Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 28 août 2017, le 29 janvier 2018, le 9 mars 2018 et le 11 avril 2018, M. F... et MmeD..., représentés par la SCP Chaton-Grillon-Brocard-Gire, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 28 juin 2017 ;
2°) d'annuler la décision du maire de Saulny du 23 juin 2015 ;
3°) d'enjoindre à la commune de Saulny de réaliser l'ensemble des travaux d'insonorisation du bâtiment préconisés par l'expert dans son rapport du 3 janvier 2014, de compléter le règlement d'utilisation de la salle polyvalente en y portant l'interdiction de manifestations nocturnes au-delà d'une heure du matin et l'obligation de réduction des volumes sonores à partir de 22 heures et en y faisant préciser les moyens matériels ou humains permettant d'en assurer le respect, le tout dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;
4°) de condamner la commune de Saulny à leur verser une somme totale de 55 771,97 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 mai 2012, date de réception de leur demande préalable ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Saulny le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
S'agissant de la décision du 23 juin 2015 du maire de Saulny :
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 2212-2, L. 2542-3 et L. 2542-4 du code général des collectivités territoriales ;
- le maire n'a pas pris les mesures de mise en conformité de la salle des fêtes figurant dans le rapport de l'expert du 3 janvier 2014 au titre des mesures correctives nécessaires ;
- à cet égard, la commune ne justifie pas, en l'absence d'étude d'impact après travaux, que le bloc de porte de sortie de secours à deux vantaux présente l'affaiblissement acoustique requis ni que la société Inéo a procédé aux réglages relatifs à la gestion de la diffusion musicale ;
- elle ne justifie pas davantage avoir entrepris des travaux permettant d'assurer l'étanchéité de ce bloc ;
- l'installation du limiteur acoustique doit être reprise conformément à l'étude d'impact acoustique du bureau d'études Ingemansson et aux dispositions réglementaires applicables ;
- le règlement d'utilisation de la salle des fêtes ne prescrit pas un horaire d'utilisation en période nocturne ;
- ce règlement n'indique pas quels moyens humains et matériels sont mis en place pour assurer l'application de son article 30 lors des manifestations nocturnes et la commune n'établit pas avoir mis en oeuvre de tels moyens ;
- les nuisances sonores qu'ils subissent perdurent depuis la réalisation des travaux ;
- la commune ne justifie pas, conformément aux préconisations de l'expert, avoir matérialisé l'espace accueillant le système de sonorisation ;
S'agissant de la responsabilité de la commune de Saulny :
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, leur demande indemnitaire n'était pas tardive ;
- en matière de travaux publics, ainsi qu'il résulte des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, alors applicables, le juge peut être saisi sans demande préalable et sans condition de délai ;
- la solution issue de la décision du Conseil d'Etat du 13 juillet 2016 n'est pas applicable en plein contentieux indemnitaire ;
- en l'absence de décision expresse de rejet, leur demande n'était pas tardive ;
- la commune a méconnu la réglementation applicable prévue par les dispositions des articles R. 571-25 et suivants du code de l'environnement et notamment l'article R. 521-27 de ce code ainsi que celles des articles R. 1334-30 et suivants du code de la santé publique et notamment son article R. 1334-31 ;
- depuis la construction de la salle polyvalente en 1982 jusqu'à sa rénovation en 2009, la commune n'a jamais respecté ni fait appliquer les prescriptions réglementaires visant à limiter les nuisances sonores, en dépit des demandes répétées de la familleF... ;
- la commune avait connaissance depuis au moins 2014 de ce qu'une étude acoustique devait être réalisée ;
- l'étude acoustique du 8 juillet 2010 du bureau d'études Ingemansson a indiqué que la salle, en son état initial, présentait un isolement très inférieur aux nécessités réglementaires pour une utilisation dans le cadre de musique amplifiée et qu'un limiteur acoustique était nécessaire ;
- celui-ci n'a été installé qu'au mois d'août 2012 et a ensuite présenté des défectuosités altérant son efficacité ;
- l'analyse acoustique de l'expert lors de la manifestation du 29 juin 2013 ne permet pas d'établir à elle seule l'absence de possibilité de dépassement systématique des émergences sonores par rapport aux normes autorisées ;
