Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 mai 2016, le préfet de Meurthe-et-Moselle demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1400861 du tribunal administratif de Nancy du 22 mars 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la SARL Le Métro devant le tribunal administratif de Nancy ;
Il soutient que :
- la décision de fermer l'établissement n'était entachée d'aucun détournement de pouvoir ;
- la mesure de fermeture résultant de l'arrêté contesté était, eu égard aux précédentes mesures de fermetures provisoires de l'établissement mises en oeuvre, strictement nécessaire pour prévenir la continuation ou le retour des désordres causés par le fonctionnement de l'établissement ;
- la décision contestée est intervenue à l'issue d'une procédure contradictoire régulière ;
- elle est suffisamment motivée ;
- les faits sur lesquels elle repose sont établis.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er mars 2018, la SARL Le Métro, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête du préfet et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle maintient l'ensemble de ses écritures de première instance et soutient en outre que :
- l'établissement n'a fait l'objet d'aucune nouvelle mesure de fermeture depuis la décision en litige ;
- en refusant de prendre en compte les circonstances postérieures à l'engagement de la procédure contradictoire, le préfet, en prenant cette décision, a commis une erreur de droit ;
- le préfet a minimisé l'étendue des nouvelles mesures prises par l'établissement, en particulier, en estimant que le rappel des règles impliquait qu'aucune règle n'existait auparavant ce qui constitue une erreur d'appréciation ;
- elle est entachée d'un détournement de pouvoir.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Di Candia, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., pour la SARL Le Métro.
1. Considérant que la SARL Le Métro a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 27 mars 2014 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a prononcé la fermeture de la discothèque qu'elle exploitait sous l'enseigne " L'Envers Club ", à Nancy, pour une durée de deux mois à compter de la notification de sa décision en raison de troubles à l'ordre et à la tranquillité publics ; que le préfet de Meurthe-et-Moselle relève appel du jugement du 22 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté du 27 mars 2014 ;
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique : " 1. La fermeture des débits de boissons et des restaurants peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département (...) 2. En cas d'atteinte à l'ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publique, la fermeture peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département pour une durée n'excédant pas deux mois. 3. Lorsque la fermeture est motivée par des actes criminels ou délictueux prévus par les dispositions pénales en vigueur, à l'exception des infractions visées au 1, la fermeture peut être prononcée pour six mois. (...) 4. Les crimes et délits ou les atteintes à l'ordre public pouvant justifier les fermetures prévues au 2 et au 3 doivent être en relation avec la fréquentation de l'établissement ou ses conditions d'exploitation. 5. Les mesures prises en application du présent article sont soumises aux dispositions de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ainsi qu'aux dispositions de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (...) " ; que les mesures de fermeture de débits de boissons ordonnées par l'autorité administrative sur le fondement de ces dispositions, qui ont le caractère de mesures de police administrative, ont toujours pour objet de prévenir la continuation ou le retour de désordres liés au fonctionnement de l'établissement, indépendamment de toute responsabilité de l'exploitant ; qu'il appartient à l'autorité investie des pouvoirs de police de prendre, sur le fondement de ces dispositions, toute mesure strictement nécessaire en vue de faire cesser le trouble apporté à l'ordre public ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la mesure de fermeture de la discothèque " L'Envers Club " pour une durée de deux mois est intervenue, sur le fondement du 2° de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique, à la suite de deux incidents survenus le 21 décembre 2013 à 1h20 et le 11 janvier 2014 à 3h00 devant l'établissement situé dans la rue du Général Hoche à Nancy ; que, d'une part, le 21 décembre 2013, une foule composée de 250 à 300 personnes souhaitant entrer dans la discothèque était rassemblée sur la voie publique sans être canalisée par une file d'attente, bloquant ainsi la circulation dans la rue et qu'en outre, s'y trouvaient mêlés des clients de l'établissement qui consommaient de l'alcool sur la voie publique ; que, d'autre part, le 11 janvier 2014, les agents de sécurité de l'établissement ont extrait de celui-ci un client qui avait eu un différend avec d'autres clients également exclus des locaux peu de temps auparavant, et qui l'ont alors violemment agressé devant l'établissement sans que les portiers ne lui portent assistance ni ne l'autorisent à entrer de nouveau pour se protéger, malgré ses appels à l'aide, le repoussant même vers ses agresseurs au moment de la rixe ; que de tels faits, dont la matérialité est établie par les pièces du dossier et qui ne présentent pas, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, un caractère exceptionnel, étaient, eu égard à leur nature et à leur gravité, constitutifs d'atteintes à l'ordre public susceptibles de justifier légalement la fermeture temporaire de l'établissement ; que, si le gérant de l'établissement a, après le second de ces incidents, procédé au licenciement des portiers incriminés, renforcé les effectifs du personnel de sécurité et adressé à celui-ci une lettre de mission rappelant les règles de sécurité, une telle fermeture demeurait toujours, à la date à laquelle elle a été prise et compte tenu de la gravité des incidents du 21 décembre 2013 et du 11 janvier 2014, constatés sur une courte période et ayant eu un retentissement local important, une mesure nécessaire afin d'éviter la réitération de faits de même nature ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Nancy s'est fondé sur l'absence de nécessité de la mesure de fermeture pour annuler l'arrêté du 27 mars 2014 ;
