 30 novembre 2014, selon ses déclarations ; qu'il a sollicité, par un courrier du 7 août 2015, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, subsidiairement, sur celui de l'article L. 313-14 de ce même code ; que, par un arrêté du 30 décembre 2015, le préfet des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné ; que le requérant relève appel du jugement du 19 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions tendant à l'octroi de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Considérant que M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 juillet 2016 ; que, par suite, ses conclusions tendant à ce que lui soit octroyée l'aide juridictionnelle provisoire sont sans objet et doivent être rejetées ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Considérant, d'une part, qu'aux termes qu'aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord... " ; que l'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié'' (... ) " ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ; que l'article L. 313-14 du même code dispose que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;
5. Considérant, en premier lieu, que le requérant soutient que la décision contestée est entachée d'une erreur de droit car elle ne vise pas, ni n'applique, l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ; qu'en vertu de son article 9, cet accord ne fait pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur les points non traités par l'accord ;
6. Considérant que, d'une part, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas d'équivalent dans l'accord du 9 octobre 1987, qui ne peut dès lors trouver à s'appliquer sur ce point ;
7. Considérant que, d'autre part, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, traitant ainsi de ce point au sens de l'article 9 de cet accord, il fait obstacle à l'application des dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lors de l'examen d'une demande d'admission au séjour présentée par un ressortissant marocain au titre d'une telle activité ; que, toutefois, il est constant qu'en l'espèce, M. C...a présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour au regard de circonstances familiales et privées et non au titre d'une activité salariée ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le préfet des Vosges a appliqué les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et non celles de l'accord franco-marocain visé ci-dessus, et qu'il n'a pas visé cet accord ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'en se bornant à faire état de la présence en France, de manière régulière, de ses parents, de son frère jumeau et de quatre autres frères et soeurs, le requérant ne fait pas état de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ne peut utilement se prévaloir des énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne constituent pas des lignes directrices ;
9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
10. Considérant que M. C...fait valoir qu'il a rejoint le territoire français afin de s'occuper de ses parents et d'être aux côtés de ses frères et soeurs, en particulier son frère jumeau, qui résident régulièrement en France ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que le requérant, qui n'était présent en France que depuis un an à la date de la décision contestée, a vécu au Maroc jusqu'à l'âge de trente ans et que sa femme et son fils résident toujours au Maroc ; que dans ces conditions, eu égard en particulier à la durée et aux conditions de son séjour sur le territoire français, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la décision porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaîtrait, par suite, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées, le présent arrêt n'appelant aucune mesure d'exécution ; qu'il en va de même de ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'étant pas la partie perdante en la présente instance ; qu'enfin, aucun dépens n'a été exposé dans la présente instance ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Vosges.
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N° 16NC00827