- la commune n'a mis en place une chaînette plastique empêchant l'ouverture intempestive des portes de secours qu'en fin d'année 2013 ;
- en raison de son inaction dans l'exercice de ses pouvoirs de police, le maire a méconnu les dispositions du 2° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ;
- le maire, informé depuis 1982 des nuisances sonores subies par la familleF..., n'a pris aucune mesure ;
- le règlement d'utilisation de la salle des fêtes ne comporte pas de prescriptions suffisantes pour lutter contre le bruit ;
- le maire s'est abstenu de vérifier le bon fonctionnement du limiteur de pression acoustique ;
- la commune n'a pas démontré l'efficacité des mesures mises en place avant et depuis la rénovation de la salle ;
- la responsabilité sans faute de la commune est engagée en raison des préjudices anormaux et spéciaux qu'ils subissent résultant de l'implantation et du fonctionnement de la salle des fêtes ;
- ils sont fondés à demander chacun une somme de 15 000 euros au titre des troubles dans leurs conditions d'existence, résultant des nuisances sonores subies ;
- ils sont fondés à demander une somme de 21 457,48 euros au titre des travaux de pose de fenêtres à double vitrage rendus nécessaires du fait de ces nuisances ;
- ils sont fondés à demander une somme de 4 314,49 euros correspondant aux frais et honoraires d'expertise de M.C....
Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 novembre 2017, le 22 février 2018, le 29 mars 2018 et le 30 avril 2018, la commune de Saulny, représentée par Me B...de la SELAS M et R Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. F... et de Mme D...le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de refus du maire de la commune du 23 juin 2015 ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ;
- il ressort du rapport de l'expert qu'aucun trouble de voisinage n'est démontré ;
- la circonstance que l'expert a émis des préconisations n'est pas de nature à établir l'existence d'un trouble de voisinage ou de tout autre préjudice que M. F... et Mme D... auraient subis ;
- depuis le dépôt du rapport d'expertise, les intéressés ne démontrent l'existence d'aucun préjudice nouveau ;
- elle justifie des caractéristiques d'un indice d'affaiblissement acoustique égal à 47 dB du bloc-porte de secours ;
- elle a suivi l'ensemble des préconisations du rapport de l'expert ;
- en l'absence de constat par l'expert du caractère excessif des manifestations organisées dans la salle des fêtes, elle n'était pas tenue d'adopter des mesures supplémentaires par rapport à celles déjà mises en place et notamment concernant l'établissement d'horaires d'utilisation de la salle ;
- les articles 30 et 31 du règlement d'utilisation de la salle prescrivent aux utilisateurs le respect de règles de nature à assurer la tranquillité publique et interdit notamment d'ouvrir les portes d'issue de secours de façon intempestive ;
- aucune disposition législative ou réglementaire n'impose de limiter les heures d'utilisation de la salle tant que son utilisation ne perturbe pas la tranquillité publique ;
- l'expert n'a pas imposé la réalisation d'une étude d'impact après la réalisation des travaux ;
- une telle expertise serait inutile en l'absence de trouble anormal de voisinage ;
- une étude d'impact serait également inutile dès lors qu'une telle étude a déjà été réalisée par le bureau d'études Ingemansson et que la société Ineo s'est fondée sur cette dernière pour effectuer les réglages du limiteur acoustique le 18 décembre 2013 ;
- un gyrophare signalant les dépassements de niveaux sonores a été installé ;
- elle a fait poser des chaînettes plastiques afin d'assurer la fermeture des portes pour lesquelles il existait une potentialité de gêne ;
- la société Inéo a procédé aux réglages du système de sonorisation et les préconisations de l'expert ont été suivies et le limiteur acoustique a été de nouveau contrôlé le 19 février 2018 ;
- l'espace accueillant le système de sonorisation est toujours le même pour chaque organisateur, situé à proximité du microphone, ainsi que l'expert l'avait préconisé ;
- M. F... et Mme D...ne démontrent pas avoir été victime d'un quelconque préjudice entre 1982 et 2010 ;
- ils ne démontrent pas qu'ils subiraient aujourd'hui des nuisances sonores provenant de la salle des fêtes et plus particulièrement en raison d'un système de contrôle défaillant, alors qu'elle est tout au plus utilisée dix fois par an ;
