Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 décembre 2019, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 29 août 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
2°) d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2019 du préfet du Bas-Rhin ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de faire droit à sa demande et de se déclarer compétent pour étudier sa demande d'asile et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté de transfert est insuffisamment motivé ;
- il n'a pas été informé de ses droits et aucun document informatif ne lui a été remis ;
- il a été privé d'une garantie car s'il comprend le français, il ne sait pas le lire ;
- il n'a pas pu faire valoir ses observations dès lors qu'il n'a bénéficié d'aucun entretien individuel ;
- l'entretien individuel n'a pas respecté les conditions prévues par l'article 5 du règlement UE n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 en ne tenant pas compte des conséquences exceptionnelles de sa décision sur sa situation en cas de retour en Italie où les conditions de vie sont déplorables ;
- il a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il a méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Le préfet du Bas-Rhin, à qui la procédure a été communiquée, n'a pas produit de mémoire en défense.
Les parties ont été informées le 22 mars 2021, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de transfert, cette décision ne pouvant plus être légalement exécutée compte tenu de l'expiration du délai de transfert prévu à l'article 29 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 (CE 27 mai 2019 n°421276, B).
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 17 octobre 2019.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Roussaux, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... de nationalité burkinabée, né le 1er janvier 1998, est entré sur le territoire français irrégulièrement à une date indéterminée et y a sollicité, le 13 juin 2019, la reconnaissance du statut de réfugié. La consultation du fichier Eurodac a permis de constater que l'intéressé avait saisi les autorités italiennes d'une demande de reconnaissance du statut de réfugié, antérieurement au 13 juin 2019. Par suite, les autorités italiennes ont été saisies d'une demande de réadmission le 3 juillet 2019, à laquelle elles ont donné leur accord implicite. M. C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a décidé sa réadmission en Italie afin qu'y soit examinée sa demande d'asile. M. C... relève appel du jugement n°1902019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de transfert aux autorités italiennes :
2. En premier lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.
3. En l'espèce, l'arrêté prononçant le transfert de M. C... aux autorités italiennes vise le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi que deux règlements portant modalité d'application du règlement n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable d'une demande d'asile. Il énonce également que M. C..., de nationalité burkinabée, a présenté une demande d'asile en Italie et que les autorités de ce pays ont accepté de le reprendre en charge sur leur territoire sur le fondement des dispositions de l'article 18-1 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 par un accord implicite le 18 juillet 2019. Cet arrêté indique également que l'intéressé a déclaré être célibataire et sans charge de famille et que s'il souffre de douleurs à l'épaule droite, il n'a fourni aucun justificatif médical. Il est, dès lors, suffisamment motivé au regard des exigences énoncées au point précédent. Il ressort en outre de cette motivation que le préfet du Bas-Rhin a procédé à un examen particulier de la situation de M. C....
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".
5. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a bénéficié de l'entretien individuel prévu par les dispositions de l'article 5 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013 au cours duquel les guides du demandeur d'asile et d'information sur les règlements communautaires lui ont été remis. En se bornant à soutenir, sans apporter de précisions, que l'entretien est irrégulier en l'absence de personne qualifiée, de confidentialité, d'accès au résumé de l'entretien et en l'absence d'interprète, le requérant n'assortit pas le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure des précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé.
6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment de la fiche recueil produite par le préfet en première instance que le requérant a déclaré comprendre le français et pouvoir suivre et comprendre un entretien se déroulant dans cette langue. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la procédure ayant précédé l'édiction de l'arrêté en litige serait irrégulière du fait de l'absence d'un interprète lors de l'entretien individuel.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ; L'état membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit.". Il résulte de ces dispositions que si le préfet peut refuser l'admission au séjour d'un demandeur d'asile au motif que la responsabilité de l'examen de cette demande relève de la compétence d'un autre Etat membre, il n'est pas tenu de le faire et peut autoriser une telle admission au séjour en vue de permettre l'examen d'une demande d'asile présentée en France.
8. Si M. C... fait valoir qu'il n'a pas été bien accueilli en Italie où il aurait été victime d'insultes et de menaces d'un habitant du centre pour demandeurs d'asile au sein duquel il résidait et se prévaut d'un rapport d'une association relevant les difficultés rencontrées par les demandeurs d'asile en Italie. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment de ce rapport que les autorités italiennes connaîtraient des défaillances systémiques ou que l'intéressé ne pourrait bénéficier de toutes les garanties de procédure conformes au droit européen et, notamment, de la possibilité de contester en justice les décisions prises par les autorités italiennes. Dans ces conditions, le préfet du Bas-Rhin, dont il ressort des termes de la décision attaquée qu'il a examiné la situation du requérant, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la faculté prévue par l'article 17 du règlement précité.
9. En cinquième, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. M. C... est célibataire et sans charge de famille et ne dispose d'aucune attache familiale stable en France. Il n'est dès lors pas fondé à soutenir que la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. Enfin, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
12. Si M. C... soutient qu'il encourt des traitements inhumains et dégradants en Italie, il n'établit pas la réalité de ses allégations. Par suite, doit être écarté le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales précitées.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
14. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions du requérant sur ce fondement, l'Etat n'étant pas la partie perdante à l'instance.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 19NC03508