Procédure devant la cour :
       Par une requête enregistrée le 21 septembre 2018, Mme B...A..., représentée par la SELAS Devarenne Associés Grand Est, demande à la cour :
       1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 15 mars 2018 ;
       2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne du 20 novembre 2017 ;
       3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; 
       4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
       Elle soutient que : 
       - en sa qualité de mère d'un enfant français, elle remplissait les conditions prévues par le 6° de l'article L. 313-11 et par l'article L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; 
       - la seule production d'un jugement ne suffit pas à renverser la présomption de validité de l'acte civil de reconnaissance de paternité effectuée par le père de son enfant ; 
       - en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; 
       - les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de renvoi devront être annulées par voie de conséquence, du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
       - la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
       Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 août 2018.
       Vu les autres pièces du dossier.
       Vu :
       - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
       - la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
       - le code civil ; 
       - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
       - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
       - le code de justice administrative. 
       Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
       Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
       Le rapport de Mme 	Haudier a été entendu au cours de l'audience publique.
       Considérant ce qui suit :
       1. MmeA..., ressortissante nigériane née en 1985, entrée irrégulièrement en France en 2010, s'est vu délivrer le 22 mars 2011 un titre de séjour en sa qualité de parent d'un enfant français né le 27 août 2010. Ce titre de séjour a été régulièrement renouvelé jusqu'au 14 février 2017. Par un arrêté du 20 novembre 2017, le préfet de la Marne a refusé de renouveler à nouveau ce titre de séjour ou de lui délivrer une carte de résident sur le fondement de l'article L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il a, par ailleurs, obligé Mme A...à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'expiration de ce délai. Mme A...fait appel du jugement du 15 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
       2. En premier lieu, Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) " . Aux termes de l'article L. 314-9 du même code : " La carte de résident est délivrée de plein droit : / (...) 2° A l'étranger qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France et titulaire depuis au moins trois années de la carte de séjour temporaire mentionnée au 6° de l'article L. 313-11 ou d'une carte de séjour pluriannuelle mentionnée au 2° de l'article L. 313-18, sous réserve qu'il remplisse encore les conditions prévues pour l'obtention de cette carte de séjour et qu'il ne vive pas en état de polygamie. / L'enfant visé au présent article s'entend de l'enfant ayant une filiation légalement établie (...) ".
       3. Aux termes de l'article 18 du code civil : " Est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français ". L'article 316 de ce même code prévoit que : " Lorsque la filiation n'est pas établie dans les conditions prévues à la section I du présent chapitre, elle peut l'être par une reconnaissance de paternité ou de maternité, faite avant ou après la naissance. / La reconnaissance n'établit la filiation qu'à l'égard de son auteur. / Elle est faite dans l'acte de naissance, par acte reçu par l'officier de l'état civil ou par tout autre acte authentique. (...) ". Enfin, il résulte de l'article 336 du même code : " La filiation légalement établie peut être contestée par le ministère public si des indices tirés des actes eux-mêmes la rendent invraisemblable ou en cas de fraude à la loi ".
       4. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est, en principe, opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est notamment le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 2° de l'article L. 314-9 du même code qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il dispose d'éléments précis et concordants de nature à établir, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 2° de l'article L. 314-9, du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou du renouvellement de ce titre de séjour, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance du titre de séjour sollicité par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français. 
       5. Mme A...s'est vu délivrer un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français, né le 27 août 2000, et qui avait été reconnu par un ressortissant français, M.C.... Elle ne conteste toutefois pas que, par un jugement du 14 janvier 2015, le tribunal correctionnel du tribunal de grande instance de Paris a reconnu M. C...coupable de s'être livré à des reconnaissances frauduleuses d'enfants en vue de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour en France de plusieurs ressortissantes étrangères en situation irrégulière. La reconnaissance du fils de Mme A...est expressément mentionnée parmi ces reconnaissances frauduleuses. Contrairement à ce que soutient la requérante, le préfet pouvait retenir les termes de ce jugement à l'appui de sa démonstration de l'existence d'une fraude entachant la reconnaissance de paternité du fils de MmeA..., né moins de six mois après l'entrée en France de l'intéressée. Dans les circonstances de l'espèce et en l'absence de tout élément en sens contraire apporté par MmeA..., le préfet de la Marne peut être regardé comme établissant que la reconnaissance du fils de l'intéressée par un ressortissant français a été souscrite dans le seul but de faciliter l'obtention d'un titre de séjour par la mère de l'enfant. Il lui appartenait ainsi de faire échec à cette fraude, en refusant de renouveler le titre de séjour qui avait été délivré à Mme A...sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou en refusant de lui délivrer la carte de résident mentionnée à l'article L. 314-9 du même code. Mme A... n'est ainsi pas fondée à soutenir que le préfet a méconnu ces dispositions. 
       6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
       7. Mme A... fait valoir qu'elle est entrée en France en 2010, qu'elle travaille et que ses deux enfants nés en 2010 et 2012 sont nés en France et y sont scolarisés. Toutefois, elle n'a pas produit en première instance et ne produit pas davantage en appel, de pièces de nature à justifier de sa bonne insertion au sein de la société française. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, elle a résidé en France sous couvert de titres de séjour obtenus par fraude. Mme A... n'apporte enfin aucun élément de nature à établir que ses enfants ne pourraient poursuivre leur scolarité au Nigéria. Il ne ressort, par suite, pas des pièces du dossier que la décision portant refus de séjour aurait porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Le préfet n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
       8. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. 
       9. En l'espèce et compte tenu des circonstances mentionnées aux points précédents, la décision attaquée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. 
       10. En quatrième lieu, les moyens dirigées contre la décision portant refus de séjour ayant été écartés, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant un délai de départ volontaire doivent être annulées par voie de conséquence. 
       11.  En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
       12. En l'espèce Mme A...se borne à soutenir qu'elle encourt des risques en cas de retour au Nigéria, sans apporter de précisions ou d'éléments sur lesdits risques. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut ainsi qu'être écarté. 
       13. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
       Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
       Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur.
       Copie en sera adressée pour information au préfet de la Marne.
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N° 18NC02539