Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 octobre 2014, M.B..., représenté par la SCP d'avocats MCM et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 26 septembre 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne du 22 avril 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la SCP MCM et Associés, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Il soutient que :
- en première instance, le préfet de la Marne n'a pas produit la demande d'avis qu'il a formulée le 10 mars 2014 à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Champagne-Ardenne, ni l'avis défavorable formulé par cette dernière ; il n'a donc pu le contester ;
- le préfet de la Marne ne lui a pas communiqué la demande d'avis qu'il a formulée le 10 mars 2014 à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Champagne-Ardenne, ni l'avis défavorable formulé par cette dernière ; il n'a donc pu faire valoir ses observations en méconnaissance des stipulations de l'article 41 et de la directive 2008/115/CE avant que le préfet n'adopte son arrêté.
La requête a été communiquée au préfet de la Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 26 février 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne signé à Tunis le 28 avril 2008 ;
- la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Tréand, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant, d'une part, qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties ; que, le cas échéant, il revient au juge, avant de se prononcer sur une requête assortie d'allégations sérieuses non démenties par les éléments produits par l'administration en défense, de mettre en oeuvre ses pouvoirs généraux d'instruction des requêtes et de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, en particulier en exigeant de l'administration compétente la production de tout document susceptible de permettre de vérifier les allégations du demandeur ;
2. Considérant que M.B..., de nationalité tunisienne, a sollicité le 10 février 2014 un titre de séjour portant la mention " salarié " ; que le 10 mars 2014, le préfet de la Marne a soumis la promesse d'embauche produite par l'intéressé à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Dirrecte) de Champagne-Ardenne ; que cette dernière a émis un avis défavorable ; que, par un arrêté du 22 avril 2014, le préfet de la Marne a rejeté la demande de délivrance d'un titre de séjour à M. B... se référant à l'avis rendu par la Dirrecte de Champagne-Ardenne au motif que les conditions fixées par le 1° de l'article R. 5221-20 du code du travail n'étaient pas remplies ; qu'il a considéré que l'emploi de chauffeur routier pour lequel postulait M. B... ne faisait pas partie des métiers reconnus en tension, Pôle emploi disposant de 905 demandes d'emploi pour 11 offres fin février 2014, et que l'employeur n'avait pas indiqué avoir effectué des recherches auprès d'un organisme de placement concourant au service public de l'emploi et correspondant à l'emploi proposé à l'intéressé ; qu'en première instance, M. B...s'est plaint que le préfet de la Marne ne lui avait pas communiqué, avant d'adopter l'arrêté litigieux, la demande d'avis et l'avis défavorable de la Dirrecte de Champagne-Ardenne afin qu'il puisse formuler des observations ; qu'en revanche, il n'a pas remis en cause l'existence de l'avis défavorable recueilli, ni sa teneur qui était très détaillée dans la motivation de l'arrêté litigieux du 22 avril 2014 ; que, dans ses conditions, le juge n'avait pas à user de ses pouvoirs généraux d'instruction et à demander la production dudit avis pour forger sa conviction ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) " ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union (...) " ;
4. Considérant qu'aucun texte ni aucun principe n'imposent que l'instruction d'une demande de titre de séjour soit effectuée de façon contradictoire ou que l'avis émis par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi sur une demande de titre de séjour en qualité de salarié soit transmise au demandeur avant que le préfet ne statue sur cette demande ; que par ailleurs, M. B...ne peut utilement se prévaloir des stipulations précitées de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne à l'encontre de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour prise à son encontre le 22 avril 2014 par le préfet de la Marne, qui n'est pas au nombre des mesures prises par les États membres dans le cadre de la mise en oeuvre du droit de l'Union, ni invoquer sans plus de précisions les dispositions de la directive 2008/115/CE du parlement européen et du conseil ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
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N° 14NC01896