Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 19 décembre 2014 et le 29 juin 2015, Mme B... C...épouseD..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 19 novembre 2014 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 16 juillet 2014 pris à son encontre par le préfet du Haut-Rhin ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à MeA..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté en litige a été signé par une autorité incompétente ;
- le refus de séjour en litige méconnaît les articles 6-2 et 7 b) de l'accord franco-algérien ;
- le préfet a commis une erreur de droit en refusant de lui délivrer un certificat de résidence au motif qu'elle était dépourvue de visa de long séjour ;
- l'arrêté en litige méconnaît les articles 6-5 de l'accord franco-algérien et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français devra être annulée en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- cette décision méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dès lors qu'elle pouvait bénéficier d'un titre de séjour de plein droit ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de remise de son passeport et astreinte de se présenter en préfecture est insuffisamment motivée en fait ;
- cette décision porte une atteinte disproportionnée à sa liberté d'aller et venir ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 février et 14 août 2015, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 26 février 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Kohler, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme D...est une ressortissante algérienne entrée en France le 28 décembre 2012 sous couvert d'un visa long séjour en qualité de conjoint de ressortissant français ; que, par arrêté du 16 juillet 2014, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'elle relève appel du jugement du 19 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
2. Considérant que Mme D...reprend en appel, avec la même argumentation qu'en première instance le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation du refus de titre de séjour :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) " ;
4. Considérant que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés et leur durée de validité ; qu'il suit de là que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sont relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance, ne sont, à l'exception de certaines dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers qui n'ont pas été écartées par une disposition contraire expresse contenue dans ledit accord, pas applicables aux ressortissants algériens, lesquels relèvent des règles fixées par ledit accord ; que lorsque la communauté de vie a été rompue à l'initiative du ressortissant algérien en raison des violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir général de régularisation dont il dispose, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressée, notamment eu égard à l'examen des violences conjugales alléguées, l'opportunité d'un renouvellement du certificat de résidence précédemment accordé en qualité de conjoint de ressortissant français ;
5. Considérant en l'espèce, qu'il est constant que la communauté de vie entre les époux D...a cessé et qu'une procédure de divorce a été engagée ; que Mme D...produit, à l'appui de ses allégations selon lesquelles elle aurait mis fin à la vie commune avec son époux en raison des violences dont elle a été victime, le procès-verbal de son audition par les services de gendarmerie ainsi qu'un certificat médical faisant état de contusions superficielles sur les membres supérieurs et d'un hématome à la cuisse droite ; que ces éléments, alors que le procès-verbal ne contient que ses propres déclarations qui ne sont corroborées par aucun autre document et qu'aucun lien n'est fait entre les blessures qu'elle a subies et le comportement de son mari, ne permettent pas d'établir que Mme D...a été victime de violences de la part de son conjoint ; que, dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet a fait une inexacte application des stipulations précitées de l'article 6 de l'accord franco-algérien en refusant de renouveler son titre de séjour en qualité de conjoint de ressortissant français ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien : " (...) b) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention " salarié " : cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française ; (...) " ;
7. Considérant que pour refuser de délivrer un certificat de résidence sur le fondement de ces stipulations, le préfet du Haut-Rhin a constaté que l'intéressée était dépourvue d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi ; que Mme D...ne conteste pas n'avoir pas transmis un tel contrat ; qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet du Haut-Rhin aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur ce seul motif ; que, par suite, Mme D...ne peut utilement se prévaloir de ce que le préfet a, en outre, relevé, dans un motif surabondant de sa décision, qu'elle n'était pas titulaire d'un visa de long séjour ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
9. Considérant que Mme D...soutient qu'elle maîtrise la langue française, qu'elle travaille et peut prétendre à un contrat de travail à durée indéterminée et qu'elle risque d'être rejetée par sa famille en Algérie en raison de son divorce ; que ces éléments, alors que Mme D...est entrée en France en décembre 2012 après avoir vécu jusqu'à l'âge de vingt-sept ans dans son pays d'origine où elle n'est pas dépourvue de toute attache notamment familiale, ne sont pas de nature à caractériser l'existence de liens personnels et familiaux en France tels que le refus de titre de séjour en litige puisse être regardé comme portant une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale ni, par suite, comme méconnaissant les stipulations précitées de l'article 6 de l'accord franco-algérien et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ce refus de titre de séjour n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée en conséquence de l'annulation de la décision de refus de titre de séjour doit être écarté ;
11. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit en ce qui concerne le refus de titre de séjour que, contrairement à ce qu'elle soutient, Mme D...ne pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour de plein droit ; que, par suite, elle pouvait faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français ;
12. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; (...) " ;
13. Considérant que si Mme D...se prévaut de ces dispositions, elle n'établit pas avoir invoqué son état de santé auprès du préfet avant que ne soit prise la décision portant obligation de quitter le territoire français en litige ; qu'elle indique au contraire que sa maladie a été diagnostiquée pendant la procédure de première instance ; que, dans ces conditions, Mme D... n'est pas fondée à soutenir qu'elle ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français à la date du 16 juillet 2014 ;
14. Considérant, en quatrième lieu, que Mme D...soutient qu'un éloignement du territoire français aurait pour conséquence d'entraver son insertion professionnelle et un retour en Algérie où elle serait isolée du fait de son statut de femme divorcée ; que ces éléments ne permettent pas d'établir que le préfet s'est livré à une appréciation manifestement erronée des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de remise de son passeport et de présentation hebdomadaire :
15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé en application du II de l'article L. 511-1 peut, dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français, être astreint à se présenter à l'autorité administrative ou aux services de police ou aux unités de gendarmerie pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ " ; qu'aux termes de l'article R. 513-3 du même code : " L'autorité administrative désigne le service auprès duquel l'étranger doit effectuer les présentations prescrites et fixe leur fréquence qui ne peut excéder trois présentations par semaine " ;
16. Considérant, en premier lieu, que si la décision d'astreinte aux fins de mesures de surveillance, qui constitue une mesure de police visant à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, doit être motivée, cette motivation peut, outre la référence aux dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, se confondre avec celle de l'obligation de quitter le territoire français assortie d'un délai de départ volontaire qui est en l'espèce suffisamment motivée ; que la décision en litige mentionne au surplus qu'il est nécessaire de s'assurer de l'identité de l'intéressée ainsi que de la possibilité d'assurer un voyage effectif ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté ;
17. Considérant, en second lieu, que Mme D...soutient que l'obligation de remettre son passeport et de se présenter une fois par semaine aux services de la préfecture est disproportionnée et porte atteinte à sa liberté d'aller et venir ; que, toutefois, le préfet pouvait, en application des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, exiger de l'intéressée, à laquelle un délai de départ volontaire de trente jours avait été accordé, qu'elle remette son passeport à la préfecture du Haut-Rhin et s'y présente une fois par semaine afin d'y indiquer les diligences accomplies en vue de son départ volontaire ; que ces mesures, qui découlent de l'obligation de quitter le territoire français et qui sont appliquées dès sa notification et pendant le délai accordé à la requérante pour organiser son départ volontaire, ne revêtent pas de caractère excessif ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
18. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines et traitements inhumains ou dégradants " ;
19. Considérant que Mme D...soutient que les soins nécessaires à sa pathologie ne sont pas disponibles dans son pays d'origine ; qu'à la date à laquelle la décision en litige a été prise, son état de santé ne nécessitait aucun soin ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi en litige a été prise en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...épouse D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
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N° 14NC02276