Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 10 janvier 2019, sous le n° 19NC00049, Mme C..., représentée par Me A...de la SCP A...Bailleul Sottas, demande à la cour :
1°) d'annuler, en ce qui la concerne, ce jugement du 11 décembre 2018 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 décembre 2018 décidant son transfert vers l'Italie ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision du 6 décembre 2018 prise à son encontre par le préfet de l'Aube.
Elle soutient que :
- la décision en litige ordonnant son transfert vers l'Italie a été prise par une autorité incompétente ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 20 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- il n'est pas établi que les autorités italiennes auraient implicitement accepté sa reprise en charge ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article 16 de ce règlement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2019, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
II. Par une requête enregistrée le 10 janvier 2019, sous le n° 19NC00050, Mme C..., représentée par Me A...de la SCP A...Bailleul Sottas, demande à la cour :
1°) d'annuler, en ce qui la concerne, ce jugement du 11 décembre 2018 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 décembre 2018 l'assignant à résidence ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision du 6 décembre 2018 prise à son encontre par le préfet de l'Aube.
Elle soutient que :
- la décision en litige a été prise par une autorité incompétente ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle n'a jamais été mise en demeure de quitter le territoire français par ses propres moyens pour rejoindre l'Italie ;
- elle méconnaît les mêmes dispositions dès lors qu'elle est disproportionnée au regard de son droit à une vie familiale normale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2019, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme C...a été admise, en ce qui concerne les instances n° 19NC00049 et n° 19NC00050, au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 janvier 2019.
III. Par une requête enregistrée le 10 janvier 2019 sous le n° 19NC00051, M. E..., représenté par Me A...de la SCP A...Bailleul Sottas, demande à la cour :
1°) d'annuler, en ce qui le concerne, ce jugement du 11 décembre 2018 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 décembre 2018 décidant son transfert vers l'Italie ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision du 6 décembre 2018 prise à son encontre par le préfet de l'Aube.
Il soutient que :
- la décision en litige ordonnant son transfert vers l'Italie a été prise par une autorité incompétente ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 20 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- il n'est pas établi que les autorités italiennes auraient implicitement accepté sa reprise en charge ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article 16 de ce règlement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2019, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
IV. Par une requête enregistrée le 10 janvier 2019, sous le n° 19NC00054, M. E..., représenté par Me A...de la SCP A...Bailleul Sottas, demande à la cour :
1°) d'annuler, en ce qui le concerne, ce jugement du 11 décembre 2018 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 décembre 2018 l'assignant à résidence ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision du 6 décembre 2018 prise à son encontre par le préfet de l'Aube.
Il soutient que :
- la décision en litige a été prise par une autorité incompétente ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'a jamais été mis en demeure de quitter le territoire français par ses propres moyens pour rejoindre l'Italie ;
- elle méconnaît les mêmes dispositions dès lors qu'elle est disproportionnée au regard de son droit à une vie familiale normale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2019, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. E... a été admis, en ce qui concerne les instances n° 19NC00051 et n° 19NC00054, au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 janvier 2019.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes nos 19NC00049 - 19NC00050 - 19NC00051 - 19NC00054 portent sur la situation d'un même couple de ressortissants étrangers. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.
2. M. E...et MmeC..., de nationalité nigériane nés respectivement le 19 juin 1987 et le 27 janvier 1991, ont déclaré être entrés en France le 4 août 2018. Ils ont sollicité le 14 août 2018 leur admission au séjour au titre de l'asile, mais par des arrêtés du 6 décembre 2018, le préfet de l'Aube a décidé leur transfert vers l'Italie, regardée comme l'Etat responsable du traitement de leurs demandes d'asile et les a assignés à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. E...et Mme C...font appel du jugement du 11 décembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur les décisions de transfert :
3. En premier lieu, les décisions en litige ont été signées par Mme Sylvie Cendre, secrétaire générale de la préfecture de l'Aube, qui disposait, en vertu d'un arrêté du préfet de l'Aube du 4 septembre 2017, régulièrement publié, le même jour, au recueil des actes administratifs de la préfecture, d'une délégation pour signer les décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions prises en matière de police des étrangers. Cette délégation n'est ni générale ni absolue. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions contestées doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 20 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 5. L'Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite pour la première fois est tenu, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, et en vue d'achever le processus de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de la demande de protection internationale, de reprendre en charge le demandeur qui se trouve dans un autre Etat membre sans titre de séjour ou qui y introduit une demande de protection internationale après avoir retiré sa première demande présentée dans un autre Etat membre pendant le processus de détermination de l'Etat membre responsable / Cette obligation cesse lorsque l'Etat membre auquel il est demandé d'achever le processus de détermination de l'Etat membre responsable peut établir que le demandeur a quitté entre-temps le territoire des Etats membres pendant une période d'au moins trois mois ou a obtenu un titre de séjour d'un autre Etat membre. / Toute demande introduite après la période d'absence visée au deuxième alinéa est considérée comme une nouvelle demande donnant lieu à une nouvelle procédure de détermination de l'Etat membre responsable ".
