Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 mars 2017, M.A..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 octobre 2016 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
2°) d'annuler la décision du 5 décembre 2013 lui refusant l'aide aux personnes détenues dépourvues de ressources suffisantes pour les mois de novembre et de décembre 2013 ainsi que la décision du 16 décembre 2013 par laquelle son recours gracieux a été rejeté.
Il soutient que :
- les dispositions de l'article D. 347-1 du code de procédure pénale ont été méconnues dans la mesure où le montant de 45 euros ne pouvait être regardé comme une part disponible ;
- le directeur de la maison centrale a méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant lié par la décision de la commission pluridisciplinaire unique.
Par une lettre du 8 janvier 2018, les parties ont été informées qu'en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative il était envisagé d'appeler l'affaire à une audience du 1er semestre 2018 et que l'instruction pourrait être close à partir du 30 janvier 2018 sans information préalable.
Un avis d'audience du 5 mars 2018 a emporté clôture d'instruction à effet immédiat.
Un mémoire présenté par le garde des sceaux, ministre de la justice a été enregistré le 15 mars 2018.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 janvier 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Wallerich, président assesseur,
- et les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public.
1. Considérant que M.A..., incarcéré à ...; que, par une décision du 5 décembre 2013, le directeur de la centrale a rejeté cette demande ainsi que, le 16 décembre 2013, le recours gracieux formé par M. A...contre cette décision ; que M. A...relève appel du jugement du 6 octobre 2016 en tant que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 31 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 : " Les personnes détenues dont les ressources sont inférieures à un montant fixé par voie réglementaire reçoivent de l'État une aide en nature destinée à améliorer leurs conditions matérielles d'existence. Cette aide peut aussi être versée en numéraire dans des conditions prévues par décret. " ; qu'aux termes de l'article D. 319 du code de procédure pénale : " L'établissement pénitentiaire où le détenu est écroué tient un compte nominatif où sont inscrites les valeurs pécuniaires lui appartenant. Sous réserve que les détenus n'en aient pas demandé l'envoi à un tiers ou la consignation, les sommes dont ils sont porteurs à leur entrée dans l'établissement pénitentiaire sont immédiatement inscrites à leur compte nominatif au moment de leur écrou (...) Le compte nominatif est par la suite crédité ou débité de toutes les sommes qui viennent à être dues au détenu, ou par lui, au cours de sa détention (...) " ; qu'aux termes de l'article D. 347-1 du code de procédure pénale : " Les personnes détenues sont considérées comme dépourvues de ressources suffisantes lorsque, cumulativement : -la part disponible du compte nominatif pendant le mois précédant le mois courant est inférieure à 50 ; -la part disponible du compte nominatif pendant le mois courant est inférieure à 50 ; -et le montant des dépenses cumulées dans le mois courant est inférieur à 50 . La part disponible du compte nominatif du mois précédent n'est pas prise en compte pendant le premier mois d'incarcération pour considérer comme dépourvues de ressources suffisantes les personnes venant de l'état de liberté. L'aide que reçoivent les personnes détenues dépourvues de ressources suffisantes est attribuée par l'administration pénitentiaire. Il est tenu compte des aides attribuées à la personne détenue intéressée par toute personne physique ou morale de droit public ou privé autorisée à le faire par l'administration pénitentiaire. L'aide est fournie prioritairement en nature, notamment par la remise de vêtements, par le renouvellement de la trousse de toilette (...) et par la remise d'un nécessaire de correspondance. Lorsque l'administration pénitentiaire ou la personne autorisée à attribuer l'aide n'est pas en mesure de la fournir en nature ou lorsque les besoins de la personne détenue le justifient, elle est versée en numéraire, en tout ou partie, sur la part disponible du compte nominatif. " ; qu'aux termes de l'article D. 90 du même code : " Il est institué auprès du chef de chaque établissement pénitentiaire, pour une durée de cinq ans, une commission pluridisciplinaire unique. (...). " ;
3. Considérant, en premier lieu, que la décision du 5 décembre 2013 est motivée par la circonstance que " dépassant les plafonds de ressource, la CPU a décidé de vous retirer l'aide pécuniaire accordée aux indigents. " ; que le directeur de la maison centrale d'Ensisheim doit ainsi être regardé comme s'étant estimé lié par l'avis de la commission pluridisciplinaire unique ; que les avis émis par cette dernière n'étant pas des avis conformes, le directeur de la maison centrale a, par suite, méconnu sa compétence et commis une erreur de droit ; qu'il en résulte que M. A...est fondé à soutenir que la décision du 5 décembre 2013 doit être annulée ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des mentions de la décision du 16 décembre 2013 que le directeur de la maison centrale d'Ensisheim se serait estimé lié par l'avis de la commission pluridisciplinaire unique lorsque, sur recours gracieux de M.A..., il a procédé à un nouvel examen de la situation de ce dernier ;
5. Considérant, en troisième lieu, que M. A...soutient que l'association Caritas lui avait versé au cours de l'été 2013 une somme de 45 euros afin qu'il achète une imprimante et que cette somme avait été bloquée en prévision de cet achat et ne pouvait, par conséquent, être prise en compte pour le calcul du solde de son compte nominatif ; que toutefois le requérant n'apporte aucune pièce justificative de nature à démontrer que cette somme devait être exclusivement réservée à l'achat du matériel informatique et qu'il ne précise pas les diligences qu'il aurait engagées à cet effet ; qu'en outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette somme aurait dû être affectée à l'indemnisation des victimes ou à la constitution du pécule de libération et qu'elle serait ainsi devenue indisponible ; que par suite, le directeur de la maison centrale n'a pas, en rejetant, le 16 décembre 2013, le recours gracieux de M.A..., fait une inexacte application des dispositions de l'article D. 347-1 du code de procédure pénale en tenant compte de cette somme pour constater que le solde du compte nominatif de l'intéressé avait excédé, au cours des mois de novembre et décembre 2013, les plafonds en dessous desquels il pouvait être regardé comme dépourvu de ressources suffisantes et bénéficier d'une aide de l'Etat ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 décembre 2013 ;
D E C I D E :
Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg, en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 5 décembre 2013 par laquelle le directeur de la maison d'arrêt d'Ensisheim a refusé d'attribuer à M. A...l'aide aux personnes détenues dépourvues de ressources suffisantes pour les mois de novembre et de décembre 2013, et la décision du 5 décembre 2013 sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.
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N° 17NC00643