Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2017, la société Berest, représentée par Me Corrèze, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 2 novembre 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. E...A...devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
3°) à titre subsidiaire, de réduire les indemnités à un montant maximal de 6 238 euros ;
4°) de condamner la société Barassi 57 à la garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre ;
5°) de mettre à la charge de M. E...A...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le demandeur n'établit pas le lien de causalité entre les dommages allégués et les travaux exécutés sous la maîtrise d'ouvrage de la commune ;
- le demandeur doit être regardé comme responsable de son préjudice et notamment du départ de ses locataires ;
- le préjudice matériel est surévalué au regard de la vétusté avérée de sa maison, la dernière réhabilitation des murs datant de sept ans ;
- le demandeur est également responsable du préjudice immatériel puisqu'il a largement tardé à entreprendre les travaux permettant au bien d'être mis en location ;
- ce préjudice immatériel doit être ramené à 6 238 euros correspondant à la période d'inoccupation de mars 2013 au 1er décembre 2013 ;
- aucun manquement ne peut être reproché à la maîtrise d'oeuvre alors que l'expert a conclu à un aléa de chantier imputable à l'entreprise.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2018, la commune de Luppy, représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 2 novembre 2017 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) de rejeter la demande de M.A... ;
3°) à titre subsidiaire, d'évaluer le montant du préjudice aux stricts travaux nécessaires ;
4°) de condamner la société Barassi 57 et la société Berest à la garantir des condamnations prononcées à son encontre ;
5°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité de la commune n'est pas établie à l'égard de M.A... ;
- le tribunal administratif ne pouvait écarter l'existence d'une faute exonératoire de la victime ;
- le montant du préjudice de M. A...ne peut être chiffré à la somme de 9 238,80 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2018, M. E...A..., représenté par Paveau, conclut au rejet de la requête et demande à la cour :
1°) de condamner solidairement la commune de Luppy, la société Berest et la SARL Barassi 57 à lui verser la somme 16 170,08 euros ;
2°) de mettre les frais d'expertise solidairement à la charge de la commune de Luppy, de la SAS Berest et de la SARL Barassi 57 ;
3°) de mettre solidairement à la charge de la commune de Luppy, de la SAS Berest et de la SARL Barassi 57 une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la responsabilité de la commune est engagée en sa qualité de maître d'ouvrage des travaux à l'origine des infiltrations d'eau affectant son immeuble ;
- en matière de dommages de travaux publics, les constructeurs et maître d'oeuvre sont tenus solidairement avec la maître d'ouvrage des conséquences dommageables des travaux réalisés ;
- le montant des préjudices est justifié.
Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la cour était susceptible d'être fondé sur les moyens relevés d'office, tirés de l'irrecevabilité des conclusions d'appel en garantie dirigées par la commune de Luppy contre la société Barassi 57 et la société Berest ainsi que des conclusions d'appel en garantie dirigées par la société Berest contre la société Barassi 57, ces conclusions étant nouvelles en appel.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Wallerich, président assesseur,
- les conclusions de M. Louis, rapporteur public,
- et les observations de Me C...substituant Me Correze, avocat de la société Bureau d'études Reunies de l'Est et les observations de Me Picard, avocat de la commune de Luppy.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., propriétaire d'une maison dans la commune de Luppy, a constaté un important phénomène d'infiltration d'eau dans cet immeuble au moment où, au cours de travaux réalisés à proximité par la société Barassi 57 pour le compte de la commune, dans le cadre d'une opération de rénovation du système d'assainissement communal menée sous la maitrise d'oeuvre de la société Bureau d'Etudes Réunis de l'Est (Berest), s'était produite une rupture de canalisation accidentelle survenue le 23 novembre 2012. M.D..., expert désigné par une ordonnance de référé du 14 février 2014, a déposé son rapport le 8 janvier 2015. Par un jugement du 2 novembre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a, sur la demande de M.A..., condamné solidairement la commune de Luppy, la société Berest et la société Barassi 57 à lui verser la somme de 9 238,80 euros et mis à leur charge les frais d'expertise. La société Berest relève appel de ce jugement contre lequel la commune de Luppy forme également un appel provoqué.
Sur la responsabilité :
2. Même en l'absence de faute, le maître d'ouvrage ainsi que, le cas échéant, les constructeurs chargés des travaux sont responsables solidairement à l'égard des tiers des dommages causés à ceux-ci par l'exécution d'un travail public. Ces personnes ne peuvent dégager leur responsabilité que si elles établissent que ces dommages sont imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime, sans que puisse être utilement invoqué le fait d'un tiers. Il appartient au tiers, victime d'un dommage de travaux publics, de rapporter la preuve du lien de cause à effet entre, d'une part, les travaux publics et, d'autre part, le préjudice dont il se plaint.
3. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise déposé le 8 janvier 2015, que si, comme le fait valoir la société appelante, la maison de M. A...était déjà, avant les travaux litigieux, affectée de désordres liés à une humidité importante due à des remontées capillaires de la nappe phréatique, cette situation s'est sérieusement dégradée à compter de la fin de l'année 2012, à la suite de la rupture de la canalisation survenue le 23 novembre 2012 suivie de son obstruction et qu'en raison de l'insalubrité de l'immeuble les locataires, qui occupaient les lieux depuis le 1er décembre 2004, ont été amenés à résilier leur bail dès le 15 janvier 2013. Il suit de là que tant la réalité du préjudice matériel et du préjudice financier consécutifs à l'aggravation de l'humidité de la maison à partir de la fin de l'année 2012, que leur lien avec la réalisation des travaux publics d'assainissement doivent être regardés comme étant établis.
