Par une requête enregistrée le 5 février 2016, M. A..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 26 novembre 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 27 août 2015 pris à son encontre par le préfet de l'Aube ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de réexaminer sa situation administrative dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient :
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour, que :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français, que :
- cette décision est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination, que :
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2016, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le moyen tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant ;
- les autres moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 mai 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. A..., ressortissant kosovar né le 12 octobre 1987, est entré irrégulièrement en France le 5 novembre 2014 ; que sa demande tendant à la reconnaissance de la qualité de réfugié a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 12 mars 2015, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 20 juillet 2015 ; que par un arrêté du 27 août 2015, le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé ; que M. A... relève appel du jugement du 26 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que la décision de refus de titre de séjour en litige, après avoir notamment visé le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique de manière précise et circonstanciée le parcours de M. A... ainsi que les motifs de droit et de fait pour lesquels sa demande de titre de séjour a été refusée ; que la décision contestée est donc suffisamment motivée ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des termes de la décision en litige que le préfet de l'Aube n'aurait pas procédé à un examen de la situation personnelle de M. A... ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
5. Considérant que M. A... soutient que sa vie privée et familiale se situe en France où il vit avec sa compagne depuis le 5 novembre 2014, qui a eu un enfant, et qu'il encourt des risques de représailles de sa belle famille au Kosovo ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...est entré en France récemment ; qu'en outre, il ne justifie pas ne pas pouvoir poursuivre une vie privée et familiale normale dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-sept ans alors que sa compagne, de même nationalité, a également fait l'objet d'une décision de refus de titre de séjour le 27 août 2015 ; que, par suite, la décision de refus de titre de séjour en litige n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, dès lors, le moyen tiré de l'inexacte application des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ; que, pour les mêmes motifs, doit être écarté le moyen tiré ce que la décision de refus de titre de séjour serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
6. Considérant, en dernier lieu, que M. A... ne peut utilement invoquer la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'égard de la décision en litige qui se borne à lui refuser le séjour ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. Considérant en premier lieu, que, dès lors que le refus de titre de séjour est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent de l'assortir d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, la motivation de l'obligation de quitter le territoire se confond avec celle de la décision de refus de séjour ; que l'arrêté en litige mentionnent le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, ainsi qu'il a été dit au point 2, la décision de refus de titre de séjour est suffisamment motivée ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation doit être écarté ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour doit être écarté ;
9. Considérant, en dernier lieu, que pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, et en l'absence d'autre élément invoqué par le requérant, le moyen tiré de ce que le préfet de l'Aube aurait entaché la décision en litige d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A... doit être écarté ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;
11. Considérant que si M. A... soutient qu'il encourt des risques de mauvais traitements en cas de retour au Kosovo de la part de la famille de sa concubine, il n'établit pas par des pièces suffisamment probantes le caractère réel, personnel et actuel des risques allégués en cas de retour au Kosovo ; que, par suite, et alors au demeurant que sa demande tendant à la reconnaissance de la qualité de réfugié a été rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 20 juillet 2015, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du préfet de l'Aube présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du préfet de l'Aube présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.
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N° 16NC00213