Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 20 février 2019, le 22 juillet 2020 et le 7 août 2020, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 20 décembre 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 6 juin 2017 par laquelle le directeur du réseau La Poste de Franche-Comté a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie pour laquelle il est placé en congé de longue durée et l'a maintenu dans ses droits de congé de longue durée jusqu'au 5 juillet 2017 ;
3°) d'enjoindre à La Poste, à titre principal, de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande et de prendre une nouvelle décision, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de La Poste le versement de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la décision litigieuse est entachée d'un défaut de motivation en fait et en droit ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en estimant que le lien d'imputabilité au service de sa maladie n'était pas établi ;
- le jugement attaqué n'a pas répondu au moyen relatif aux risques psychosociaux ;
- il n'a pas reçu communication des éléments de son dossier, avant la séance de la commission de réforme, malgré la demande qu'il avait présentée ;
- le médecin de prévention n'a pas été informé de la séance de la commission de réforme et n'a ainsi pas pu rédiger le rapport prévu par l'article 18 du décret du 14 mars 1986.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 juillet 2020 et 6 août 2020, La Poste, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 11 août 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 27 août 2020 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Antoniazzi, premier conseiller,
- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,
- les observations de Me C..., avocat de M. A...,
- et les observations de Me D..., avocat de La Poste.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., agent technique et de gestion de second niveau titulaire, est entré à La Poste à compter de juillet 1982. Il a exercé ses fonctions en qualité de préposé, puis d'agent d'exploitation, dans la région parisienne. Après une période de disponibilité pour convenance personnelle de 1989 à 1991, il a été réintégré au bureau de Scey-sur-Saône, sur un poste fixe, puis il a été muté d'office à compter du 1er mars 2006 aux équipes d'agents roulants, affecté aux remplacements des agents absents. Du 2 juillet 2011 au 22 septembre 2011, il a été placé en congé ordinaire de maladie, ensuite en congé de longue maladie du 6 juillet 2012 au 5 juillet 2013, puis en congé de longue durée du 6 juillet 2013 au 5 juillet 2017. Le 1er juin 2015, M. A... a demandé la reconnaissance de l'imputabilité au service de son congé de longue durée. Cette demande a été rejetée par une décision de La Poste du 19 février 2016, confirmée le 15 juin 2016. Par une décision du 7 mars 2017, ces deux décisions ont été retirées et la Poste a procédé à un nouvel examen du dossier de M. A.... A la suite de l'avis émis par la commission de réforme le 23 mars 2017, La Poste, par une nouvelle décision du 6 juin 2017, a refusé la reconnaissance de l'imputabilité au service du congé de longue durée de M. A.... M. A... fait appel du jugement du 20 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 6 juin 2017 :
2. Il résulte de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom que les personnels de droit public de la Poste sont régis par des statuts particuliers, pris en application des lois du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence (...) ". L'article 13 du décret du 14 mars 1986 susvisé, dans sa version applicable au litige, précise que : " La commission de réforme est consultée notamment sur : (...) 2. L'imputabilité au service de l'affection entraînant l'application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 34 (4°) de la loi du 11 janvier susvisée (...) ". Aux termes de l'article 18 du même décret : " Le médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire dont le cas est soumis au comité médical ou à la commission de réforme est informé de la réunion et de son objet. Il peut obtenir, s'il le demande, communication du dossier de l'intéressé. Il peut présenter des observations écrites ou assister à titre consultatif à la réunion ; il remet obligatoirement un rapport écrit dans les cas prévus aux articles 26, 32, 34 et 43 ci-dessous (...) ". Enfin, aux termes de l'article 32 du même décret, alors en vigueur : " Lorsque le congé de longue durée est demandé pour une maladie contractée dans l'exercice des fonctions, le dossier est soumis à la commission de réforme. Ce dossier doit comprendre un rapport écrit du médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire concerné (...) ".
3. Il résulte des dispositions précitées que, dès lors que M. A... a sollicité le bénéfice des dispositions du 4° de l'article 34 de la loi du 26 janvier 1984 et que l'administration n'a pas reconnu l'imputabilité au service de son congé de longue durée, l'avis de la commission de réforme devait être recueilli par l'administration. Dans ce cas, le dossier soumis à la commission de réforme doit obligatoirement comporter un rapport écrit du médecin de prévention.
4. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.
5. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission de réforme a apprécié l'imputabilité au service de la pathologie de M. A... au vu d'un rapport écrit du médecin de prévention, dont il n'est même d'ailleurs pas établi qu'il aurait été informé de la date de la séance au cours de laquelle devait être examinée la situation de M. A.... Ce dernier a ainsi été effectivement privé de la garantie, résultant des articles 18 et 32 du décret du 14 mars 1986, de la consultation du médecin de prévention par la commission de réforme. Cette omission a, en outre, été susceptible d'exercer une influence sur le sens de l'avis émis par cette commission dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le médecin de prévention avait alerté à plusieurs reprises l'employeur de M. A... de la dégradation de l'état de santé de ce dernier compte tenu des fonctions qu'il occupait, et, par suite, d'exercer une influence sur le sens de la décision prise par l'autorité administrative, au vu de cet avis. Ainsi, la décision du 6 juin 2017 par laquelle La Poste a refusé de reconnaître l'imputabilité au service du congé de longue durée de M. A... est intervenue à la suite d'une procédure irrégulière.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 juin 2017 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de son congé de longue durée.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
7. L'annulation prononcée par le présent arrêt implique seulement, eu égard au seul motif d'annulation retenu au point 5 du présent arrêt, qu'il soit enjoint à La Poste de réexaminer la situation de M. A... et de se prononcer à nouveau sur l'imputabilité au service de sa pathologie, dans un délai de trois mois suivant le nouvel avis qui sera rendu par la commission de réforme. Il n'y a pas lieu en revanche d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont La Poste demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de La Poste une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n°1701243 du tribunal administratif de Besançon du 20 décembre 2018 et la décision du 6 juin 2017 refusant de reconnaître l'imputabilité au service du congé de longue durée de M. A... sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à La Poste de réexaminer la situation de M. A... et de se prononcer à nouveau sur l'imputabilité au service de sa pathologie, dans un délai de trois mois suivant le nouvel avis qui sera rendu par la commission de réforme.
Article 3 : La Poste versera à M. A... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à La Poste.
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N° 19NC00522