Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 1er décembre 2014, sous le numéro 14NC02182, et un mémoire enregistré le 15 juin 2015, Mme A...B...épouseC..., représentée par Me Jeannot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 29 juillet 2014 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 30 avril 2014 pris à son encontre par le préfet de la Marne ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de 8 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de 8 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à Me Jeannot, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi qu'une somme de 13 euros au titre des dépens.
Elle soutient que :
- le tribunal n'a pas répondu aux moyens tirés de ce que le préfet, qui n'apporte aucune preuve tangible, ne peut contester l'authenticité de l'acte de naissance qu'elle a produit, de ce que le préfet n'a pas examiné sa situation au regard des lignes directrices contenues dans la circulaire du 28 novembre 2012 et de ce que le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation ;
- le refus de titre de séjour en litige est insuffisamment motivé ;
- le préfet n'a pas étudié sa situation personnelle et n'a pas envisagé la possibilité de la régulariser à titre exceptionnel ;
- le préfet n'a pas examiné sa situation au regard des lignes directrices contenues dans la circulaire du 28 novembre 2012 qui n'est d'ailleurs pas mentionnée dans l'arrêté en litige ;
- l'arrêté se fonde sur des faits matériellement inexacts ;
- le préfet n'a pas examiné sa demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il ne pouvait refuser de renouveler son titre de séjour au seul motif qu'elle n'aurait pas produit de passeport ;
- la détention d'un faux permis de conduire n'est pas de nature à mettre en doute tous les autres documents prouvant son identité laquelle est établie par son acte de naissance ;
- elle peut prétendre à un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de titre de séjour en litige méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée en conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît son droit à être entendue garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;
- le préfet s'est estimé à tort tenu d'assortir le refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;
- le préfet s'est cru lié par le délai de trente jours mentionné dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui accordant pas un délai supérieur ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne mentionne pas l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a commis une erreur de droit en s'abstenant de fixer un pays de destination ;
- elle est de nationalité indéterminée et ne peut donc être renvoyée vers le pays dont elle a la nationalité ;
- elle encourrait des risques en cas de retour en Azerbaïdjan ou en Russie ;
- l'arrêté la concernant devrait être annulé en conséquence de l'annulation, par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de l'arrêté concernant son fils.
Une mise en demeure a été adressée le 31 juillet 2015 au préfet de la Marne.
II. Par une requête enregistrée le 1er décembre 2014, sous le numéro 14NC02184, et un mémoire enregistré le 15 juin 2015, M. D...C..., représenté par Me Jeannot, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 29 juillet 2014 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 30 avril 2014 pris à son encontre par le préfet de la Marne ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de 8 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de 8 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à Me Jeannot, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soulève les mêmes moyens que son épouse dans la requête n° 14NC02182.
Une mise en demeure a été adressée le 22 septembre 2015 au préfet de la Marne.
M. et Mme C...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions en date du 17 octobre 2014.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Kohler, premier conseiller,
- et les observations de Me Jeannot, représentant les épouxC....
1. Considérant que les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant que M. et MmeC..., qui ont déclaré être nés en Azerbaïdjan, sont entrés en France en 2007 ; qu'à la suite du rejet des demandes d'asiles présentées par les intéressés, le préfet de la Marne a, par des arrêtés du 27 août 2008, refusé de leur délivrer un titre de séjour et a assorti ces refus d'une obligation de quitter le territoire français ; que le préfet de la Marne, tenant compte de l'état de santé de leur fils, leur a ensuite délivré des titres de séjour à titre exceptionnel et provisoire ; que, par deux arrêtés du 30 avril 2014, le préfet de la Marne a refusé de leur délivrer de nouveaux titres de séjour et a assorti ces refus d'obligations de quitter le territoire français ; que M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 29 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
4. Considérant que M. et MmeC..., dont l'identité est suffisamment établie par la production de leur acte de naissance, sont entrés irrégulièrement en France en 2007 et ont obtenu un titre de séjour en 2010 ; qu'il résidaient ainsi en France depuis près de sept ans à la date des arrêtés en litige ; que leurs deux fils majeurs, arrivés mineurs en France et avec lesquels ils vivent, résident régulièrement en France ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'ils sont sans attache dans leur pays d'origine ; que ces éléments, eu égard aux conditions et à la durée de leur séjour en France, où ils sont entrés à l'âge de quarante-huit et trente-quatre ans, sont de nature à caractériser l'existence de liens personnels et familiaux en France tels que les refus de titre de séjour en litige peuvent être regardés comme portant une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale et, par suite, comme méconnaissant les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes, que M. et Mme C...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué ci-dessus retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à M. et Mme C...un titre de séjour ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de la Marne de délivrer ce titre dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
7. Considérant que M. et Mme C...ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Jeannot, avocat de M. et MmeC..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Jeannot de la somme de 1 500 euros ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement nos 1401056,1401058 du 29 juillet 2014 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et les arrêtés du 30 avril 2014 pris par le préfet de la Marne à l'encontre de M. et Mme C...sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Marne de délivrer à M. et Mme C...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Jeannot, avocat de M. et MmeC..., une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Jeannot renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C..., à M. D...C..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Marne.
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Nos 14NC02182,14NC02184