Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 novembre 2019, Mme B..., épouse A..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement du 28 mai 2019 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 mars 2019 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 013 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité en ce qu'il se prononce sur la régularité de la publication de la délégation de signature du préfet qui n'était pas contestée en première instance ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoit pas la possibilité pour le préfet de déléguer sa signature pour les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;
- l'arrêté litigieux est entaché d'un vice d'incompétence en l'absence de délégation de signature ;
- le préfet devait examiner d'office si elle avait droit à la délivrance de plein-droit d'un titre de séjour faisant ainsi obstacle à son éloignement ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen suffisamment approfondi de sa situation privée et familiale ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B..., épouse A... ne sont pas fondés.
Mme B..., épouse A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 septembre 2019.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D..., présidente assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., épouse A..., ressortissante albanaise née le 7 mars 1994, est entrée en France le 20 juin 2017. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 20 octobre 2017 de l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée par une décision du 23 mai 2018 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par un arrêté du 28 mars 2019, le préfet de Meurthe-et-Moselle a obligé Mme B..., épouse A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 28 mai 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 mars 2019. Mme B..., épouse A... relève appel de l'article 2 de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Alors même qu'il énonce que l'arrêté du 27 juin 2018 du préfet de Meurthe-et-Moselle portant délégation de signature à la secrétaire générale de la préfecture, signataire de l'arrêté litigieux, a été régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, sans que ce point ait été expressément soulevé devant le tribunal, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité mais répond complètement au moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte soulevé.
Sur la compétence de l'auteur de l'acte :
3. Contrairement à ce qui est soutenu, le préfet de Meurthe-et-Moselle avait la faculté de déléguer sa signature dans les conditions prévues par l'article 43 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements, ce qu'il a fait, en l'espèce, par son arrêté du 27 juin 2018. Cet arrêté, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, qui n'avait pas à énumérer l'ensemble des actes faisant l'objet de la délégation de signature, inclut nécessairement les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, dès lors qu'il délègue à Mme Blanchard, secrétaire générale de la préfecture de Meurthe-et-Moselle et signataire de l'arrêté du 28 mars 2019, notamment la signature des arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département de Meurthe-et-Moselle, à l'exception des arrêtés de conflit. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de Mme C... doit être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".
5. Indépendamment de l'énumération faite par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne peut légalement prendre une mesure de reconduite à la frontière à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français. Cependant, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé.
6. En premier lieu, Mme B..., épouse A... a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande d'asile a fait l'objet d'un rejet définitif. Par suite, elle entrait dans le champ d'application du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des étrangers pouvant faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. En l'absence de demande d'admission au séjour sur un autre fondement que celui de l'asile, le préfet n'était pas tenu d'examiner d'office si la requérante pouvait être admise au séjour pour un autre motif, y compris ceux pour lesquels la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre.
7. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté du 28 mars 2019 que le préfet de Meurthe-et-Moselle a examiné si la requérante se trouvait dans l'une des situations relevant de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile faisant obstacle à son éloignement. Il a également procédé à l'examen de sa situation privée et familiale en mentionnant que son mari faisait l'objet d'un refus de titre de séjour et d'une obligation de quitter le territoire français, qu'elle n'avait pas d'enfant et était arrivée récemment en France. L'arrêté litigieux précise, en outre, qu'un retour en Albanie ne mettrait pas en danger la vie ou la liberté de Mme B..., épouse A.... Par suite, le préfet de Meurthe-et-Moselle a procédé à un examen suffisamment approfondi et complet de sa situation.
8. En dernier lieu, alors même que, contrairement à ce qu'énonce le jugement attaqué, l'arrêté litigieux ne précise pas que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas entendu faire usage de son pouvoir discrétionnaire en admettant Mme B..., épouse A... au séjour, il résulte de ce qui est dit au point précédent que le préfet a procédé à un examen complet de sa situation au regard des éléments dont il disposait et a notamment vérifié s'il existait un obstacle à ce que la requérante, qui n'a fait valoir aucune circonstance particulière ainsi qu'il le lui incombait, fasse l'objet d'une mesure d'éloignement. En se bornant à alléguer que le préfet n'a pas examiné sa situation personnelle et familiale, ce qui manque d'ailleurs en fait, Mme B..., épouse A... ne fait état d'aucun élément relatif à sa situation de nature à faire obstacle à son éloignement.
9. Il suit de là que le moyen tiré de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation entachant la décision portant obligation de quitter le territoire français édictée à l'encontre de Mme B..., épouse A... doit être écarté.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
10. En l'absence d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, ainsi qu'il est dit au point précédent, le moyen, soulevé par voie d'exception, tiré de son illégalité, doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B..., épouse A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 mars 2019 du préfet de Meurthe-et-Moselle. Les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, en conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B..., épouse A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... B..., épouse A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Meurthe-et-Moselle.
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N° 19NC03229