Procédure devant la cour :
I. Sous le n° 16NC00136, par une requête enregistrée le 27 janvier 2016, le préfet des Vosges demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy du 11 janvier 2016 ;
2°) de rejeter la demande de première instance présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nancy.
Il soutient que :
- la décision de placement en rétention en litige n'est pas entachée d'une erreur de droit pour défaut d'examen de la situation particulière de M. A... ;
- cette décision n'est pas entachée d'un défaut de motivation ;
- elle n'est pas entachée d'une erreur de droit au regard du risque que M. A...se soustraie de nouveau à l'obligation de quitter le territoire français édicté à son encontre ;
- elle n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation au regard de ses garanties de représentation ;
- elle n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation au regard de la présence de la famille de M. A....
Par ordonnance du 14 mars 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 14 avril 2016.
Un mémoire présenté pour M. A... a été enregistré le 10 novembre 2016.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 juin 2016.
II. Sous le n° 16NC00137, par une requête enregistrée le 27 janvier 2016, le préfet des Vosges demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy du 11 janvier 2016.
Il fait valoir les mêmes moyens que ceux exposés à l'appui de sa requête en annulation.
Par ordonnance du 14 mars 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 14 avril 2016.
Un mémoire présenté pour M. A... a été enregistré le 10 novembre 2016.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 juin 2016.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Michel, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public.
1. Considérant que M. B... A..., ressortissant kosovar né le 28 octobre 1987, est entré irrégulièrement en France le 8 avril 2013, accompagné de son épouse et de leurs deux enfants mineurs ; que sa demande tendant à la reconnaissance de la qualité de réfugié a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 9 octobre 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 20 mai 2015 ; que par un arrêté du 30 juin 2015, le préfet des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé ; que par un arrêté du 17 septembre 2015, le préfet l'a assigné à résidence ainsi que son épouse pour une durée de quarante-cinq jours ; que par une décision du 6 janvier 2016, le préfet des Vosges a ordonné le placement en rétention de M. A... dans un local non pénitentiaire pour une durée de cinq jours ; que le préfet des Vosges relève appel du jugement du 11 janvier 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a annulé sa décision du 6 janvier 2016 ordonnant le placement en rétention administrative de M. A... ; que le préfet des Vosges demande également à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement ;
2. Considérant que les requêtes n° 16NC00136 et n° 16NC00137 portent sur la situation d'un même étranger et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt ;
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois " ; qu'aux termes de l'article L. 562-1 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, lorsque l'étranger est père ou mère d'un enfant mineur résidant en France dont il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans et lorsque cet étranger ne peut pas être assigné à résidence en application de l'article L. 561-2 du présent code, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence avec surveillance électronique, après accord de l'étranger. / La décision d'assignation à résidence avec surveillance électronique est prise par l'autorité administrative pour une durée de cinq jours " ; qu'aux termes de l'article L. 562-2 du même code : " L'assignation à résidence avec surveillance électronique emporte, pour l'étranger, interdiction de s'absenter de son domicile ou de tout autre lieu désigné par l'autorité administrative ou le juge des libertés et de la détention en dehors des périodes fixées par ceux-ci. / Le contrôle de l'exécution de la mesure est assuré au moyen d'un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l'absence de l'étranger dans le seul lieu désigné par le juge des libertés et de la détention pour chaque période fixée. La mise en oeuvre de ce procédé peut conduire à imposer à la personne assignée le port, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, d'un dispositif intégrant un émetteur. / Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre chargé de l'immigration et le ministre de la justice. Sa mise en oeuvre doit garantir le respect de la dignité, de l'intégrité et de la vie privée de la personne. / Le contrôle à distance de la mesure est assuré par des fonctionnaires de la police ou de la gendarmerie nationales qui sont autorisés, pour l'exécution de cette mission, à mettre en oeuvre un traitement automatisé de données nominatives. / La mise en oeuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance peut être confiée à une personne de droit privé habilitée dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Dans la limite des périodes fixées dans la décision d'assignation à résidence avec surveillance électronique, les agents chargés du contrôle peuvent se rendre sur le lieu de l'assignation pour demander à rencontrer l'étranger. Ils ne peuvent toutefois pénétrer au domicile de la personne chez qui le contrôle est pratiqué sans l'accord de celle-ci. / Le non-respect des prescriptions liées à l'assignation à résidence avec surveillance électronique est sanctionné dans les conditions prévues à l'article L. 624-4 " ; et qu'aux termes de l'article L. 562-3 de ce code : " Les modalités d'application du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d'Etat " ;
