Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 novembre 2019, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 17 juillet 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aube du 28 mars 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sans délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- les décisions contestées ont été édictées en méconnaissance des articles L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et 41.2 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elles ont été prises sans qu'un examen individuel de sa situation ne soit effectué ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et familiale ;
- elles sont entachées d'une erreur de droit ;
- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il justifie d'un droit au séjour dès lors que lui-même, son fils et son épouse ont exercé une activité professionnelle qui n'est pas marginale ou accessoire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2020, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Antoniazzi, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., de nationalité croate, est entré sur le territoire national en décembre 2014 accompagné de sa femme et de ses enfants. Il a bénéficié du 26 mai 2015 au 25 mai 2016 d'une carte de séjour temporaire en qualité de citoyen de l'Union européenne dont le renouvellement lui a été refusé par un arrêté du 9 août 2016. M. C... a été reconduit vers son pays d'origine le 9 juin 2017 mais est, à nouveau, entré en France le 11 juin 2017. A la suite de son interpellation, le préfet de l'Aube a obligé M. C... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi par un arrêté du 28 mars 2019. M. C... relève appel du jugement du 17 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ".
3. M. C... fait valoir que l'arrêté litigieux n'a pas été pris à l'issue d'une procédure contradictoire en méconnaissance des dispositions précitées. Toutefois, il ressort des dispositions des articles L. 512-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'administration signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire et d'une décision fixant le pays de destination, prises concomitamment.
4. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres, mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant.
5. Il résulte toutefois de la jurisprudence de cette même Cour de justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. En outre, ainsi que la Cour de justice l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour.
6. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de son interpellation, M. C... a complété un formulaire de renseignements administratifs et a été entendu par les services de police de Troyes, qui lui ont indiqué que le préfet de l'Aube était susceptible de prendre une mesure d'éloignement. Par suite, M. C... a été mis à même de présenter, de manière effective et utile, les informations pertinentes tenant à sa situation personnelle avant que ne soit prise la mesure d'éloignement contestée.
7. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de la situation de M. C... avant de prendre les décisions litigieuses.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne (...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie (...) " et aux termes de l'article L. 511-3-1 du même code : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : 1° Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 (...) ".
9. D'une part, il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle l'arrêté litigieux a été pris, M. C... n'exerçait aucune activité professionnelle. D'autre part, s'il se prévaut des ressources issues de l'activité d'autoentrepreneur de son épouse et des emplois en contrat à durée déterminée qu'elle occupe occasionnellement ainsi que de celles perçues par son fils aîné dans le cadre de son contrat d'apprentissage, il n'est toutefois pas établi que ces ressources seraient suffisantes pour subvenir aux besoins de la famille afin qu'elle ne devienne pas une charge pour le système d'assistance sociale alors que M. C... fait par ailleurs état des difficultés financières qu'il rencontre du fait de l'interruption du versement des prestations sociales par la caisse d'allocations familiales. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Aube ne pouvait pas l'obliger à quitter le territoire français dès lors qu'il ne justifiait pas d'un droit au séjour en France.
10. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. Si M. C..., entré en France en décembre 2014, se prévaut de la présence de son épouse, de ses cinq enfants, de sa belle-fille et de son petit-fils, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que ces derniers bénéficient d'un droit au séjour en France. En outre, M. C... ne fait pas état de circonstances qui feraient obstacle à ce que l'ensemble de la famille poursuive sa vie familiale dans son pays d'origine où le requérant a passé la majeure partie de sa vie et où il n'établit pas être dépourvu d'attaches fortes. Enfin, il ne justifie d'aucune insertion particulière en France. Dans ces conditions, l'arrêté litigieux n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Le préfet n'a ainsi pas commis d'erreur de droit, ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter également ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.
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N° 19NC03434