4. En second lieu, il résulte toutefois de l'instruction et notamment du rapport d'expertise, que l'immeuble de M. A...était une ancienne grange dont la transformation en local d'habitation aurait dû nécessairement prendre en compte sa situation particulière au regard d'une nappe phréatique peu éloignée des fondations et de la proximité d'un cours d'eau et bénéficier, en conséquence, de travaux d'étanchéité et d'entretien adaptés à cette configuration. Si l'aggravation du phénomène d'infiltration auquel cet immeuble était soumis, laquelle est seule à l'origine du préjudice financier résultant des pertes de loyers subies par M.A..., est directement liée à l'aléa de chantier survenu fin 2012, le préjudice matériel consécutif à l'état de l'immeuble doit être regardé comme trouvant également son origine dans un défaut d'entretien et dans l'insuffisance de travaux d'étanchéité imputables à M.A..., dans une proportion qui ne saurait être inférieure à deux tiers de son montant total. Il en résulte que la société Berest, ainsi que la commune de Luppy, par la voie de l'appel provoqué, sont fondées à soutenir que s'agissant de ce préjudice matériel, leur responsabilité ne peut, en tant que maître d'ouvrage et maître d'oeuvre des travaux, être recherchée que dans la limite d'un tiers de son montant.
En ce qui concerne les préjudices :
5. D'une part, M. A...a produit au cours de l'expertise une facture établie par l'entreprise de plâtrerie Marini et qui faisait état d'un montant de travaux de remise en état des lieux de 3 000 euros. Eu égard à ce qui a été dit au point 4 ci-dessus, et notamment à l'humidité importante dont étaient affectées les cloisons dès le début du bail ainsi qu'en témoignent les locataires et aux négligences du propriétaire, il y a lieu de ramener à la somme de 1 000 euros le montant du préjudice matériel résultant directement de l'aléa de chantier et dont M. A...peut demander réparation au maître d'ouvrage et au maître d'oeuvre.
6. D'autre part, il résulte de l'instruction qu'après y avoir habité pendant plus de huit années, les locataires de M. A...ont quitté les lieux en mars 2013 en raison de leur insalubrité qui est directement consécutive au sinistre survenu le 23 novembre 2012. Selon les constatations de l'expert, la fille de M. A...a pris possession de la maison à compter du 1er décembre 2013. Dans ces conditions, et eu égard au montant du loyer qui s'élevait à 693,20 euros, le préjudice financier subi par M. A...doit, comme l'ont décidé les premiers juges, être estimé à la somme de 6 238,80 euros correspondant à neuf mois de vacance des lieux.
7. Il résulte de ce qui précède que la commune de Luppy et la société Berest sont seulement fondées à demander que le montant de l'indemnité au versement de laquelle elles ont été condamnées soit ramené de 9 238,80 euros à 7 238,80 euros. Pour les mêmes motifs, M. A...n'est pas fondé, par la voie de l'appel incident, à demander que le montant des condamnations prononcées à son profit soit porté à 16 170,08 euros.
Sur les conclusions d'appel en garantie présentées par la société Berest :
8. Il ressort des pièces du dossier de première instance que si l'unique mémoire présenté par la société Berest devant le tribunal administratif contenait des conclusions d'appel en garantie, il n'a été enregistré que le 6 octobre 2017, soit postérieurement à la clôture d'instruction fixée au 17 août 2017. Dans ces conditions, et alors que la régularité du jugement attaqué n'est pas contestée sur ce point, les conclusions d'appel en garantie dirigées contre la société Barassi 57 doivent être regardées comme nouvelles en appel et par suite irrecevables.
Sur les conclusions d'appel en garantie présentées par la commune de Luppy :
9. Les conclusions d'appel en garantie présentées par la commune de Luppy dirigées contre la société Berest et la société Barassi 57 sont nouvelles en appel et par suite irrecevables.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Les frais de l'expertise, taxés et liquidés par une ordonnance du président du tribunal administratif de Strasbourg, s'élèvent à la somme de 3 515,04 euros, qui a été mise à la charge solidaire de la commune de Luppy, de la société Berest et de la société Barassi 57. La société appelante étant pour l'essentiel la partie perdante, il n'y a pas lieu de faire droit à ses conclusions tendant à ce que le jugement attaqué soit réformé sur ce point.
11. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La somme de 9 238,80 euros que la commune de Luppy et la société Berest ont été condamnées solidairement à verser à M. A...par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 2 novembre 2017 est ramenée à 7 238,80 euros.
Article 2 : Le jugement du 2 novembre 2017 du tribunal administratif de Strasbourg est réformé en ce qu'il a de contraire avec le présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bureau d'Etudes Réunis de l'Est, à M. E... A..., à la commune de Luppy et à la société Barassi 57.
2
N° 17NC03095