2°) d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2010 par lequel le président de la communauté de communes d'Epinal-Golbey l'a exclue de fonctions pour une durée de deux ans ;
3°) de condamner la communauté d'agglomération d'Epinal-Golbey à lui verser une somme de 50 500 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis, ainsi qu'une indemnité d'un montant correspondant aux traitements qu'elle aurait dû percevoir si elle n'avait pas été exclue.
Par un jugement n° 1001073, 1002148 et 1200208 du 5 mars 2013, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 10 mai 2013, 19 février 2014, 27 août 2014, 24 septembre 2014 et 31 octobre 2014, Mme C...B..., représentée par Me Barny, demande à la cour :
1°) de surseoir à statuer dans l'attente des conclusions de l'instruction pénale et de la décision au fond de la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Nancy ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 5 mars 2013 ;
3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du président de la communauté de communes d'Epinal-Golbey des 20 mai 2010 et 16 septembre 2010 ;
4°) de condamner la communauté d'agglomération d'Epinal à lui verser une somme de 50 500 euros en réparation de son préjudice moral et une somme de 4 600 euros en réparation de son préjudice financier ;
5°) de condamner la communauté d'agglomération d'Epinal à lui verser une indemnité d'un montant correspondant aux traitements dont elle a été privée du fait de son exclusion de fonction ;
6°) d'ordonner la capitalisation de ces sommes à compter du 14 mai 2011 ;
7°) d'enjoindre à la communauté d'agglomération d'Epinal de reconstituer sa carrière ;
8°) d'enjoindre à la communauté d'agglomération d'Epinal de communiquer l'ensemble des éléments recueillis lors de son enquête administrative ;
9°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération d'Epinal la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a omis d'enregistrer, de viser, d'analyser et de communiquer ses mémoires des 21 mars 2012 et 6 juin 2012 ;
- le tribunal a méconnu le principe du contradictoire en ne lui communiquant pas les pièces de procédure pénale, versées au dossier par la communauté d'agglomération d'Epinal-Golbey le 12 juillet 2012, qui contenaient des éléments de faits sur lesquels il s'est fondé pour rejeter ses demandes ;
- le tribunal n'a pas répondu au moyen qu'elle avait soulevé, tiré de ce que la communauté de communes d'Epinal-Golbey était irrégulièrement représentée lors de la séance du conseil de discipline par l'un de ses élus qui n'avait pas reçu une délégation régulière ;
- le président de la communauté de communes d'Epinal-Golbey n'avait pas qualité en première instance pour représenter la collectivité ;
- la communauté de communes d'Epinal-Golbey n'a pas été régulièrement représentée lors de la séance du conseil de discipline du 10 septembre 2010 ;
- ce conseil de discipline était irrégulièrement composé ;
- la sanction est insuffisamment motivée ;
- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis et ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral ;
- à supposer qu'une faute puisse lui être reprochée, la sanction d'exclusion pendant une durée de deux ans est disproportionnée ;
- cette décision est entachée d'un détournement de pouvoir ;
- elle a subi, du fait de l'illégalité de cette décision, un préjudice moral et financier qu'il convient de réparer ;
- l'arrêté de suspension du 20 mai 2010 est illégal dès lors qu'il ne repose sur aucun fait laissant présumer l'existence d'une faute grave et que la mesure est disproportionnée.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 20 août 2013, 11 juin 2014 et 19 octobre 2015, la communauté d'agglomération d'Epinal, représentée par Me Bentz, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dhiver,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- les observations de Me Barny, avocat de MmeB...,
- et les observations de MeA..., substituant Me Bentz, avocat de la communauté d'agglomération d'Epinal.