5. Considérant qu'il appartient, toutefois, à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par la SARL Le Métro devant le tribunal administratif de Nancy ;
Sur la légalité de l'arrêté du 27 mars 2014 :
6. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, alors en vigueur, impliquent que l'intéressé ait été averti de la mesure que l'administration envisage de prendre ainsi que des motifs sur lesquels elle se fonde, et qu'il bénéficie d'un délai suffisant pour présenter ses observations ; que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé l'intéressé d'une garantie ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'après avoir averti la SARL Le Métro qu'il envisageait de prendre une mesure de fermeture " à des fins répressives ", sur le fondement du 3° de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique et avoir recueilli les observations présentées à cet égard par la SARL Le Métro, le préfet de Meurthe-et-Moselle a finalement fondé sa décision de fermeture sur le 2° du même article, en considération des seuls troubles à l'ordre public qui pouvaient la justifier ; que dans les circonstances de l'espèce, et alors que d'une part, la modification de fondement légal de sa décision répondait précisément aux observations formulées par la SARL Le Métro et que d'autre part, la durée maximale de fermeture autorisée par les dispositions du 2° de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique est inférieure à celle qu'autorise la mise en oeuvre du 3° du même article, initialement envisagée par le préfet, la circonstance qu'un tel changement de base légale soit intervenu sans que la SARL Le Métro ait été amenée à formuler de nouvelles observations n'a privé la SARL Le Métro d'aucune garantie ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure doit être écarté ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'en dehors des cas prévus à l'article 2 de la loi du 17 juillet 1978, alors en vigueur, relatif à la communication des avis au vu desquels est prise une décision prise sur une demande tendant à bénéficier d'une décision individuelle créatrice de droits, ni l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ni aucun principe général du droit n'imposent la communication à la personne concernée des avis sollicités par l'administration avant que celle-ci prenne sa décision ; que, par suite, la SARL Le Métro n'est pas fondée à se prévaloir de ces dispositions pour demander la communication de l'avis émis par le maire de Nancy avant l'intervention de l'arrêté de fermeture temporaire de son établissement ;
8. Considérant, en troisième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 3, que la matérialité des faits survenus le 21 décembre 2013 est établie, notamment par le courrier du 10 février 2014 par lequel le chef de la sûreté départementale a saisi le préfet ; que la SARL Le Métro a d'ailleurs admis, dans sa lettre d'observations du 10 mars 2014, que le caractère inattendu du succès de cette soirée avait généré des difficultés ; qu'en se bornant à soutenir que le dispositif de sécurité mis en oeuvre par la police nationale était inutile et en se prévalant de l'absence de contrôle d'alcoolémie lors de cette soirée, ladite société n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'exactitude matérielle de ces faits ;
9. Considérant, en quatrième lieu, que les faits survenus le 11 janvier 2014, au cours desquels les portiers n'ont porté aucune assistance au client agressé devant la discothèque, sont directement liés à la fréquentation même de l'établissement et à ses conditions d'exploitation et qu'ils pouvaient ainsi légalement être pris en compte pour justifier une mesure de fermeture temporaire sur le fondement du 2° de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique ;
10. Considérant, en cinquième lieu, que compte tenu de la gravité des faits retenus dans l'arrêté contesté, en particulier ceux du 11 janvier 2014 et de la circonstance que la discothèque " L'Envers " avait déjà fait l'objet de trois fermetures administratives en 2009 et 2010 en raison de la survenue de rixes sur fond de consommation excessive d'alcool, le préfet n'a pas entaché sa décision de fermer cet établissement pour une durée de deux mois d'une erreur manifeste d'appréciation ;
11. Considérant, en dernier lieu, que quels que soient les termes du rapport initial du chef de la sûreté départementale qui, en saisissant le préfet de Meurthe-et-Moselle, suggéraient la prise d'une " sanction exemplaire ", la mesure de fermeture décidée par le préfet n'a eu d'autre but que celui de prévenir la continuation et le retour des graves troubles à l'ordre public liés au fonctionnement de l'établissement et constatés en décembre 2013 et janvier 2014 ; qu'ainsi, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Meurthe-et-Moselle est fondé à demander d'une part, l'annulation du jugement attaqué, y compris en tant qu'il a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'autre part le rejet de la demande de la SARL Le Métro devant le tribunal administratif de Nancy ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la SARL Le Métro demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy n° 1400861 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la SARL Le Métro devant le tribunal administratif de Nancy est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par la SARL Le Métro sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Le Métro et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
2
No 16NC00941