Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2019, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 novembre 2019 du magistrat désigné du tribunal administratif de Nancy ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 août 2019 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai et lui a interdit de retourner en France pendant un an ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de réexaminer sa situation et de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 30 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- il a été privé d'une garantie de procédure en l'absence d'examen de son état de santé par un médecin du centre de rétention ;
- son droit au séjour au titre du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être apprécié à la date de la décision portant obligation de quitter le territoire français et non sur le fondement de son précédent refus de titre de séjour ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en application du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie d'exception en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'interdiction de retour en France méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 janvier 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D..., présidente,
- les observations de Me A..., représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant albanais né le 14 mars 1981, déclare être entré en France le 15 juillet 2017. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection pour les réfugiés et apatrides (OFPRA), le 8 novembre 2017. La Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a confirmé cette décision, le 10 juillet 2018. Par un arrêté du 1er juillet 2019, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour pour motifs de santé. Par un arrêté du 28 août 2019, il l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai et lui a interdit de retourner en France pendant une durée d'un an. Par un jugement du 12 novembre 2019, dont M. C... relève appel, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 août 2019.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Selon l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Toutefois, lorsque l'étranger est retenu en application de l'article L. 551-1, le certificat est établi par un médecin intervenant dans le lieu de rétention conformément à l'article R. 553-8. / En cas de rétention ou d'assignation à résidence en application de l'article L. 561-2, l'avis est émis par un médecin de l'office et transmis sans délai au préfet territorialement compétent. ".
3. Il résulte de ces dispositions que, même si elle n'a pas été saisie d'une demande de titre de séjour fondée sur les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative qui dispose d'éléments d'informations suffisamment précis et circonstanciés établissant qu'un étranger résidant habituellement sur le territoire français est susceptible de bénéficier des dispositions protectrices du 10° de l'article L. 511-4 du même code, doit, avant de prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire, recueillir préalablement l'avis du collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et l'intégration.
4. Il ressort des pièces du dossier que la demande de titre de séjour pour raisons de santé, déposée par M. C..., a été rejetée par une décision du préfet de Meurthe-et-Moselle du 1er juillet 2019, au vu notamment de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le 22 novembre 2018. Au cours de son audition par les services de police, le 27 août 2019, le requérant, s'il a invoqué ses problèmes médicaux, n'a pas fait état d'une dégradation de son état de santé, ni communiqué des éléments médicaux suffisamment précis et circonstanciés de nature à établir qu'il serait susceptible de bénéficier des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans cette mesure, le préfet n'a, en tout état de cause, pas entaché sa décision d'un vice de procédure en ne sollicitant pas le médecin intervenant dans le lieu de rétention pour qu'il établisse le certificat médical mentionné à l'article R. 511-1 précité et en ne saisissant pas un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration avant de décider de l'obliger à quitter le territoire français.
5. En deuxième lieu, lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français. En outre, il appartient toujours au juge administratif saisi de ce recours d'apprécier la légalité de la mesure d'éloignement au regard du droit au séjour éventuel de l'étranger à la date de son intervention, le cas échéant, en fonction des changements de circonstances de fait ou de droit intervenus depuis la décision relative au séjour devenue définitive.
6. Aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée (...) ".
7. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
8. Il ressort des pièces du dossier et notamment du certificat médical du 19 juillet 2019, que M. C... souffre d'une épilepsie sévère pharmaco-résistante et fait plusieurs crises par mois, en dépit d'un traitement composé de deux médicaments. Par son avis du 22 novembre 2018 émis à l'occasion de la demande de titre de séjour pour motifs de santé de M. C..., le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé qu'il avait besoin d'une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour lui, mais qu'il était susceptible de bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. La demande de titre de séjour pour motifs de santé de M. C... a été rejetée le 1er juillet 2019 par le préfet de Meurthe-et-Moselle.
9. Lors de son audition par les services de police de Nancy à la suite de son interpellation pour vol, le 27 août 2019, M. C... a précisé qu'il souffre d'épilepsie depuis son enfance, sans faire état d'une dégradation récente de cette maladie chronique ou communiquer de nouveaux éléments médicaux relatifs à son état de santé qui avait fait l'objet d'un examen quelques semaines auparavant par le préfet de Meurthe-et-Moselle. En outre, en se bornant à produire des articles généraux sur le système de santé en Albanie et les disparités entre les régions urbaines et rurales et à alléguer que, résidant dans une région rurale, il ne sera pas en mesure, en cas de retour en Albanie, de bénéficier effectivement d'un traitement adapté à sa pathologie, qui nécessite des hospitalisations fréquentes et qu'il ne sera pas davantage en mesure de payer ces soins, M. C..., qui ne conteste pas que les traitements dont il bénéficie sont disponibles en Albanie, n'apporte aucun élément suffisamment précis et circonstancié sur l'impossibilité pour lui d'y accéder effectivement.
10. Ainsi, à la date de l'arrêté litigieux, M. C... n'apportait aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, alors même qu'il a été émis le 22 novembre 2018. Par suite, en l'absence de tout changement dans les circonstances de droit ou de fait depuis la décision portant refus de titre de séjour du 1er juillet 2019, le moyen tiré de ce que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'aurait pas apprécié la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français au regard de son droit au séjour à la date d'édiction de cette dernière décision, le 28 août 2019 doit être écarté. Il en va de même du moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. C... tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doivent être rejetées.
Sur la décision fixant le pays de destination :
12. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée d'illégalité, le moyen tiré de son illégalité, soulevé par voie d'exception à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, doit être écarté.
13. En second lieu, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
14. Ainsi qu'il est dit au point 8 du présent arrêt, M. C... n'établit pas qu'il ne serait pas en mesure de bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé en cas de retour dans son pays d'origine. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, en conséquence, être écarté.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
15. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " III. _ L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...) ". Il résulte de ces dispositions que, réserve faite de circonstances humanitaires, l'interdiction de retour est prononcée dès lors que tout délai de départ volontaire a été refusé, comme en l'espèce.
16. En se bornant à soutenir qu'il ne sera pas en mesure de bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé en cas de retour dans son pays d'origine, M. C... n'établit pas, pour les motifs exposés au point 8 du présent arrêt, que l'interdiction de retour sur le territoire français d'un an porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale normale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision contestée a été prise, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
17. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 août 2019 du préfet de Meurthe-et-Moselle. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles qu'il présente au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, en conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 19NC03586