- le non-respect du règlement d'utilisation de la salle des fêtes est systématiquement sanctionné par le maire ;
- la demande indemnitaire de M. F... et de Mme D...est irrecevable ;
- l'exception prévue en matière de travaux publics par les dispositions l'article R. 421-1 du code de justice administrative n'est pas applicable dès lors que la demande indemnitaire des intéressés se fonde sur des troubles de voisinage ;
- en tout état de cause, les dispositions de cet article ne font pas obstacle à l'application de la jurisprudence issue de la décision du Conseil d'Etat du 13 juillet 2016, qui a pour objet d'assurer la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice et qui s'applique aux décisions implicites de rejet ainsi qu'en plein contentieux ;
- lors de la procédure d'expertise, la commune a refusé d'indemniser les intéressés des préjudices allégués, de sorte que l'absence d'accusé de réception de leur réclamation préalable du 22 mai 2012 est sans incidence ;
- M. F... et Mme D...n'établissent pas que la pose de fenêtres à double vitrage a pour cause directe les nuisances sonores en provenance de la salle des fêtes ;
- les requérants ne peuvent demander la condamnation de la commune pour une somme supérieure à celle sollicitée dans leur réclamation préalable du 22 mai 2012 ;
- subsidiairement, leur demande indemnitaire au titre des troubles dans les conditions d'existence est surévaluée ;
- le préjudice subi ne saurait excéder une somme de 10 000 euros ;
- la responsabilité pour faute de la commune en raison de l'inaction fautive de son maire ne saurait être recherchée dès lors que l'insonorisation de la salle polyvalente ne relève pas de ses pouvoirs de police ;
- subsidiairement, en l'absence de trouble à l'ordre public, aucune faute ne saurait être retenue ;
- la responsabilité sans faute de la commune ne saurait davantage être retenue en l'absence de préjudice anormal et spécial.
Par ordonnance du 2 mai 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 17 mai 2018.
Un mémoire présenté pour M. F...et Mme D...née F...a été enregistré le 8 février 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- l'arrêté du 5 décembre 2006 relatif aux modalités de mesurage des bruits de voisinage ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Michel, premier conseiller,
- les conclusions de M. Louis, rapporteur public,
- et les observations de Me A...pour M. F... et Mme D...ainsi que celles de Me B...pour la commune de Saulny.
Une note en délibéré, enregistrée le 22 mars 2019, a été présentée pour M. F... et MmeD....
Une note en délibéré, enregistrée le 25 mars 2019, a été présentée pour la commune de Saulny.
Considérant ce qui suit :
1. M. F... et sa soeur, Mme D...néeF..., propriétaires d'une maison dans la commune de Saulny, font appel du jugement du 28 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté, d'une part, leur demande tendant à l'annulation de la décision du 23 juin 2015 par laquelle le maire de Saulny a refusé de procéder à des travaux d'insonorisation de la salle polyvalente située à proximité de leur maison et à en modifier le règlement d'utilisation et, d'autre part, leur demande tendant à la condamnation de la commune de Saulny à leur verser une indemnité de 55 771,97 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 mai 2012.
Sur les conclusions aux fins d'annulation, d'injonction et d'astreinte :
2. Il ressort des pièces du dossier qu'alors qu'entre juin 2009 et juin 2010, la commune de Saulny avait déjà fait réaliser des travaux de réfection concernant l'isolation phonique de sa salle polyvalente, M. F... et Mme D...ont obtenu, en se prévalant de la persistance de nuisances sonores liées à l'utilisation de cette salle, la désignation, par ordonnances du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, des 30 août et 20 novembre 2012, d'un expert acousticien, M.C..., qui, après avoir réalisé diverses mesures au cours du mois de juin 2013, a déposé son rapport le 3 janvier 2014 dans lequel étaient formulées plusieurs préconisations.
3. Le 27 avril 2015, M. F... et Mme D...ont demandé au maire de faire procéder aux travaux d'insonorisation préconisés par l'expert et de modifier le règlement intérieur afin qu'il interdise aux utilisateurs de la salle d'ouvrir les portes des issues de secours de façon intempestive, que les volumes sonores soient réduits à partir de 22 heures et que les manifestations nocturnes au-delà d'une heure du matin soient interdites. Ils ont contesté la décision du 23 juin 2015 par laquelle le maire a rejeté cette demande.
