Par une requête, enregistrée le 10 août 2016, M. B...a relevé appel de cette ordonnance devant la cour administrative d'appel de Nancy.
Par une ordonnance n° 1601776 du 10 août 2016, la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy a transmis cette requête au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative.
Par une décision n° 402374 du 31 mars 2017, le Conseil d'Etat a attribué le jugement de la requête de M. B... à la cour administrative d'appel de Nancy.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 août 2016 et le 29 septembre 2016, M. B..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg du 3 août 2016 ;
2°) d'annuler la décision du 28 juillet 2016 par laquelle le directeur de l'agence régionale de santé d'Alsace, Champagne-Ardenne, Lorraine a refusé de lever la suspension de son droit d'exercer l'activité de chirurgie dentaire ;
3°) d'ordonner la levée de la suspension de son droit d'exercer l'activité de chirurgie dentaire et de l'autoriser à reprendre son activité à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'ordonnance attaquée a méconnu le principe du contradictoire rappelé par les dispositions de l'article L. 522-1 du code de justice administrative dès lors que les parties n'ont pas été convoquées et entendues à une audience publique et que l'ordonnance a été rendue sans que l'agence régionale de santé ait produit un mémoire ;
- sa demande d'annulation de la décision du 28 juillet 2016 du directeur de l'agence régionale de santé n'était pas irrecevable en l'absence de disposition réglementaire prise pour l'application du recours prévu à l'article L. 4113-14 du code de la santé publique ;
- le premier juge l'a, en rejetant sa demande pour ce motif, privé du droit à un recours effectif ;
- la décision du 28 juillet 2016 a méconnu la procédure contradictoire ;
- à la date de cette décision, la reprise de son activité ne représentait plus aucun danger pour ses patients.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2016, le ministre des affaires sociales et de la santé conclut, à titre principal, au non lieu à statuer et, à titre subsidiaire, au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la suspension ayant pris fin le 30 novembre 2016, elle a cessé de produire des effets et le recours est devenu sans objet ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que l'ordonnance attaquée du 3 août 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg est irrégulière dès lors que les conclusions à fin d'annulation de la décision du 28 juillet 2016 relevaient d'une formation collégiale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Michel, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,
1. Considérant que M.B..., exerçant la profession de chirurgien-dentiste à Strasbourg, a fait l'objet, par un arrêté du 29 juin 2016 du directeur de l'agence régionale de santé Grand Est, d'une mesure de suspension du droit d'exercer l'activité de chirurgie dentaire pour une durée maximale de cinq mois sur le fondement des dispositions de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique ; que, par une décision du 28 juillet 2016, le directeur de l'agence régionale de santé Grand Est a maintenu sa décision de le suspendre en refusant d'abroger l'arrêté précité du 29 juin 2016 ; que M. B...relève appel de l'ordonnance du 3 août 2016 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, saisi d'une demande d'annulation de ce refus, dans le cadre des dispositions de l'article L. 4113-4 du code de la santé publique, a rejeté sa demande en application de l'article L. 522-3 du code de justice administrative ;
Sur le non lieu à statuer :
2. Considérant que la circonstance que la mesure de suspension décidée par arrêté du 29 juin 2016 à l'encontre de M. B... pour une durée maximale de cinq mois ait épuisé ses effets à la date du présent arrêt, ne prive pas d'objet la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 28 juillet 2016 par laquelle le directeur de l'agence régionale Grand Est a refusé d'abroger cet arrêté du 29 juin 2016 ; que, par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la requête de M. B... ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
3. Considérant qu'aux termes des quatre premiers alinéas de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique, dans sa version alors en vigueur : " En cas d'urgence, lorsque la poursuite de son exercice par un médecin, un chirurgien-dentiste ou une sage-femme expose ses patients à un danger grave, le directeur général de l'agence régionale de santé dont relève le lieu d'exercice du professionnel prononce la suspension immédiate du droit d'exercer pour une durée maximale de cinq mois. Il entend l'intéressé au plus tard dans un délai de trois jours suivant la décision de suspension. / Le directeur général de l'agence régionale de santé dont relève le lieu d'exercice du professionnel informe immédiatement de sa décision le président du conseil départemental compétent et saisit sans délai le conseil régional ou interrégional lorsque le danger est lié à une infirmité, un état pathologique ou l'insuffisance professionnelle du praticien, ou la chambre disciplinaire de première instance dans les autres cas. Le conseil régional ou interrégional ou la chambre disciplinaire de première instance statue dans un délai de deux mois à compter de sa saisine. En l'absence de décision dans ce délai, l'affaire est portée devant le Conseil national ou la Chambre disciplinaire nationale, qui statue dans un délai de deux mois. A défaut de décision dans ce délai, la mesure de suspension prend fin automatiquement (...) / Le directeur général de l'agence régionale de santé dont relève le lieu d'exercice du professionnel peut à tout moment mettre fin à la suspension qu'il a prononcée lorsqu'il constate la cessation du danger. Il en informe le conseil départemental et le conseil régional ou interrégional compétents et, le cas échéant, la chambre disciplinaire compétente, ainsi que les organismes d'assurance maladie et le représentant de l'Etat dans le département " ; qu'aux termes du cinquième alinéa du même article : " Le médecin, le chirurgien-dentiste ou la sage-femme dont le droit d'exercer a été suspendu selon la procédure prévue au présent article peut exercer un recours contre la décision du directeur général de l'agence régionale de santé dont relève le lieu d'exercice du professionnel devant le tribunal administratif, qui statue en référé dans un délai de quarante-huit heures " ; qu'aux termes du sixième et avant-dernier alinéa du même article : " Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat (...) " ;
