Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 novembre 2018, MmeB..., représentée par Me Dollé, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 11 juillet 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 18 mai 2018 pris à son encontre par le préfet de la Moselle ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnaît le principe général du droit de l'Union européenne du droit d'être entendu ;
- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 9 de la même convention ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision quant à sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 janvier 2019, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il s'en remet à ses écritures de première instance et soutient, en outre, que la décision de la Cour nationale du droit d'asile versée au dossier par la requérante concerne ses soeurs et n'a aucune incidence quant à la légalité de l'arrêté en litige.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., ressortissante macédonienne née le 5 juillet 1993, est entrée irrégulièrement en France le 7 août 2014, selon ses déclarations. Sa demande tendant à la reconnaissance de la qualité de réfugiée a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 28 novembre 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 10 juin 2015. Par un arrêté du 18 mai 2018, le préfet de la Moselle l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être renvoyée. Mme B...fait appel du jugement du 11 juillet 2018 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg, statuant dans le cadre des dispositions de l'article I bis de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 18 mai 2018 :
2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B...a eu une enfant née le 5 juin 2015 de sa relation avec M.A..., ressortissant macédonien, dont elle est séparée. Si par un jugement du 29 mars 2018, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Metz a fixé chez le père la résidence habituelle de l'enfant, il a maintenu l'exercice conjoint de l'autorité parentale et a accordé à Mme B...le bénéfice d'un droit de visite dont il n'est pas contesté qu'elle l'exerce. Par suite, l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français aurait pour effet de priver cette enfant, âgée de près de trois ans à la date de la décision contestée, de la présence régulière de sa mère et méconnaît dès lors les stipulations précitées du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Mme B...est, par suite, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
4. Les décisions du 18 mai 2018 n'accordant à Mme B...qu'un délai de délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays de destination doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 18 mai 2018 l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur l'injonction et l'astreinte :
6. En application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'implique pas la délivrance d'un titre de séjour, contrairement à ce que demande Mme B..., mais seulement que le préfet de la Moselle procède au réexamen de sa situation. Il y a lieu d'enjoindre au préfet d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Durant cette période d'instruction, Mme B...sera munie, dans un délai de huit jours à compter de la même date, d'une autorisation provisoire de séjour. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir ces injonctions d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Dollé, conseil de MmeB..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat d'une somme de 1 500 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1803383 du 11 juillet 2018 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg et les décisions du 18 mai 2018 par lesquelles le préfet de la Moselle a obligé Mme B...à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Moselle de réexaminer la situation de Mme B...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la même date.
Article 3 : L'Etat versera à Me Dollé, avocat de MmeB..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Dollé renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 18NC03003