1. Considérant que Mme B...a été recrutée en qualité de conservateur territorial des bibliothèques en chef, le 1er avril 2005, par la communauté de communes d'Epinal-Golbey, devenue communauté d'agglomération d'Epinal-Golbey puis communauté d'agglomération d'Epinal ; que la collectivité lui a confié la conduite du projet de création d'une nouvelle bibliothèque multimédia intercommunale, qui a été inaugurée le 18 avril 2009, ainsi que la direction de cette bibliothèque ; que, le 20 mai 2010, le président de la communauté de communes d'Epinal-Golbey a suspendu Mme B... de ses fonctions, à titre conservatoire ; qu'il a saisi, le 9 juin 2010, le conseil de discipline et sollicité la mise à la retraite d'office de l'intéressée ; que, le 16 septembre 2010, après avoir recueilli l'avis du conseil de discipline, le président de la communauté de communes d'Epinal-Golbey a exclu Mme B...temporairement de ses fonctions pour une durée de deux ans, à compter du 21 septembre 2010 ; que Mme B...a demandé au tribunal administratif de Nancy, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir les deux décisions des 20 mai 2010 et 21 septembre 2010, d'autre part, de condamner la communauté d'agglomération d'Epinal-Gobey à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de ces décisions ; qu'elle relève appel du jugement du 5 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de la minute du jugement attaqué que le tribunal a visé et analysé les mémoires produits les 20 mars 2012 et 6 juin 2012 par MmeB... ; que, dans son mémoire du 20 mars 2012, la requérante ne soulevait aucun moyen nouveau mais faisait part de la façon dont l'audience devant le tribunal correctionnel s'était déroulée le même jour et communiquait au tribunal des pièces produites au cours de l'instance pénale ; que, dans son mémoire du 6 juin 2012, elle formulait des observations sur le jugement rendu par le tribunal correctionnel le 22 mai 2012 ; que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments soulevés par MmeB..., ont suffisamment répondu aux moyens visés dans ces mémoires et qui avaient été précédemment soulevés, tirés de l'absence de matérialité des faits et d'une erreur de qualification juridique ; que la circonstance que ces mémoires n'ont pas été communiqués à la communauté de communes d'Epinal-Golbey n'a pas pu priver Mme B...de son droit à un procès équitable rappelé au premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni de la garantie du respect du contradictoire ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que la communauté d'agglomération d'Epinal-Golbey a transmis au tribunal le 12 juillet 2012 une copie du jugement du 22 mai 2012 rendu par le tribunal correctionnel d'Epinal ; que ce même jugement, joint au mémoire du 6 juin 2012, avait précédemment été versé aux débats par Mme B... ; que dès lors, le tribunal, qui n'était pas tenu de communiquer la pièce dont la requérante avait nécessairement eu connaissance, n'a pas méconnu le caractère contradictoire de la procédure suivie devant lui ;
4. Considérant, en troisième lieu, que Mme B...a soutenu devant le tribunal que la communauté de communes d'Epinal-Golbey était irrégulièrement représentée lors du conseil de discipline du 10 septembre 2010 dès lors que le pouvoir remis par le président de la collectivité à l'un de ses élus serait un faux et, à supposer que ce pouvoir ait existé à la date du conseil de discipline, n'avait pas fait l'objet d'une publication ; que les premiers juges, en indiquant dans leur jugement que l'élu communautaire disposait d'un pouvoir en date du 3 septembre 2010 et que Mme B... n'établissait pas le caractère irrégulier de ce document, ont suffisamment répondu au moyen soulevé devant eux ; que, dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la sanction :
S'agissant de la légalité externe de l'arrêté du 16 septembre 2010 :
5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions combinées des articles 6 et 7 du décret du 18 septembre 1989 que l'autorité territoriale dont relève le fonctionnaire poursuivi est convoquée par le président du conseil de discipline dans les mêmes formes que celles prévues pour le fonctionnaire poursuivi et dispose des mêmes droits que ce dernier de présenter devant le conseil de discipline des observations écrites ou orales, de citer des témoins et de se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix ;
6. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que M.D..., élu de la communauté de communes d'Epinal-Golbey qui a comparu et a été entendu par le conseil de discipline dans sa séance du 10 septembre 2010, avait reçu pouvoir du président de la collectivité pour le représenter devant le conseil de discipline ; que ce pouvoir, qui n'avait pas à faire l'objet d'une publication, avait été donné à l'élu communautaire le 3 septembre 2010, avant la tenue de l'instance consultative ; que Mme B...ne démontre pas qu'il s'agirait d'un faux ;
7. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions de l'article 7 du décret du 18 septembre 1989 que M. D...pouvait se faire assister par Me Bentz, avocat, ainsi que par la directrice des ressources humaines et par le directeur général des services ;
8. Considérant, en second lieu, que Mme B...reprend en appel, sans apporter d'éléments nouveaux, les moyens tirés de l'irrégularité de la composition du conseil de discipline et d'une insuffisante motivation de l'arrêté contesté ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;
S'agissant de la légalité interne de l'arrêté du 16 septembre 2010 :
9. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) " ;
10. Considérant, en premier lieu, que l'autorité absolue de la chose jugée par les juridictions répressives s'attache aux constatations de fait qui sont le soutien nécessaire des jugements définitifs et statuent sur le fond de l'action publique ; qu'une décision rendue en dernier ressort présente à cet égard un caractère définitif, même si elle peut encore faire l'objet d'un pourvoi en cassation ou est effectivement l'objet d'un tel pourvoi et si, par suite, elle n'est pas irrévocable ;