4. Considérant qu'à défaut de toute précision dans la loi en ce qui concerne, notamment, la nature des pouvoirs du juge des référés dont l'intervention est prévue par les dispositions citées ci-dessus du cinquième alinéa de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique, ces dispositions n'ont pu entrer en vigueur en l'absence de définition de leurs modalités d'application par le décret en Conseil d'Etat prévu à l'avant-dernier alinéa de cet article ; que, toutefois, le praticien qui fait l'objet d'une décision prise sur le fondement de ces dispositions peut, s'il s'y croit fondé, saisir le tribunal administratif d'une demande d'annulation pour excès de pouvoir assortie, le cas échéant, d'une demande tendant à ce que, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés en suspende l'exécution, ou saisir le juge des référés sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; qu'il dispose des mêmes voies de droit à l'encontre d'une décision par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé refuse d'abroger un arrêté pris, à son égard, sur le fondement de ces dispositions ;
5. Considérant que la demande de M. B... devant le tribunal administratif de Strasbourg tendant à l'annulation de la décision du directeur général de l'agence régionale de santé du 28 juillet 2016 refusant d'abroger son arrêté du 29 juin 2016 suspendant l'intéressé du droit d'exercer l'activité de chirurgien-dentiste devait, compte tenu de ses termes, être regardée comme une demande d'annulation pour excès de pouvoir de cette décision ; que, par suite, cette demande ne relevait pas de la compétence du juge des référés mais d'une formation collégiale du tribunal ; que, dès lors, l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et doit, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens d'irrégularité soulevés par M. B..., être annulée ;
6. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par M. B...devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
Sur la légalité de la décision du 28 juillet 2016 :
7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions précitées de L. 4113-14 du code de la santé publique qu'en cas d'urgence, lorsque la poursuite de son exercice par un chirurgien-dentiste expose ses patients à un danger grave, le directeur général de l'agence régionale de santé qui prononce la suspension immédiate du droit d'exercer pour une durée maximale de cinq mois, entend l'intéressé au plus tard dans un délai de trois jours suivant la décision de suspension ; que le directeur général de l'agence régionale de santé peut à tout moment mettre fin à la suspension qu'il a prononcée lorsqu'il constate la cessation du danger ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'alertée, par un courrier du président du conseil départemental de l'ordre des médecins du Bas-Rhin, sur les pratiques de M. B... en matière d'hygiène, regardées comme dangereuses pour les patients, l'agence régionale de santé Grand Est a procédé à un contrôle du cabinet dentaire de ce dernier, le 17 juin 2016, et a prononcé, par arrêté du 29 juin 2016, la suspension de son droit d'exercer l'activité de chirurgie dentaire pour une durée maximale de cinq mois sur le fondement des dispositions de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique ; que M. B... qui a été entendu le 1er juillet 2016 et auquel a été communiqué le rapport établi à la suite du contrôle du 17 juin 2016, a produit les 5, 6 et 18 juillet, 2016 des observations tendant à démontrer que son activité n'exposait désormais plus ses patients à un danger grave et qu'il devait être mis fin à la suspension ; qu'il ne résulte d'aucune disposition du code de la santé publique ni d'aucun principe, que le directeur général de l'agence régional de santé, ainsi saisi d'une demande tendant à l'abrogation de la suspension, soit tenu de procéder à une nouvelle audition de l'intéressé ou à une nouvelle visite de son cabinet avant de statuer sur une telle demande ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le refus d'abrogation qui a été opposé à M. B... le 28 juillet 2016 serait intervenu en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure doit être écarté ;
9. Considérant, en second lieu, que si M. B...soutient qu'à la suite de la décision de suspension dont il a fait l'objet, il a pris certaines mesures afin que ses patients ne soient plus exposés à un risque d'infection, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, l'intéressé n'avait pas mis en place de procédure spécifique à son cabinet permettant d'assurer la mise en conformité de la chaîne de traitement des dispositifs médicaux réutilisables concernant les étapes préalables à la stérilisation, la stérilisation elle-même et le stockage des dispositifs stériles ; qu'en outre, les procédures engagées par M. B... afin d'assurer le respect des précautions d'hygiène standard, leur mise à disposition du personnel du cabinet dentaire et la garantie de leur application, n'étaient pas adaptées aux caractéristiques de son cabinet médical et ne pouvaient ainsi être regardées comme opérationnelles ; qu'enfin, la mise en conformité de la salle d'intervention n'était pas assurée en l'absence notamment d'analyse de l'eau utilisée pour l'unit dentaire et le traitement des dispositifs médicaux ; que, dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient M. B..., la poursuite de l'exercice de son activité de chirurgien-dentiste exposait encore ses patients, à la date de la décision contestée, à un danger grave compte tenu du risque infectieux ; que, dès lors, M. B...n'est pas fondé à soutenir que le directeur général de l'agence régionale de santé Grand Est aurait fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique en refusant d'abroger la mesure de suspension prise à son encontre ;
Sur l'injonction :
10. Considérant que le présent arrêt qui rejette la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 28 juillet 2016, n'appelle aucune mesure d'exécution ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, devant le tribunal et la cour, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 1604404 du 3 août 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Strasbourg et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au ministre des solidarités et de la santé.
Copie en sera adressée au directeur général de l'agence régionale de santé Grand Est.
2
N° 17NC00776