4. Considérant que le tribunal a annulé la décision du 6 janvier 2016 du préfet des Vosges ordonnant le placement en rétention de M. A... dans un local non pénitentiaire pour une durée de cinq jours au motif de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet des Vosges en ne recherchant pas, alors que M. A... vivait avec ses deux enfants mineurs, si une mesure moins coercitive qu'un placement en rétention, consistant en une assignation à résidence sous surveillance électronique, était possible en application des dispositions de l'article L. 562-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
5. Considérant, toutefois, que l'article L. 562-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile renvoie à un décret en Conseil d'Etat la définition des modalités d'application des dispositions relatives à l'assignation à résidence avec surveillance électronique, l'article L. 562-2 prévoyant en outre que le procédé utilisé est homologué par les ministres chargés de l'immigration et de la justice ; que les dispositions réglementaires prévues n'étaient pas intervenues à la date de l'arrêté attaqué ; que les articles L. 562-1 et L. 562-2 ne sont pas suffisamment précis pour servir de fondement à l'édiction de mesures individuelles ; qu'en effet, leurs dispositions ne précisent notamment ni l'autorité administrative compétente, ni la nature du dispositif mis en oeuvre, ni les garanties procédurales encadrant cette mesure restrictive de liberté, telles que les conditions de recueil de l'accord de l'étranger et, le cas échéant, de la personne qui l'héberge, ni les conditions de l'intervention de l'autorité médicale ; que, par ailleurs, ni les agents chargés de la pose et de la dépose du bracelet, ni les conditions de leur intervention, ne sont définis ; que, dans ces conditions, M. A... ne peut utilement invoquer, nonobstant les dispositions du décret du 8 juillet 2011 qui ont fixé au 18 juillet 2011 l'entrée en vigueur desdites dispositions, un moyen tiré de dispositions qui étant inapplicables en l'état ne permettaient pas au préfet de le placer sous surveillance électronique ; que c'est donc à tort que le premier juge a annulé la décision de placement en rétention prise à l'encontre de M. A... pour le motif susindiqué ;
6. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Nancy ;
7. Considérant que selon le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le risque que l'étranger se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, " f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 " ;
8. Considérant, d'une part, qu'il appartient au préfet qui entend mettre à exécution une des décisions d'éloignement visées à l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile contre un étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français, d'apprécier si les circonstances et notamment les garanties de représentation de ce dernier lui permettent de le laisser en liberté, ou bien doivent le conduire à l'assigner à résidence, ou à défaut de le placer en rétention administrative ;
9. Considérant, d'autre part, qu'au sens et pour l'application des dispositions précitées, la notion de " garanties de représentation effectives " propres à prévenir un risque de fuite doit être appréciée au regard, notamment, des conditions de résidence et de logement de l'étranger, de la possession ou non de documents d'identité ou de voyage en cours de validité ou encore du respect ou non, par l'étranger, des obligations lui incombant en matière de police des étrangers ;
10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que M. A..., qui avait fait l'objet d'une décision d'assignation à résidence en date du 17 septembre 2015, dispose d'une adresse stable et connue des services de la préfecture où vivent son épouse et ses deux enfants mineurs ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... n'aurait pas satisfait à l'obligation de présentation quotidienne à la préfecture lors de son assignation à résidence ; que, dans ces conditions, et alors même que M. A... n'aurait accompli aucune démarche pour retourner au Kosovo et qu'il n'a pas présenté lors de son interpellation sa carte d'identité, il doit être regardé comme justifiant de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de fuite ; que, par suite, son placement en rétention n'était pas nécessaire ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens présentés par M. A..., que le préfet des Vosges n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a annulé sa décision du 6 janvier 2016 par laquelle il a ordonné le placement en rétention de M. A... dans un local non pénitentiaire pour une durée de cinq jours ;
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :
Considérant que le présent arrêt statue sur les conclusions du préfet des Vosges tendant à l'annulation du jugement n° 1600054 du 11 janvier 2016 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy ; qu'il n'y a, par suite, plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 16NC00137 par laquelle le préfet des Vosges demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête n° 16NC00136 du préfet des Vosges est rejetée.
Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 16NC00137 du préfet des Vosges.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Vosges.
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Nos 16NC00136, 16NC00137