Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 mai 2016, MmeB..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 décembre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir.
Elle soutient que :
- l'auteur de l'arrêté ne justifie pas bénéficier d'une délégation régulière de signature ;
- le motif retenu par le préfet, tiré de ce que le salaire qu'elle percevait était inférieur au salaire minimum de croissance (SMIC) mensuel brut, est erroné dès lors que son employeur a commis une erreur dans son contrat de travail, qu'elle était titulaire de deux contrats de travail avant le 1er janvier 2015, que le cumul de ses rémunérations portait le niveau de sa rémunération à un niveau supérieur au SMIC et que son employeur avait maintenu sa rémunération à ce niveau ;
- l'arrêté pris dans son ensemble méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de renvoi est contraire aux dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la même décision est entachée d'erreur de droit, le préfet s'étant estimé lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 décembre 2016, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 avril 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention du 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal sur la circulation et le séjour des personnes ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République sénégalaise relatif à la gestion concertée des flux migratoires, signé le 23 septembre 2006, et l'avenant à cet accord, signé le 25 février 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Di Candia, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeB..., ressortissante sénégalaise née le 18 décembre 1985, est entrée en France le 13 octobre 2012 ; qu'après avoir fait l'objet d'un arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français consécutif au rejet de sa demande d'asile, Mme B...a sollicité par courrier du 18 février 2015, complété le 20 mars 2015, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention salariée, sur le fondement de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006, modifié par un avenant signé le 25 février 2008 ; que par un arrêté du 17 juillet 2015, le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ; que Mme B...relève appel du jugement du 15 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité de l'arrêté pris dans son ensemble :
2. Considérant que l'arrêté en litige a été signé par M. Carton, secrétaire général de la préfecture de Moselle, et non par MmeF..., qui s'est bornée à signer la lettre accompagnant cet arrêté et détaillant les modalités prévues pour son exécution et qui n'avait pas, pour ce faire, à détenir une quelconque délégation de signature régulièrement publiée ; que par un arrêté du 20 mai 2015, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs du département, le préfet de la Moselle a donné délégation à M. A...Carton, secrétaire général de la préfecture, pour signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports et correspondances relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Moselle, à l'exception " des déclinatoires de compétence et arrêtés de conflit " et " des réquisitions de la force armée " ; que M. Carton était donc, par délégation du préfet de la Moselle, compétent pour signer les décisions portant refus de titre et les mesures d'éloignement prises à l'encontre des étrangers ; que la circonstance que l'arrêté contesté ne vise pas l'arrêté de délégation du 20 mai 2015 est sans influence sur sa légalité et que, par suite, le moyen tiré de ce qu'il aurait été pris par une autorité incompétente doit être écarté ;
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
3. Considérant que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de délivrance de ces titres s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales " ; qu'en ce qui concerne les ressortissants sénégalais, s'appliquent les stipulations de la convention du 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relative à la circulation et au séjour des personnes ainsi que celles de l'accord du 23 septembre 2006 relatif à la gestion concertée des flux migratoires, telles que modifiées par un avenant signé le 25 février 2008 ; qu'aux termes du paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue du point 31 de l'article 3 de l'avenant signé le 25 février 2008 : "Un ressortissant sénégalais en situation irrégulière en France peut bénéficier, en application de la législation française, d'une admission exceptionnelle au séjour se traduisant par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant : - soit la mention "salarié" s'il exerce l'un des métiers mentionnés dans la liste figurant en annexe IV de l'Accord et dispose d'une proposition de contrat de travail ; / - soit la mention "vie privée et familiale" s'il justifie de motifs humanitaires ou exceptionnels " ;
4. Considérant que l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, inséré au sein d'une septième sous-section intitulée " l'admission exceptionnelle au séjour " de la deuxième section du chapitre III du titre Ier du livre III de la partie législative de ce code, dispose, en son premier alinéa, que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en Etat de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 " ; que les stipulations du paragraphe 42 de l'accord du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue de l'avenant signé le 25 février 2008, en renvoyant à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants sénégalais en situation irrégulière, rendent applicables à ces ressortissants les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le préfet, saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour par un ressortissant sénégalais en situation irrégulière, est conduit, par l'effet de l'accord du 23 septembre 2006 modifié, à faire application de ces dispositions ;
5. Considérant que Mme B...fait valoir que le motif retenu par le préfet de la Moselle, tiré de ce que le salaire qu'elle percevait était inférieur au salaire minimum de croissance mensuel (SMIC) brut, était erroné dès lors qu'elle était titulaire de deux contrats de travail avant le 1er janvier 2015 et que le cumul de ses rémunérations, issues de ces contrats de travail, a été maintenu au même niveau par son employeur à compter du 1er janvier 2015 ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour, Mme B...s'est elle-même prévalue d'un contrat de travail à durée indéterminée, qu'elle avait conclu le 27 décembre 2014 avec Mme G...et en vertu duquel elle se voyait confier la garde des enfants de cette dernière pour une rémunération mensuelle brute de 876,99 euros à raison de 36 heures par semaine ; que la circonstance que le montant de la rémunération figurant sur ce contrat de travail était erroné demeure sans incidence sur le motif retenu par le préfet, tiré de ce que la rémunération figurant dans la proposition de contrat était bien inférieure au SMIC mensuel brut ; que, par suite, MmeB..., qui ne soutient ni même n'allègue avoir saisi le préfet d'une autre demande de titre de séjour à l'appui de laquelle elle aurait produit un contrat rectifiant cette erreur, n'est pas fondée à soutenir que la décision du préfet était entachée d'une erreur de fait ; qu'à supposer même que Mme B...puisse être regardée comme justifiant en réalité d'un niveau de rémunération suffisant au regard de la convention collective nationale des salariés du particulier employeur, cette circonstance ne saurait être considérée par elle-même comme attestant des " motifs exceptionnels " exigés par les dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
7. Considérant que Mme B...se prévaut de la présence en France de son frère, de nationalité française, et de son mariage religieux avec M.D..., de même nationalité qu'elle et titulaire d'un titre de séjour en qualité d'étudiant ; qu'à supposer même qu'une communauté de vie se soit établie avec M.D..., il ne ressort toutefois d'aucune pièce du dossier que ce dernier, venu en France pour achever ses études, aurait vocation à s'y établir ; que dans ces conditions, eu égard notamment à la durée et aux conditions de séjour de MmeB..., qui n'est entrée en France qu'à l'âge de 26 ans, la décision portant refus de titre de séjour n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, dès lors, elle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " ( ...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; que ce dernier texte stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
9. Considérant que Mme B...soutient qu'en cas de retour au Sénégal, elle risquerait d'être exposée à des violences et d'être contrainte à un mariage forcé à titre de représailles pour avoir tenté de sensibiliser les personnes influentes de son village sur les conséquences néfastes de la pratique de l'excision ; que, toutefois, l'intéressée n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations de nature à établir qu'elle serait personnellement exposée à une menace actuelle et directe ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision du préfet de la Moselle aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
10. Considérant, en second lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait estimé lié par les décisions rendues par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 16NC00928