4. Aux termes de l'article L. 2542-2 du code général des collectivités territoriales applicable dans les communes des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin : " Le maire dirige la police locale. / Il lui appartient de prendre des arrêtés locaux de police en se conformant aux lois existantes " et aux termes de l'article L. 2542-3 du même code : " Les fonctions propres au maire sont de faire jouir les habitants des avantages d'une bonne police, notamment de la propreté, de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité dans les rues, lieux et édifices publics (...) ". Et selon l'article L. 2542-4 de ce code : " Le maire a également le soin : 1° De réprimer les délits contre la tranquillité publique, tels que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les bruits, y compris les bruits de voisinage, et attroupements nocturnes qui troublent le repos des citoyens ".
5. Il ressort des pièces du dossier, qu'en cours d'expertise la commune a fait procéder à la pose de chaînettes en plastique à chaque porte de secours de la salle polyvalente ainsi qu'à l'installation d'un limiteur acoustique équipé d'un gyrophare et respectant le seuil de 90 dB (A) et qu'en outre, ainsi qu'en atteste le rapport d'essai de la société CSTB du 5 février 2014, l'indice d'affaiblissement acoustique du bloc-porte à deux vantaux correspondait bien au niveau de 47 dB mentionné par l'expert.
6. Le maire a également modifié l'article 30 du règlement d'utilisation des locaux de la salle polyvalente de sorte à imposer aux utilisateurs, lors des manifestations avec diffusion de musique amplifiée, des règles strictes d'utilisation de la sonorisation afin de ne pas dépasser le niveau de réglage maximum autorisé s'élevant à 92 décibels. Y est en outre énoncée l'injonction de maintenir fermées, sous peine d'amende de 150 euros, les deux issues de secours. Si les horaires d'utilisation de la salle polyvalente n'y sont pas mentionnés explicitement, il résulte des dispositions de l'article 8 du règlement qu'ils sont arrêtés lors de la délivrance de chaque autorisation individuelle en fonction de la nature de la manifestation. Il ressort enfin des pièces du dossier que le maire veille au respect des prescriptions de ce règlement en engageant, le cas échéant, des poursuites contre les contrevenants.
7. Il résulte de ce qui précède que le maire, qui n'avait pas à justifier auprès des requérants, des moyens humains et matériels affectés à ce but, doit être regardé comme ayant pris des mesures suffisantes, techniques ou réglementaires, afin d'assurer, dans des conditions satisfaisantes, la tranquillité publique au voisinage de la salle polyvalente sans avoir besoin, contrairement à ce que soutiennent les appelants, d'insérer dans le règlement d'utilisation de cette salle, d'autres restrictions horaires telles une limitation de l'utilisation de la sonorisation à compter de 22 heures ou une interdiction de toute manifestation nocturne au-delà d'une heure du matin.
8. Dans ces conditions, quand bien même certains des travaux préconisés par l'expert n'auraient pas été effectués et qu'une nouvelle étude acoustique n'aurait pas été réalisée par la commune, le moyen tiré de ce que le maire de Saulny aurait, en rejetant les demandes de M. F... et de Mme D..., méconnu les dispositions précitées du code général des collectivités territoriales doit être écarté.
9. Il résulte de ce qui précède que M. F... et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 23 juin 2015, ainsi que celles aux fins d'injonction et d'astreinte.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
10. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, alors en vigueur : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Il résulte des termes mêmes de cet article que le délai de deux mois qu'il fixe ne s'applique pas aux demandes présentées en matière de travaux publics et que la notification d'une décision par laquelle l'autorité compétente rejette une réclamation relative à une telle créance ne fait courir aucun délai pour saisir le juge.
