Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 juin 2016, Mme B...A..., représentée par la SCP Annie Lévi-Cyferman - Laurent Cyferman, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 6 octobre 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 12 mars 2015 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aube, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire l'autorisant à travailler ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;
- la préfète a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la préfète a entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 septembre 2016, la préfète de l'Aube conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens n'est fondé.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 avril 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guérin-Lebacq a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeA..., ressortissante albanaise née le 27 novembre 1973, est entrée irrégulièrement en France le 24 décembre 2012 pour y solliciter le statut de réfugié ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 21 mars 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 26 janvier 2015 ; que la préfète de l'Aube a, par un arrêté du 12 mars 2015, refusé de lui délivrer un titre de séjour et assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de l'Albanie ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) " ;
3. Considérant que si Mme A...est entrée irrégulièrement en France le 27 décembre 2012, à l'âge de 39 ans, il ressort des pièces du dossier, et notamment du relevé des informations de la base de données " Telemofpra ", produit par le préfet, qu'elle réside depuis le 22 mars 2013 au moins avec un étranger titulaire d'une carte de résident en qualité de réfugié, disposant, selon cette carte, de la nationalité serbe et monténégrine ; qu'un enfant est né en France le 3 août 2014 de l'union de ce dernier et de MmeA... ; que le conjoint de la requérante a vocation, en sa qualité de réfugié politique, à rester sur le territoire national sur lequel il réside depuis 2003 ; qu'ainsi, alors même que Mme A...ne travaille pas, est dépourvue de ressources propres et disposerait d'attaches dans son pays d'origine, le centre de ses intérêts familiaux se trouve en France, où réside son compagnon et père de son enfant ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, la décision du 12 mars 2015 refusant un titre de séjour à Mme A...a porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise et méconnaît, par suite, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, Mme A... est fondée à demander l'annulation de cette décision ainsi que, par voie de conséquence, l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué ci-dessus retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à Mme A...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre à la préfète de l'Aube de délivrer ce titre dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. Considérant que Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Annie Lévi-Cyferman - Laurent Cyferman, avocat de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1501469 du 6 octobre 2015 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et l'arrêté en date du 12 mars 2015 par lequel la préfète de l'Aube a rejeté la demande de titre de séjour présentée par Mme A...et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète de l'Aube de délivrer à Mme A...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à la SCP Annie Lévi-Cyferman - Laurent Cyferman, avocat de MmeA..., une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que l'avocat de la requérante renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Aube
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N° 16NC01106