5. M. E...et Mme C...n'établissent par aucune pièce avoir quitté le territoire des Etats membres pendant une période d'au moins trois mois depuis l'enregistrement de leurs empreintes en Italie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 20 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 25 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. L'Etat membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines. / 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée ".
7. Il ressort des pièces des dossiers que le préfet a saisi les autorités italiennes, le 16 août 2018, d'une demande de reprise en charge des intéressés, fondée sur les données obtenues par le système Eurodac. En l'absence de réponse de ces autorités, il résulte des dispositions précitées que l'Italie a implicitement accepté cette demande au plus tard le 4 septembre 2018, ainsi qu'il ressort d'ailleurs du constat produit par le préfet de l'accord implicite adressé aux autorités italiennes.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article 16 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Lorsque, du fait d'une grossesse, d'un enfant nouveau-né, d'une maladie grave, d'un handicap grave ou de la vieillesse, le demandeur est dépendant de l'assistance de son enfant, de ses frères ou soeurs, ou de son père ou de sa mère résidant légalement dans un des États membres, ou lorsque son enfant, son frère ou sa soeur, ou son père ou sa mère, qui réside légalement dans un Etat membre est dépendant de l'assistance du demandeur, les Etats membres laissent généralement ensemble ou rapprochent le demandeur et cet enfant, ce frère ou cette soeur, ou ce père ou cette mère, à condition que les liens familiaux aient existé dans le pays d'origine, que l'enfant, le frère ou la soeur, ou le père ou la mère ou le demandeur soit capable de prendre soin de la personne à charge et que les personnes concernées en aient exprimé le souhait par écrit. / Lorsque l'enfant, le frère ou la soeur, ou le père ou la mère visé au paragraphe 1 réside légalement dans un Etat membre autre que celui où se trouve le demandeur, l'Etat membre responsable est celui dans lequel l'enfant, le frère ou la soeur, ou le père ou la mère réside légalement, à moins que l'état de santé du demandeur ne l'empêche pendant un temps assez long de se rendre dans cet État membre. Dans un tel cas, l'Etat membre responsable est celui dans lequel le demandeur se trouve. Cet Etat membre n'est pas soumis à l'obligation de faire venir l'enfant, le frère ou la soeur, ou le père ou la mère sur son territoire ".
9. La fille des requérants était âgée d'un mois à la date des décisions contestées et a vocation à accompagner ses parents. Ces derniers ne peuvent donc utilement se prévaloir des dispositions précitées de l'article 16 du règlement (UE) n° 604/2013 pour contester les décisions de transfert qui les visent.
Sur les décisions d'assignation à résidence :
10. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3 ci-dessus, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions en litige doit être écarté.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.-L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) / 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (...) / Les huit derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois pour les cas relevant des 1° et 2° à 7° du présent I, ou trois fois pour les cas relevant du 1° bis (...) ".
12. Il ne résulte pas des dispositions précitées ni d'aucun principe qu'une assignation à résidence prise sur le fondement d'une décision de transfert doit être précédée d'une mise en demeure préalable d'exécuter la mesure de transfert.
13. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que les assignations à résidence prises à l'encontre des requérants, eu égard notamment à l'interdiction de sortir du département de l'Aube sans autorisation du préfet et aux modalités de présentation chaque semaine les lundis, mardis et mercredis à 14h00 à la brigade de gendarmerie de Barberey-Saint-Sulpice porteraient dans les circonstances de l'espèce et compte tenu notamment de l'âge de leur enfant une atteinte disproportionnée à leur droit à une vie privée et familiale normale.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. E...et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du 6 décembre 2018 du préfet de l'Aube décidant leur transfert vers l'Italie et les assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. E...et de Mme C...sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...E..., à Mme D...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.
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Nos 19NC00049 - 19NC00050 -19NC00051 - 19NC00054