Par un jugement nos 1800931, 1800932, 1802057 et 1802058 du 9 avril 2018, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a annulé ces décisions.
Procédure devant la cour :
I.- Par une requête, enregistrée le 4 mai 2018, sous le n° 18NC01382, le préfet de la Moselle demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé les arrêtés du 29 janvier 2018 pris à l'encontre de M. et Mme A...leur faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination et a mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter les demandes de M. et MmeA....
Il soutient que :
- les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas été méconnues ;
- les autres moyens des demandes de M. et Mme A...doivent écartés pour les motifs développés en première instance.
Par un mémoire, enregistré le 12 juillet 2018, M. et MmeA..., représentés par Me Dollé, concluent au rejet de la requête et demandent, par la voie de l'appel incident, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Moselle de leur délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de réexaminer leur situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte, et enfin, que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
- le préfet n'établit pas avoir procédé à un examen de leur situation au regard des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il ne justifie pas avoir demandé la production des pièces manquantes pour l'examen de leurs dossiers en application de l'article 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- leur droit d'être entendu, garanti par les principes généraux du droit de l'Union européenne, n'a pas été respecté ;
- les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues.
En ce qui concerne les décisions fixant le délai de départ volontaire :
- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence et commis une erreur de droit ;
- les décisions attaquées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination :
- elles sont insuffisamment motivées ;
- elles sont illégales dès lors qu'elles permettent un renvoi vers leur pays d'origine respectif alors qu'ils sont de nationalité différente, ce qui aura pour conséquence de séparer la famille.
En ce qui concerne les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elles doivent être annulées par voie de conséquence de l'illégalité des autres décisions ;
- elles ne sont pas motivées au regard des critères prévus au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le préfet n'a pas examiné si une circonstance humanitaire ne s'opposait pas à ces mesures ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.
II.- Par une requête, enregistrée le 4 mai 2018, sous le n° 18NC01383, le préfet de la Moselle demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé les arrêtés du 29 janvier 2018 pris à l'encontre de M. et Mme A...leur faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination et a mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter les demandes de M. et MmeA....
Il soulève les mêmes moyens que ceux exposés à l'appui de sa requête n° 18NC01382.
Par un mémoire, enregistré le 12 juillet 2018, M. et MmeA..., représentés par Me Dollé, concluent au rejet de la requête, et demandent, par la voie de l'appel incident, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Moselle de leur délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement de réexaminer leur situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte, et enfin que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils font valoir les mêmes moyens que ceux présentés contre la requête n° 18NC01382.
M. et Mme A...ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du bureau d'aide juridictionnelle du 19 juin 2018.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et MmeA..., respectivement de nationalité macédonienne et bosnienne, sont entrés en France le 19 mai 2016 pour y solliciter l'asile. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), puis la Cour nationale du droit d'asile. Par deux arrêtés du 29 janvier 2018, le préfet de la Moselle leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par deux autres arrêtés du 15 mars 2018, il les a assignés à résidence et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a annulé, par un jugement du 9 avril 2018, l'ensemble de ces arrêtés. Le préfet de la Moselle demande à la cour d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé les arrêtés du 29 janvier 2018.
2. La requête enregistrée sous le n°1801383 constitue en réalité le double de la requête présentée par le préfet et enregistrée sous le n°1801382. Cette seconde requête doit être rayée du registre du greffe de la cour et joint à la requête n°1801382, sur laquelle il est statué par le présent arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...)/10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de termes de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations. (...) ".
4. Par un courrier du 23 novembre 2017, M. et Mme A...ont adressé au préfet de la Moselle une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions des 7° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se prévalant de l'état de santé de Mme A...et y ont joint, entre autres, un certificat médical sous pli cacheté. Il ressort des motifs des décisions attaquées que le préfet de la Moselle qui a regardé leurs demandes de titre de séjour pour raison de santé comme étant irrecevables, a prononcé à leur encontre une obligation de quitter le territoire français au motif qu'ils n'avaient fait état d'aucun élément de nature à faire obstacle à leur éloignement. Toutefois, si les intéressés n'ont pas entendu lever le secret médical en saisissant le préfet d'une demande de titre de séjour, il appartenait à ce dernier, en vertu des dispositions précitées, de leur indiquer les pièces manquantes pour l'examen de leurs demandes, au besoin en leur joignant le dossier prévu par les dispositions des articles 1er et 2 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé, comprenant une notice explicative les informant de la procédure à suivre et un certificat médical vierge qu'ils devaient faire remplir et retourner avec tous les documents utiles, dans le respect de la confidentialité, au service de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Ainsi, en se bornant à constater que les intéressés n'avaient pas justifié d'élément de nature à s'opposer à l'édiction d'une mesure d'éloignement, sans les avoir mis en mesure de compléter leur dossier en vue d'une saisine pour avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour se prononcer sur l'état de santé de MmeA..., le préfet de la Moselle a entaché sa décision d'irrégularité.
5. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Moselle n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a annulé les décisions du 29 janvier 2018 portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
6. L'exécution du présent arrêt n'implique pas la délivrance d'un titre de séjour à M. et Mme A...mais seulement que le préfet de la Moselle[sB1] procède au réexamen de leur situation, au besoin en leur faisant compléter leur demande, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de l'instance :
7. M. et Mme A...ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me Dollé, avocat des requérants, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Dollé.
D E C I D E :
Article 1er : Les productions n°1801383 sont rayées du registre du greffe de la cour pour être jointes à la requête n°1801382.
Article 2 : La requête du préfet de la Moselle est rejetée.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Moselle de réexaminer la situation de M. et Mme A...dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Dollé une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Dollé renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le surplus des conclusions de M. et Mme A...est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., à Mme C...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Moselle.
[sB1]J'ai ajouté cela pour que ce soit clair pour tout le monde.
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Nos 18NC01382, 18NC01383