Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 avril et 19 juillet 2019, le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Moselle, représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 5 février 2019 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) de mettre à la charge de M. E... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué n'est pas signé par le magistrat compétent ;
- le tribunal administratif de Strasbourg a estimé, à tort, que la requête de M. E... était recevable, alors qu'elle ne comportait l'exposé d'aucun moyen ;
- M. E... n'a pas régularisé sa requête dans les délais de recours ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, les autres agents qui ne se sont pas présentés au rassemblement ont également été appelés ;
- M. E... a refusé d'obéir à un ordre de sa hiérarchie alors qu'il était de garde et qu'il doit faire preuve d'exemplarité en qualité de sous-officier ;
- la sanction est proportionnée à la gravité de la faute commise.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 mai et 18 septembre 2019, M. E..., représenté par la Selarl Cabinet B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du SDIS de la Moselle au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- au moment des faits, il avait effectué 72 heures de travail sur une période de sept jours, dépassant la durée maximale légale de travail ;
- la sanction a eu un impact direct sur sa carrière ;
- il était représentant élu des personnels du SDIS au moment des faits ;
- les autres moyens soulevés par le SDIS de la Moselle ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 2001-1382 du 31 décembre 2001 relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F..., présidente assesseur,
- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,
- et les observations de Me C... pour le SDIS de la Moselle, ainsi que celles de Me B... pour M. E....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 16 octobre 2017, le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Moselle a infligé la sanction disciplinaire de l'exclusion temporaire de fonctions d'un jour à M. E..., sapeur-pompier professionnel au grade de sergent-chef, affecté au SDIS de la Moselle depuis le 1er juillet 2003. Par un jugement du 5 février 2019, dont le SDIS de la Moselle relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué est signée par la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg ainsi que par le greffier d'audience. Par suite, le moyen tiré du défaut de signature de la minute du jugement attaqué par le magistrat compétent ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.
Sur la recevabilité de la demande de M. E... devant le tribunal administratif de Strasbourg :
3. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ". Aux termes de l'article R. 412-1 du même code : " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de l'acte attaqué ou, dans le cas mentionné à l'article R. 421-2, de la pièce justifiant de la date de dépôt de la réclamation. (...) ".
4. D'une part, la requête de M. E... devant le tribunal administratif de Strasbourg exposait les faits, contenait trois moyens et des conclusions tendant à l'annulation de la décision portant sanction disciplinaire du 16 octobre 2017. Elle était ainsi suffisamment motivée.
5. D'autre part, le SDIS de la Moselle ne saurait utilement invoquer les dispositions du second alinéa de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, relatives à la régularisation des requêtes ne contenant l'exposé d'aucun moyen, pour soutenir que M. E... devait produire la décision attaquée avant l'expiration du délai de recours contentieux, sous peine d'irrecevabilité de sa demande, seules les dispositions de l'article R. 421-2 du même code étant applicables en ce domaine. Il ressort, au demeurant, des pièces du dossier qu'invité, le 22 décembre 2017, à produire la décision attaquée dans un délai de quinze jours, M. E... l'a produite le 30 décembre 2017 dans le délai imparti.
6. Par suite, les fins de non-recevoir soulevées en défense par le SDIS de la Moselle tirée de ce que le tribunal administratif de Strasbourg aurait estimé, à tort, que la requête de M. E... était recevable doit être écartée.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Strasbourg :
7. Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : / l'avertissement ; / le blâme ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours (...) ".
8. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
9. Pour prononcer la sanction disciplinaire litigieuse, le SDIS de la Moselle a retenu d'une part, que M. E... ne s'était pas présenté à un rassemblement convoqué avant la fin de sa garde et d'autre part, qu'il a quitté le centre d'incendie et de secours avant la fin de sa garde sans rendre compte de son absence à ce rassemblement.
10. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. E... était de garde pour une durée de vingt-quatre heures à partir du 3 juillet 2017 à 7h30. Le 4 juillet 2017 à 7h12, vingt-cinq agents du SDIS de la Moselle ont été appelés à un " rassemblement immédiat en salle FIA " destiné à nettoyer les véhicules d'intervention qui avaient été tagués. M. E... admet avoir reçu cette alerte, sans s'être rendu à ce rassemblement convoqué juste avant la fin de sa garde. Pour contester la matérialité des faits reprochés, le requérant ne saurait utilement invoquer la circonstance qu'il n'a pas été appelé pour qu'il explique son absence, dès lors que le SDIS de la Moselle ne s'est pas fondé sur ce motif pour le sanctionner. Il ne peut davantage utilement soutenir que se rendre au rassemblement l'aurait conduit à méconnaître la durée légale maximale de travail effectif applicable, ce qui n'est pas établi puisque l'appel a eu lieu pendant sa garde. Il résulte à cet égard des dispositions mêmes de l'article 1er du décret du 31 décembre 2001 relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels invoqué par M. E..., que les périodes de garde consacrées au rassemblement, y compris pour l'entretien des matériels, sont incluses dans la durée de travail effectif des sapeurs-pompiers professionnels et sont ainsi au nombre de leurs obligations. Il résulte de ce qui précède que les faits qui ont justifié la sanction prononcée à l'encontre de M. E... sont suffisamment établis. Le refus de se rendre au rassemblement pour lequel il avait été appelé pendant sa garde et le fait de quitter le service sans justifier de son absence à ce rassemblement sont constitutifs d'une faute de nature à justifier le prononcé d'une sanction.
11. En second lieu, au regard des circonstances de l'appel qui est intervenu peu de temps avant la fin de la garde de M. E..., dont il n'est pas contesté qu'elle a été ponctuée de nombreuses interventions, du motif du rassemblement sans incidence sur la continuité du service et du fait que l'intéressé n'a jamais été sanctionné auparavant, il ressort des pièces du dossier que la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions d'une journée qui lui a été infligée est disproportionnée au regard de la faute reprochée qui est ponctuelle et isolée.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le SDIS de la Moselle n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 16 octobre 2017 par lequel le président de son conseil d'administration a infligé à M. E... la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions d'une journée.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. E..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le SDIS de la Moselle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du SDIS de la Moselle une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. E... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du SDIS de la Moselle est rejetée.
Article 2 : Le SDIS de la Moselle versera à M. E... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au service départemental d'incendie et de secours de la Moselle et à M. A... E....
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N° 19NC01060