Par une requête enregistrée le 3 juillet 2018, M. B... A..., représenté par Me Bohner, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 25 avril 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 19 décembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les décisions lui refusant un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français méconnaissent le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- ces décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français doit être annulée en conséquence de l'annulation du refus de séjour ;
- la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée en conséquence de l'annulation du refus de séjour et de la mesure d'éloignement.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 décembre 2018, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 juillet 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guérin-Lebacq a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant sénégalais né le 22 juillet 1980, déclare être entré irrégulièrement en France le 12 novembre 2013, pour rejoindre sa compagne avec laquelle il a quatre enfants. Le 21 novembre 2017, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sur celles de l'article L. 313-14 du même code. Par un arrêté du 19 décembre 2017, le préfet du Haut-Rhin a rejeté cette demande et fait obligation à M. A...de quitter le territoire français à destination de son pays d'origine. Le requérant relève appel du jugement du 25 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision portant refus de séjour :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. M. A...a quitté le Sénégal en 1998 pour rejoindre la Suisse, pays dans lequel il a vécu jusqu'en 2013 et où réside l'une de ses filles, née en 2001 de son union avec une ressortissante suisse. Il soutient être entré en France le 12 novembre 2013 et avoir repris une vie commune avec une compatriote, titulaire d'une carte de résident, et avec laquelle il a eu quatre enfants nés en 2001, 2005 et 2010. Les documents produits à l'instance par M.A..., qui indiquent notamment la même adresse que celle de la mère de ses quatre enfants, avec laquelle il s'est marié le 1er octobre 2016, justifient suffisamment d'une résidence en France de l'intéressé et d'une vie commune avec sa conjointe et leurs enfants depuis 2013. Dans ces circonstances, et alors même que le requérant peut bénéficier du regroupement familial, la décision lui refusant le droit au séjour a porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée au regard des objectifs en vue desquels elle a été prise. M. A... est donc fondé à demander l'annulation de cette décision et, par voie de conséquence, celle des décisions l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à M. A...eu égard au motif retenu pour annuler l'arrêté contesté et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de délivrer ce titre dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Bohner, avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat, à verser au conseil du requérant.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1800648 du 25 avril 2018 et l'arrêté du 19 décembre 2017 par lequel le préfet du Haut-Rhin a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. A...et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Haut-Rhin de délivrer à M. A...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Bohner, avocate de M.A..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Bohner renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
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N° 18NC01883