Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 mars 2016, Mme A..., représentée par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1502467 du 25 février 2016 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté de la préfète de l'Aube du 21 octobre 2015 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aube de lui délivrer une carte de séjour temporaire sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à son avocat, Me C..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont insuffisamment motivées ;
- la décision de refus de titre de séjour a été prise en méconnaissance des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle a été prise en violation du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2016, la préfète de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A...ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision 23 juin 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention signée entre la France et la République centrafricaine du 26 septembre 1994 ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B...a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme A..., née en 1987, de nationalité centrafricaine, est entrée régulièrement sur le territoire français le 17 septembre 2014, accompagnée de ses deux enfants mineurs E...etD..., nés respectivement le 31 janvier 2009 et le 12 juin 2013 à Bangui, de nationalité française ; qu'elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français ; qu'elle relève appel du jugement du 25 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de l'Aube du 21 octobre 2015 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination ;
Sur le moyen tiré de l'insuffisance de motivation appelant une réponse commune :
2. Considérant que l'arrêté contesté vise notamment l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention conclue entre la France et la République centrafricaine, ainsi que les articles L. 313-11 6° et L. 511-1 I 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise les raisons pour lesquelles la préfète de l'Aube a estimé que Mme A... ne remplissait pas les conditions du 6° de l'article L. 313-11 du code précité et notamment le fait que l'intéressée n'établissait pas la résidence habituelle de ses enfants en France ; que l'arrêté contesté comporte ainsi l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui fondent la décision portant refus de titre de séjour, ainsi que celle portant obligation de quitter le territoire français, qui n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation desdites décisions doit être écarté comme manquant en fait ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision portant refus de séjour :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée " ;
4. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de ces dispositions que le législateur, pour le cas où la carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " est demandée par un étranger au motif qu'il est parent d'un enfant français, a subordonné la délivrance de plein droit de ce titre à la condition, notamment, que l'enfant réside en France ; que ce faisant, le législateur n'a pas requis la simple présence de l'enfant sur le territoire français, mais a exigé que l'enfant réside en France, c'est-à-dire qu'il y demeure effectivement de façon stable et durable ; qu'il appartient dès lors, pour l'application de ces dispositions, à l'autorité administrative d'apprécier dans chaque cas sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et des justifications produites, où se situe la résidence de l'enfant, entendue comme le lieu où il demeure effectivement de façon stable et durable à la date à laquelle le titre est demandé ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A...est entrée en France le 17 septembre 2014 en compagnie de ses deux enfants mineurs ; qu'ainsi, et nonobstant les circonstances que E...soit scolarisé depuis le 25 janvier 2015 ou que Mme A...pourvoit à leur entretien et à leur éducation, ces enfants ne pouvaient être regardés comme résidant de façon stable et durable au sens des dispositions précitées du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 23 avril 2015, date à laquelle Mme A...a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
7. Considérant que si Mme A... fait valoir qu'elle justifie d'attaches familiales et privées intenses en France où vit le père de ses enfants, il ressort des dires mêmes de la requérante que le couple est séparé ; que Mme A...n'établit ni même n'allègue être intégrée en France et dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-sept ans ; que, dans ses conditions, compte tenu de la durée et des conditions de séjour en France de MmeA..., la décision portant refus de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions politiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " :
9. Considérant, d'une part qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le père des enfants de Mme A..., qui ne vit pas avec eux, les prenne en charge financièrement et contribue à leur éducation ; que, d'autre part, si la requérante fait état de la situation politique sévissant en Centrafrique, elle ne démontre par aucune pièce l'existence de risques personnels pour ses enfants du fait de leur religion chrétienne ; que, par suite, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la décision portant refus de séjour méconnaitrait les stipulations précitées ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. Considérant, en premier lieu, que les moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par Mme A... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écartée par voie de conséquence ;
11. Considérant, en deuxième lieu, que les moyens tirés de la violation des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux mentionnés aux points 7 et 9 ci-dessus ;
12. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) " ;
13. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, les enfants de Mme A...ne peuvent être regardés comme résidant de façon stable et durable en France ; que, suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 6° de l'article L. 511-4 doit être écarté ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination :
14. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;
15. Considérant que si Mme A... fait valoir que la situation politique de Centrafrique est instable et qu'il règne un climat d'insécurité à Bangui, elle n'établit pas qu'elle serait personnellement exposée à des risques en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, en fixant la République centrafricaine comme pays de destination, la préfète de l'Aube n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention susvisée ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction assorties d'une astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Aube.
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N° 16NC00483