11. En vertu des dispositions précitées du code de justice administrative, aucun délai de recours n'était opposable à M. F...et Mme D...pour saisir le tribunal administratif d'une demande tendant à l'indemnisation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait des nuisances sonores résultant de l'utilisation de la salle des fêtes municipale, laquelle constitue un ouvrage public. Contrairement à ce que soutient la commune, la circonstance que ces conclusions indemnitaires n'aient été présentées qu'après l'expiration d'un délai raisonnable à compter de la date à laquelle était intervenue la décision du maire de Saulny ayant implicitement rejeté la réclamation préalable qu'ils avaient formée devant lui, le 22 mai 2012, et tendant au versement d'une somme de 35 818,20 euros en réparation de ces préjudices, est sans incidence sur la recevabilité de ces conclusions.
12. Il résulte de ce qui précède que M. F...et Mme D...sont fondés à soutenir que le jugement attaqué, en tant qu'il a rejeté leurs conclusions indemnitaires comme irrecevables en raison de leur tardiveté, est entaché d'irrégularité et doit, dans cette seule mesure, être annulé.
13. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions indemnitaires présentées par M. F... et Mme D...devant le tribunal administratif de Strasbourg.
En ce qui concerne l'autre fin de non-recevoir soulevée par la commune :
14. Il résulte de l'instruction et notamment du certificat du bureau foncier du tribunal d'instance de Metz du 29 mars 2004 que M. F... et Mme D...sont, par héritage, propriétaires indivis, depuis le 30 septembre 1991, de l'immeuble située au 83 rue de Metz à Saulny. Il s'ensuit qu'ils avaient un intérêt leur donnant qualité pour introduire devant le tribunal administratif de Strasbourg une demande en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de l'utilisation de la salle polyvalente de la commune, située à proximité de cet immeuble.
En ce qui concerne la responsabilité pour faute de la commune de Saulny :
S'agissant de l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune de Saulny :
15. Aux termes de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance (...) / Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ".
16. Pour l'application de ces dispositions, lorsque la responsabilité d'une personne publique est recherchée au titre d'un dommage causé à un tiers par un ouvrage public, les droits de créance invoqués par ce tiers en vue d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices doivent être regardés comme acquis à la date à laquelle la réalité et l'étendue de ces préjudices ont été entièrement révélées, ces préjudices étant connus et pouvant être exactement mesurés. La créance indemnitaire relative à la réparation d'un préjudice présentant un caractère évolutif doit, quant à elle, être rattachée à chacune des années au cours desquelles ce préjudice a été subi.
17. En premier lieu, le préjudice moral constitué par les troubles dans les conditions d'existence que les requérants imputent à l'implantation et au fonctionnement de la salle polyvalente présente un caractère évolutif et continu et la créance correspondante doit donc être rattachée à chacune des années au cours desquelles il a été subi.
18. Il résulte de l'instruction qu'après plusieurs démarches du père des requérants auprès du maire de Saulny, en 1982, ainsi qu'une demande en référé auprès du tribunal administratif de Strasbourg, rejetée par ordonnance d'incompétence le 18 avril 1985, aucune nouvelle demande tendant à la réparation du préjudice imputable aux nuisances sonores provenant de l'utilisation de la salle polyvalente n'a interrompu la prescription avant la lettre du 28 mai 2003, par laquelle M. F... et Mme D...ont demandé au maire de prévenir ou faire cesser les nuisances sonores causées par l'utilisation de cette salle. Cette lettre n'a cependant eu d'effet interruptif du délai de prescription que pour les créances afférentes aux années 1999 et suivantes et si la réclamation du 6 février 2004 de M. F... a de nouveau interrompu le délai de prescription pour ces années, aucune autre réclamation n'a été formée avant celle du 7 juin 2010. A cette date, les créances se rattachant à chacune des années précédant l'année 2006 étaient donc prescrites. Pour les années 2006 et suivantes, la demande de M. F... et de Mme D... tendant à la désignation d'un expert, enregistrée le 11 juillet 2012 au greffe du tribunal administratif de Strasbourg, puis leur réclamation indemnitaire préalable du 22 mai 2012 dont la commune a également accusé réception, et enfin la demande indemnitaire formée le 24 août 2015 devant le tribunal ont constitué autant d'actes interruptifs de prescription. Il en résulte que la commune de Saulny est seulement fondée à soutenir que la créance indemnitaire de M. F... et de Mme D...relative à leur préjudice moral est prescrite pour la période antérieure au 1er janvier 2006.
