Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 février 2019, M. C... B..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 11 décembre 2018 ;
2°) d'annuler la décision du ministre de la défense du 20 mars 2017 le radiant des cadres pour motif disciplinaire ;
3°) d'enjoindre à la ministre des armées, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de le réintégrer au sein de son administration, de lui verser l'ensemble des traitements dont il a été privé depuis sa radiation des cadres, de lui attribuer un logement de fonction et de lui rembourser l'intégralité des frais de logement qu'il a exposés, d'un montant total de 6 443,25 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision attaquée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'en méconnaissance des dispositions de l'article R. 4137-41 du code de la défense, le ministre de l'intérieur n'a pas été saisi pour avis et qu'en l'absence de cette consultation obligatoire ayant exercé une influence sur le sens de la décision, il a été privé d'une garantie ;
- elle est entachée d'une erreur dans la qualification juridique des faits et méconnaît l'autorité de chose jugée, dès lors que la sanction a été infligée à raison de faits pour lesquels il a été relaxé par le tribunal correctionnel de Reims ;
- elle est fondée sur un motif erroné, dès lors que la faute qu'il a commise n'a pas porté atteinte à l'image de la gendarmerie nationale ;
- la sanction est disproportionnée.
Par un mémoire enregistré le 15 avril 2019, le ministre de l'intérieur a présenté des observations.
Il soutient que le contentieux relatif aux sanctions disciplinaires prises à l'encontre des militaires de la gendarmerie nationale relève de la ministre des armées, s'agissant de décisions n'ayant pas fait l'objet d'un transfert de compétences au ministre de l'intérieur.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F..., présidente,
- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., substituant Me D... pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a intégré la gendarmerie nationale le 11 mai 2004 et a été affecté dans la Marne, à la brigade d'Ay puis à celle de Witry-les-Reims. Il a été promu au grade d'adjudant le 1er décembre 2012. A la suite de la plainte de son ancienne compagne, il a été condamné, à titre principal, à une peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits d'accès frauduleux dans le système de traitement automatisé de données de la gendarmerie, d'envoi de messages malveillants par voie électronique et non-paiement de pensions alimentaires par une ordonnance du 23 septembre 2015 du président du tribunal de grande instance de Reims. Pour avoir consulté les fichiers de gendarmerie de traitement des données, M. B... a fait l'objet, le 20 octobre 2015, d'une sanction de vingt jours d'arrêts. Muté dans l'intérêt du service, il a été affecté à la brigade de Rethel le 16 décembre 2015. Le 25 avril 2016, la nouvelle compagne de M. B... a déposé une plainte à son encontre pour des faits d'envoi de messages électroniques et d'appels malveillants ainsi que des menaces de mort. Le 27 avril 2016, M. B... a été placé en garde à vue et renvoyé devant le tribunal correctionnel de Reims. Il a été suspendu de ses fonctions du 3 mai au 12 juin 2016. Par un jugement du 23 mai 2016, le tribunal correctionnel l'a condamné à titre principal à une peine d'emprisonnement de six mois avec sursis et mise à l'épreuve pour une durée de deux ans du chef de messages malveillants, inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire, mais l'a relaxé pour les faits de menaces de mort. Le procureur général près la cour d'appel de Reims a, par une décision du 11 juillet 2016, prononcé la suspension de son habilitation en qualité d'officier de police judiciaire pour une durée d'un an. Après consultation du conseil d'enquête, le ministre de la défense a prononcé sa radiation des cadres par un arrêté du 20 mars 2017. Par un jugement du 11 décembre 2018, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions d'annulation, d'injonction et les frais de l'instance / Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. Aux termes de l'article R. 4137-41 du code de la défense : " La radiation des cadres des sous-officiers de carrière de la gendarmerie nationale est prononcée par le ministre de la défense, après avis du ministre de l'intérieur (...) ".
3. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
4. S'il est constant que l'avis du ministre de l'intérieur n'a en l'espèce pas été recueilli en méconnaissance des dispositions de l'article R. 4137-41 du code de la défense, il ressort des pièces du dossier que les faits reprochés à M. B... ont été commis en dehors de l'exercice de ses fonctions de gendarme et sont sans lien avec celles des services de police. Dans ces conditions, l'absence de consultation du ministre de l'intérieur n'a pas privé M. B... d'une garantie, ni n'a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise. Ainsi, ce vice de procédure n'a, dans les circonstances de l'espèce, pas été de nature à entacher d'illégalité cette décision.
En ce qui concerne la légalité interne :
5. En premier lieu, il ressort des termes de la décision attaquée que la sanction contestée a été prise aux motifs que M. B... a reconnu avoir envoyé de nombreux messages malveillants à sa compagne dont certains, macabres, mettent en scène son jeune fils, qu'il s'est déjà fait connaître pour des faits similaires, qu'il a été condamné pour ces faits qui ont porté atteinte à l'image de la gendarmerie nationale et enfin que le renouvellement du comportement fautif de l'intéressé est incompatible avec ce que l'on peut attendre d'un militaire de gendarmerie. Si la décision en litige a également, en préliminaire, rappelé les chefs de poursuite ayant justifié la saisine de la juridiction pénale dont les menaces de mort, ces dernières ne sont pas, comme il vient d'être dit, au nombre des motifs de la décision infligeant une sanction disciplinaire à M. B.... Par suite, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que la sanction contestée a été prononcée au vu de faits pour lesquels il a été relaxé.
6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que dans un article paru le 25 mai 2016 sous le titre " Le gendarme de la brigade de Rethel harcelait son ex et son fils ", dont le lien indiqué dans le mémoire en défense en appel permet encore sa consultation, le journal " L'Ardennais " s'est fait l'écho de la condamnation par le tribunal correctionnel à une peine d'emprisonnement de six mois avec sursis avec obligation de soins d'un gendarme prénommé Mickaël, âgé de 39 ans, affecté à la brigade de Rethel, pour avoir adressé près de 350 messages en quatre jours à sa compagne, dont la majorité visait, de manière macabre, le fils de cette dernière, le journaliste citant certains de ces messages. Un tel article, au regard de la nature des faits reprochés qui sont détaillés et de l'identification de la fonction de son auteur a pu porter atteinte au renom de la gendarmerie. Par suite, le ministre a pu, sans erreur de fait, se fonder sur l'atteinte à l'image de la gendarmerie pour prononcer la sanction contestée.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 4137-2 du code de la défense : " Les sanctions disciplinaires applicables aux militaires sont réparties en trois groupes : (...) / 3° Les sanctions du troisième groupe sont : (...) / b) La radiation des cadres (...) ". Aux termes de l'article R. 434-12 du code de la sécurité intérieure : " Le (...) gendarme ne se départ de sa dignité en aucune circonstance. / En tout temps, dans ou en dehors du service, (...), il s'abstient de tout acte, propos ou comportement de nature à nuire à la considération portée (...) à la gendarmerie nationale. Il veille à ne porter, par la nature de ses relations, aucune atteinte à leur crédit ou à leur réputation ". Aux termes de l'article R. 434-14 du même code : " Le (...) gendarme est au service de la population. (...) Respectueux de la dignité des personnes, il veille à se comporter en toute circonstance d'une manière exemplaire, propre à inspirer en retour respect et considération ".
8. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
9. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été condamné pénalement le 23 septembre 2015 à une peine d'emprisonnement avec sursis de trois mois pour avoir, notamment, adressé des messages malveillants à la mère de son fils dont il est séparé, puis une seconde fois le 23 mai 2016 à une peine d'emprisonnement de six mois avec sursis et mise à l'épreuve de deux ans pour avoir envoyé des messages malveillants à sa compagne mettant en scène, de manière macabre, son jeune fils. Alors même que le dossier de M. B... atteste de ses qualités professionnelles, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard à la gravité des faits commis, pour la seconde fois à une année d'intervalle, des fonctions occupées par l'intéressé, qui requiert un comportement exemplaire, et au retentissement qu'a eu cette affaire dans la presse locale, que le ministre de la défense a, en prononçant sa radiation des cadres, commis une erreur d'appréciation.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à la ministre des armées et au ministre de l'intérieur.
2
N° 19NC00421