11. Considérant que la cour d'appel de Nancy a, le 13 octobre 2015, déclaré Mme B...coupable de harcèlement moral au préjudice de trois agents de la bibliothèque multimédia intercommunale d'Epinal et l'a condamnée à une peine d'emprisonnement de six mois avec sursis ; que cet arrêt, bien qu'il fasse l'objet d'un pourvoi en cassation, a l'autorité de la chose jugée ; que la cour d'appel a relevé que Mme B...avait placé les agents en difficulté en ne répondant pas à leurs questions professionnelles, en refusant de communiquer avec eux et de les recevoir en entretien et en pratiquant une rétention de l'information ; que la cour a également constaté que Mme B... avait systématiquement refusé de se prononcer sur les demandes de congés formulées par les personnes intéressées et de signer les demandes de récupération d'heures supplémentaires qu'elles lui avaient soumises ; que la cour a noté que Mme B...avait eu un comportement destructeur qui a perduré de nombreux mois et a altéré durablement la santé mentale des victimes qui, pour deux d'entre elles, ont souffert d'une dépression et ont été placées en arrêt de maladie et, pour la troisième, reste dans un état de stress extrême lorsqu'elle est confrontée à son ancienne supérieure hiérarchique ; que ces constatations de fait, qui sont le soutien nécessaire de la condamnation prononcée par la cour d'appel, sont revêtues de l'autorité absolue de la chose jugée ;
12. Considérant, en deuxième lieu, que les agissements de Mme B...décrits au point 11 caractérisent un comportement de harcèlement moral au sens des dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 précitées ; que Mme B...est passible d'une sanction disciplinaire ;
13. Considérant, en troisième lieu, que, compte tenu de la de la gravité des faits commis par MmeB..., le président de la communauté de communes d'Epinal-Golbey n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en infligeant à l'intéressée la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions de deux ans ;
14. Considérant, en dernier lieu, que Mme B...reprend en appel, sans apporter d'éléments nouveaux, le moyen tiré de l'existence d'un détournement de pouvoir ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;
En ce qui concerne la suspension :
15. Considérant qu'aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 2003 : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. (...) " ;
16. Considérant que la mesure de suspension est une mesure conservatoire prise dans l'intérêt du service et ne constitue pas une sanction disciplinaire ;
17. Considérant qu'à partir du début de l'année 2009, des tensions sont apparues et n'ont cessé de croître au sein de la nouvelle bibliothèque multimédia intercommunale que dirigeait Mme B... ; qu'en janvier 2010, la communauté de communes d'Epinal-Golbey a été alertée par deux médecins du travail de l'éventualité de risques psycho-sociaux au sein de la bibliothèque ; que, dans le même temps, plusieurs agents ont fait part au vice-président, au directeur général des services et à la directrice des ressources humaines de la collectivité d'une dégradation de leurs conditions de travail et de ce qu'ils subissaient des humiliations de la part de MmeB... ; que ces agents, ainsi que les représentants du personnel, ont été reçus par le directeur général des services ; que, le 25 février 2010, le président de la communauté de communes a demandé à Mme B... de lui proposer un plan d'action ayant pour objectif de redéfinir l'organisation des services et de restaurer un dialogue serein et constructif avec les équipes ; que, sur ce second point, la requérante n'a formulé aucune proposition ; que le 9 mars 2010, deux agents ont informé la collectivité de leur intention de rechercher sa responsabilité pour défaut de protection fonctionnelle et harcèlement moral ; qu'à la même époque, deux pétitions ont été adressées à la communauté de communes, l'une pour dénoncer le comportement de MmeB..., l'autre pour la soutenir ; que la collectivité a confié à un cabinet de conseil le soin de conduire une enquête qui a conclu à " un management centralisé, omnipotent, divisant " et " de type persécuteur " de MmeB... ; que si le procureur de la République n'avait encore reçu, à la date de la décision de suspension, aucune plainte pour des agissements répétés de harcèlement moral et de violences psychologiques, les faits susmentionnés présentaient un caractère de vraisemblance suffisant pour justifier, eu égard à leur gravité, une mesure de suspension dans l'intérêt du service ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution ; que ces conclusions doivent dès lors être rejetées ;
Sur les conclusions indemnitaires :
19. Considérant qu'en l'absence de toute illégalité fautive, Mme B...n'est pas fondée à rechercher la responsabilité pour faute de la communauté d'agglomération d'Epinal ; que, par suite, ses conclusions tendant à la réparation des préjudices matériel et moral qu'elle estime avoir subis doivent être rejetées ;
20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner la production des pièces sollicitées, que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
21. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la communauté d'agglomération d'Epinal, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme B...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B...une somme de 1 000 euros à verser à la communauté d'agglomération d'Epinal sur le fondement des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Mme B...versera à la communauté d'agglomération d'Epinal une somme de 1 000 (mille) euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et à la communauté d'agglomération d'Epinal.
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N° 13NC00879