19. En second lieu, M. F... et Mme D...ont sollicité dans leur réclamation préalable du 22 mai 2012, la réparation du préjudice matériel consécutif aux travaux de pose, en 2011, de fenêtres à double vitrage pour limiter les nuisances sonores alléguées. A cette date, une telle créance n'était pas prescrite et elle ne l'était pas davantage, à la date à laquelle le tribunal administratif a été saisi de la demande indemnitaire des requérants. L'exception de prescription quadriennale opposée par la commune de Saulny sur ce chef de préjudice doit donc être écartée.
S'agissant de la faute et des préjudices :
20. Aux termes de l'article R. 1334-30 du code de la santé publique : " Les dispositions des articles R. 1334-31 à R. 1334-37 s'appliquent à tous les bruits de voisinage à l'exception de ceux qui proviennent des infrastructures de transport et des véhicules qui y circulent (...) ". Aux termes de l'article R. 1334-31 du même code : " Aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, dans un lieu public ou privé (...) ". Aux termes de l'article R. 1334-32 de ce code : " Lorsque le bruit mentionné à l'article R. 1334-31 a pour origine une activité professionnelle autre que l'une de celles mentionnées à l'article R. 1334-36 ou une activité sportive, culturelle ou de loisir, organisée de façon habituelle ou soumise à autorisation, et dont les conditions d'exercice relatives au bruit n'ont pas été fixées par les autorités compétentes, l'atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme est caractérisée si l'émergence globale de ce bruit perçu par autrui, telle que définie à l'article R. 1334-33, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 1334-37 du même code : " Lorsqu'elle a constaté l'inobservation des dispositions prévues aux articles R. 1334-32 à R. 1334-36, l'autorité administrative compétente peut prendre une ou plusieurs des mesures prévues au II de l'article L. 571-17 du code de l'environnement, dans les conditions déterminées aux II et III du même article ".
21. Il résulte de l'instruction que la salle polyvalente de la commune de Saulny a fait l'objet de travaux d'isolation phonique, qui selon le rapport de l'expert ont commencé à la fin du mois de juin 2009 et se sont achevés en juin 2010, période au cours de laquelle la salle n'était pas utilisée. Pour la période comprise entre le 1er janvier 2006 et le mois de juin 2009, si l'étude d'impact du 8 juillet 2010 indique qu'avant les travaux, l'ouvrage présentait une isolation phonique très insuffisante au regard des normes réglementaires énoncées ci-dessus pour une utilisation dans le cadre d'une musique amplifiée et révélait, de la part de la commune, une carence fautive dans l'exercice des compétences qu'elle tenait des dispositions précitées du code de la santé publique, M. F... et Mme D... n'établissent pas avoir adressé une demande indemnitaire à la commune concernant les nuisances sonores causées par l'utilisation de la salle, ni porté plainte et ne produisent aucun document quant à la fréquence des manifestations festives organisées dans cette salle durant cette période.
22. Il résulte également de l'instruction et notamment du rapport de l'expert que, s'agissant de la période postérieure à la réalisation des travaux, l'émergence acoustique lors de l'utilisation de la salle des fêtes en période nocturne pouvait occasionnellement excéder les valeurs limites posées par les dispositions précitées du code de la santé publique et qu'il n'est pas contesté qu'environ une dizaine de manifestations avec diffusion de musique amplifiée sont organisées chaque année. Par suite, et alors que la commune de Saulny n'établit pas, à la suite du rapport de l'expert, qu'elle aurait plus particulièrement procédé à la réfection de l'étanchéité du bloc-porte de sortie de secours sur la façade nord de l'ouvrage, M. F... et Mme D...sont fondés à soutenir que la commune a, dans l'exercice des compétences qu'elle tient du code de la santé publique, commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne s'assurant pas du respect des valeurs limites imposées par ces dispositions.
23. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par les requérants au titre des troubles subis dans leurs conditions d'existence en condamnant la commune de Saulny à leur verser une somme globale de 4 000 euros. En revanche, si M. F... et Mme D...demandent l'indemnisation de leur préjudice lié à la pose de fenêtres à double vitrage, pour une somme de 21 457,48 euros, qui aurait été rendue nécessaire pour limiter les nuisances sonores subies, il ne résulte pas de l'instruction que ces travaux réalisés en 2011 ont pour cause directe et certaine les nuisances sonores invoquées. Par suite, leurs conclusions tendant à l'indemnisation de ce chef de préjudice doivent être rejetées.
