Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 novembre 2019 et le 22 avril 2020, M. et Mme B..., représentés par Me A... demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 11 juillet 2019 ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet de la Moselle du 12 décembre 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de leur délivrer un titre de séjour, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil de la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
en ce qui concerne le moyen commun aux deux décisions de refus de titre de séjour :
- elles sont entachées d'un défaut d'examen particulier de leur situation car ils ont justifié du sérieux de la scolarité de leur fils ainé ;
en ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour opposée à M. B... :
- les premiers juges ont inversé la charge de la preuve de la collégialité de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et il appartient au préfet d'apporter la preuve que la délibération du collège de médecins de l'OFII s'est bien tenue de manière collégiale ;
- le refus de titre de séjour méconnait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
en ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour opposée à Mme B... :
- le refus de titre de séjour méconnait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
en ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
- les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;
- les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ont été méconnues ;
en ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination :
- les décisions sont insuffisamment motivées au regard des dispositions de l'article L. 211-1 du code des relations entre le public et l'administration et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 avril et 5 mai 2020, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 22 mai 2020, l'instruction a été rouverte.
M. et Mme B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 17 octobre 2019.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Roussaux, rapporteur ;
- et les observations de Me A..., représentant M. et Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... F... épouse B..., née le 17 octobre 1978, et M. C... B..., né le 25 juin 1977, de nationalité bosniaque, sont entrés en France le 11 octobre 2015 selon leurs déclarations, aux fins de solliciter la reconnaissance du statut de réfugié avec leurs deux enfants, nés en 2001 et 2013. Leurs demandes d'asile ont été rejetées. M. B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, le 29 janvier 2018. Ultérieurement, les requérants ont introduit chacun, le 14 septembre 2018, une demande d'admission au séjour pour des motifs exceptionnels ou humanitaires sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du même code. Par deux arrêtés du 12 décembre 2018, le préfet de la Moselle leur a refusé le séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 11 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne les décisions portant refus de titre de séjour :
2. Si les requérants soutiennent que les décisions sont entachées d'un défaut d'examen particulier de leur situation car le préfet a mentionné qu'ils n'avaient pas justifié du sérieux de la scolarité de leur fils ainé, il ressort des pièces du dossier que les requérants se sont bornés à joindre à leur demande d'admission exceptionnelle au séjour du 13 septembre 2018 uniquement les certificats de scolarité de leur fils ainé, lesquels ne permettent que de s'assurer de la scolarisation de ce dernier. Par suite, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que le préfet de la Moselle n'aurait pas procédé à un examen particulier de leur situation personnelle.
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour de M. B... :
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22 (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. (...) / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase du premier alinéa. Lorsque le demandeur n'a pas présenté au médecin de l'office ou au collège les documents justifiant son identité, n'a pas produit les examens complémentaires qui lui ont été demandés ou n'a pas répondu à la convocation du médecin de l'office ou du collège qui lui a été adressée, l'avis le constate (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".
4. Lorsque l'avis médical porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ", cette mention du caractère collégial de l'avis fait foi jusqu'à preuve du contraire. Il ressort des pièces du dossier que l'avis du 13 juillet 2018 concernant M. B..., signé par les trois médecins composant le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), porte cette mention. Par suite, en l'absence de tout commencement de preuve contraire et sans qu'il soit besoin de solliciter l'administration pour que soient communiqués les extraits du logiciel de traitement informatique Themis, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé de la garantie tirée du caractère collégial de la délibération du collège de médecins de l'OFII qui résulte des dispositions de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". En vertu de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet délivre le titre de séjour prévu par ces dispositions au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).
6. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi.
7. Par un avis émis le 13 juillet 2018, le collège de médecins de l'OFII a estimé que si l'état de santé de M. B... nécessitait une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'au vu des éléments de son dossier et à la date de l'avis, l'état de santé de M. B... pouvait lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine, la Bosnie. Les documents médicaux produits par M. B... ne permettent pas de remettre en cause cette appréciation. Si le dernier certificat médical de son médecin généraliste du 10 décembre 2019, postérieur à la date de l'arrêté litigieux mais qui fait état de faits antérieurs à ce dernier, précise que son retour en Bosnie est contre-indiqué au niveau médical, il relève toutefois que M. B... n'a pas pu trouver de psychiatre disponible en France pour traiter sa pathologie de stress post-traumatique car il n'est pas francophone. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de l'admettre au séjour, le préfet de la Moselle aurait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour opposé à Mme B... :
8. Si la requérante soutient que cette décision méconnait le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle n'a pas sollicité de titre de séjour sur ce fondement mais sur celui de l'article L. 313-14 du même code. Par suite le moyen est inopérant et doit être écarté.
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) ".
10. D'une part, il résulte de ce qui a été dit au point 7 que M. B... n'établit pas qu'il entrerait dans le champ d'application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. D'autre part, les pièces médicales produites par Mme B... ne permettent pas d'établir qu'elle ne pourrait pas également se faire soigner en Bosnie, alors qu'il ressort des pièces du dossier que des médicaments équivalents à ceux qui lui sont prescrits pour ses troubles psychologiques sont disponibles en Bosnie. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du même code ne peut qu'être écarté.
11. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). ". Aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
12. Les requérants n'apportent en appel aucun élément de fait ou de droit nouveau s'agissant des moyens tirés de la violation des dispositions précitées. Il y a donc lieu d'adopter les motifs retenus par les premiers juges dans le point 18 du jugement attaqué.
Sur les décisions fixant le pays de destination :
13. En premier lieu, les décisions attaquées comportent les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, et notamment l'appréciation du préfet sur les risques auxquels ils seraient exposés en cas de retour dans leur pays d'origine. Ainsi, elles sont suffisamment motivées.
14. En second lieu, alors que les requérants n'établissent pas qu'un renvoi en Bosnie risquerait de provoquer une aggravation significative de l'état de santé de M. B..., ils ne sont pas fondés à soutenir que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en prenant les décisions contestées.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Mme D... F... épouse B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 19NC03236