Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 24 mars 2016, Mme F... D...et M. A... B..., représentés par MeE..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1506489 du 24 février 2016 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 1er septembre 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de délivrer à Mme D...une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de fait et le préfet n'a pas procédé à un examen de la situation personnelle de Mme D...;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet s'est cru en situation de compétence liée pour refuser de renouveler le titre de séjour de Mme D...et n'a pas recherché s'il pouvait régulariser sa situation en vertu de son pouvoir de régularisation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours est insuffisamment motivée ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée :
- elle est illégale par voie d'exception de l'illégalité du refus de titre de séjour.
Les parties ont été informées, par application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré du défaut d'intérêt pour agir de M. B...lui donnant qualité pour contester le jugement dès lors qu'il n'était pas partie au litige de première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 décembre 2016, le préfet du Bas-Rhin conclut au non-lieu à statuer sur la requête présentée par MmeD....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C...a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme D..., née en 1986, est une ressortissante de Sainte-Lucie ; qu'elle est entrée sur le territoire français selon ses déclarations en 2010 ; qu'elle a été admise au séjour sous couvert d'un titre portant la mention " vie privée et familiale " délivré le 13 mars 2013 et renouvelé jusqu'au 12 mars 2015 à la suite de la conclusion d'un pacte civil de solidarité avec un ressortissant français le 6 février 2012 ; que ce pacte ayant été rompu le 1er avril 2014, le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour par un arrêté du 1er septembre 2015 et a fait obligation à Mme D...de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que Mme D... et M. B...relèvent appel du jugement du 24 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de Mme D...tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la recevabilité de la requête :
2. Considérant qu'en vertu des principes généraux de la procédure, tels qu'ils sont rappelés à l'article R. 811-1 du code de justice administrative, le droit de former appel des décisions de justice rendues en premier ressort n'est pas ouvert aux personnes qui n'ont pas été mises en cause dans l'instance à l'issue de laquelle a été rendue la décision qu'elles attaquent ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...n'a pas été mis en cause, et ne devait d'ailleurs pas l'être, dans l'instance à laquelle a donné lieu, devant le tribunal administratif de Strasbourg, la demande de Mme D...tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er septembre 2015, nonobstant la circonstance qu'il soit son nouveau compagnon ; que M. B...est donc sans qualité à agir et, par suite, irrecevable à interjeter appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a statué sur cette demande ;
Sur la légalité de l'arrêté du 1er septembre 2015 :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
3. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il précise également les éléments de fait retenus par le préfet pour refuser de renouveler le titre de séjour de Mme D...et notamment la dissolution du pacte de solidarité qu'elle avait conclu avec un ressortissant français ; que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour comporte ainsi l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé pour rejeter la demande de titre de séjour dont il était saisi ; que, contrairement à ce que soutient Mme D..., le préfet n'était pas tenu de mentionner dans son arrêté l'ensemble des éléments de sa situation personnelle dont elle s'était prévalue à l'appui de sa demande de titre de séjour, ni l'ensemble des pièces produites par l'intéressée ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour litigieuse ne serait pas suffisamment motivée doit être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que le préfet du Bas-Rhin a indiqué que la mère de Mme D...vivait en Martinique ; que si la requérante fait valoir que le préfet n'a pas tenu compte de l'évolution de sa situation personnelle et notamment de son concubinage avec M.B..., elle n'établit pas en avoir informé les services préfectoraux ; qu'au demeurant, elle ne justifie pas la réalité et la stabilité de cette relation avant la conclusion du pacte de solidarité avec M. B...le 18 septembre 2015, soit postérieurement à la décision litigieuse ; que de même, Mme D...qui a déposé sa demande de titre de séjour le 19 janvier 2015 sur le seul fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'établit pas avoir indiqué au préfet qu'elle bénéficiait d'un contrat de travail à durée indéterminée depuis le 25 février 2015 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour serait entachée d'erreurs de fait ne peut qu'être écarté ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'eu égard à ce qui précède, Mme D... n'établit pas que le préfet du Bas-Rhin n'aurait pas procédé à un examen approfondi de sa situation personnelle avant de rejeter sa demande de titre de séjour ;
6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
7. Considérant que Mme D... fait valoir qu'elle vit en France depuis 2010, que sa mère réside sur le territoire français, qu'elle y a séjourné pendant près de trois ans en situation régulière, qu'elle y travaille, qu'elle entretient une relation stable avec M.B..., ressortissant français, depuis près de trois ans et qu'elle n'a plus d'attaches à Sainte Lucie ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que la mère de la requérante vit en Martinique, soit à plusieurs milliers de kilomètres du lieu de résidence de MmeD..., qu'ainsi qu'il a été dit au point 4, elle ne justifie pas de l'ancienneté de sa nouvelle relation maritale avant le mois de septembre 2015 et elle n'est pas dépourvue de famille dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans et où vit son père ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce, Mme D... n'est pas fondée à soutenir qu'à la date à laquelle elle a été prise, la décision portant refus de séjour a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle est intervenue ;
8. Considérant, en dernier lieu, que lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ; qu'ainsi qu'il a été dit, le préfet n'a été saisi que d'une demande de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'en rejetant sa demande et alors qu'il n'était pas tenu de rechercher si la situation de Mme D...pouvait être régularisée à titre gracieux, le préfet n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :
9. Considérant que les moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par Mme D... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écartée par voie de conséquence ;
10. Considérant que le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de Mme D... doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 7 ;
11. Considérant que, dès lors que le délai de trente jours accordé à un étranger pour exécuter une obligation de quitter le territoire français constitue le délai de départ volontaire de droit commun prévu par les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'absence de prolongation de ce délai n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique, distincte de celle du principe même de ladite obligation, à moins que l'étranger ait expressément demandé le bénéfice d'une telle prolongation ou ait justifié d'éléments suffisamment précis sur sa situation personnelle susceptibles de rendre nécessaire une telle prolongation ; que si Mme D...fait valoir qu'elle souffrait d'une leucémie pour laquelle elle a été traitée en 2012 et 2013, elle n'établit pas qu'à la date de l'arrêté attaqué son état de santé nécessitait une prolongation du délai de départ volontaire ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté comme manquant en fait ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination :
12. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; que ce dernier texte énonce que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;
13. Considérant, d'une part, qu'en visant les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auxquelles renvoient les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision fixant le pays de destination est suffisamment motivée en droit ; que, d'autre part, le préfet a indiqué les raisons de fait pour lesquelles il a estimé que Mme D...ne serait pas exposée à un risque de traitement inhumain ou dégradant en cas de retour à Sainte Lucie ; que la décision est ainsi suffisamment motivée ;
14. Considérant que les moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par Mme D... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination ne peut qu'être écartée par voie de conséquence ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...D..., à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 16NC00522