En ce qui concerne la responsabilité sans faute de la commune de Saulny :
24. Le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant dans leur existence que du fait de leur fonctionnement. Il appartient alors aux demandeurs ayant la qualité de tiers par rapport à cet ouvrage d'apporter la preuve de la réalité des préjudices qu'ils allèguent avoir subis et de l'existence d'un lien de causalité entre l'ouvrage public et ces préjudices, qui doivent, en outre, présenter un caractère anormal et spécial.
25. Si M. F... et Mme D...demandent également sur le fondement de la responsabilité sans faute la condamnation de la commune de Saulny à les indemniser de leurs préjudices moral et matériel causés par les nuisances sonores résultant de l'utilisation de la salle polyvalente, ils ont déjà obtenu, ainsi qu'il vient d'être dit, la réparation intégrale du préjudice lié aux troubles dans leurs conditions d'existence. Par ailleurs, et pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés au point 23 ci-dessus, M. F... et Mme D...n'établissent pas que la pose en 2011 de fenêtres à double vitrage a pour cause directe et certaine les nuisances sonores provenant de l'utilisation de la salle des fêtes. Par suite, les conclusions présentées par M. F... et Mme D...sur ce fondement de responsabilité ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les intérêts :
26. Lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts de retard dus en vertu des dispositions de l'article 1153 du code civil, dont les dispositions ont été reprises à l'article 1231-6 du même code, courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue à l'administration ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine.
27. M. F... et Mme D...ont sollicité le 22 mai 2012 auprès de la commune de Saulny l'indemnisation de leur préjudice moral et sont fondés à demander que l'indemnité de 4 000 euros qui leur est due porte intérêt au taux légal à compter de la date de réception non contestée de cette demande, soit le 24 mai 2012.
Sur les frais d'expertise :
28. Aux termes de l'article R. 621-13 du code de justice administrative : " Lorsque l'expertise a été ordonnée sur le fondement du titre III du livre V, le président du tribunal (...) en fixe les frais et honoraires par une ordonnance prise conformément aux dispositions des articles R. 621-11 et R. 761-4. Cette ordonnance désigne la ou les parties qui assumeront la charge de ces frais et honoraires (...). / Dans le cas où les frais d'expertise mentionnés à l'alinéa précédent sont compris dans les dépens d'une instance principale, la formation de jugement statuant sur cette instance peut décider que la charge définitive de ces frais incombe à une partie autre que celle qui a été désignée par l'ordonnance mentionnée à l'alinéa précédent ou par le jugement rendu sur un recours dirigé contre cette ordonnance ". Aux termes de l'article R. 761-1 de ce code : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ".
29. Les frais et honoraires afférents à l'expertise ordonnée en référé, compris dans les dépens de l'instance, ont été liquidés à la somme de 4 314,49 euros toutes taxes comprises par une ordonnance du vice-président du tribunal administratif de Strasbourg du 26 février 2014 et mis à la charge de M. F.... La commune de Saulny étant, en l'espèce, la partie perdante, il y a lieu de mettre cette somme à sa charge.
Sur les frais liés à l'instance :
30. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. F... et MmeD..., qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie tenue aux dépens, le versement de la somme que la commune de Saulny demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Saulny le versement à M. F...et à Mme D...d'une somme totale de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1504735 du 28 juin 2017 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il a rejeté la demande indemnitaire de M. F...et de MmeD....
Article 2 : La commune de Saulny est condamnée à verser une indemnité de 4 000 euros à M. F... et à MmeD.... Cette somme portera intérêt aux taux légal à compter du 24 mai 2012.
Article 3 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 4 314,49 euros toutes taxes comprises sont mis à la charge de la commune de Saulny.
Article 4 : La commune de Saulny versera à M. F... et à Mme D...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel et de la demande de première instance est rejeté.
Article 6 : Les conclusions présentées par la commune de Saulny sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... F..., à Mme E...D...née F...et à la commune de Saulny.
2
N° 17NC02138