Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 mai 2017, le ministre de la transition écologique et solidaire, qui s'est approprié les conclusions d'appel du préfet du Haut-Rhin par un mémoire du 12 juillet 2017, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 29 mars 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la commune de Colmar devant le tribunal administratif de Strasbourg.
Elle soutient que l'arrêté du 26 novembre 2014 décidant la suppression du passage à niveau public pour piétons n° 3 a été légalement pris compte tenu de sa dangerosité et qu'il ne remet pas en cause les modes et l'organisation des déplacements dans le quartier.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 décembre 2017, la commune de Colmar, représentée par la SELARL Parme Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que le moyen soulevé par le requérant n'est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'arrêté ministériel du 18 mars 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Michel, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,
- et les observations de Me A...pour la commune de Colmar.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet du Haut-Rhin, a été saisi, le 24 juillet 2013, d'une demande de la SNCF tendant à la suppression du passage à niveau public pour piétons n°3 de la commune de Colmar, et a prescrit, par un arrêté du 19 septembre 2013, l'organisation d'une enquête publique sur ce projet. Le commissaire-enquêteur a remis son rapport le 31 octobre 2013 au terme duquel il a émis un avis favorable à cette suppression, avec une réserve et une recommandation concernant les modalités de mise en oeuvre de la fermeture du passage. Bien que le conseil municipal de Colmar, par une délibération du 9 décembre 2013, ait émis, quant à lui, un avis défavorable au projet de suppression. le préfet du Haut-Rhin a, par un arrêté du 26 novembre 2014, décidé la suppression du passage à niveau public pour piétons n° 3 et, le 20 février 2015, il a rejeté le recours gracieux formé par la commune de Colmar. Par un jugement du 29 mars 2017, dont le ministre de la transition écologique et solidaire relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les décisions précitées des 26 novembre 2014 et 20 février 2015.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 18 mars 1991 relatif au classement, à la réglementation et à l'équipement des passages à niveau, dans sa rédaction alors applicable : " (...) / Toute création ou suppression de passage à niveau, ainsi que tout changement ou mise en place d'équipements, tels que définis aux articles 9 à 22 du présent arrêté, pour un passage à niveau existant, sont autorisées par un arrêté préfectoral. / L'exploitant du chemin de fer informe de ses intentions l'autorité ou le service gestionnaire de la voie routière concernée, puis adresse sa demande au préfet. Il joint à cette demande un dossier comportant tous les renseignements nécessaires. / Afin d'instruire cette demande, le préfet fait procéder aux consultations et, dans le cas d'une suppression, à une enquête publique. Il prend, dans un délai n'excédant pas trois mois à dater de la réception de la demande de l'exploitant, l'arrêté correspondant. / S'il n'est pas d'avis d'agréer la demande, il en avise l'exploitant et en réfère, au ministre chargé des transports. Celui-ci fait connaître au préfet sa décision. Si celle-ci implique l'intervention d'un arrêté préfectoral, le préfet prend un arrêté conforme à ladite décision ".
3. Il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport du commissaire-enquêteur du 31 octobre 2013 que le passage à niveau public pour piétons n° 3 est situé sur une ligne ferroviaire où circulent, chaque jour, environ quarante trains dont la vitesse peut atteindre 70 km/h et dont la distance d'arrêt d'urgence est alors d'environ 150 mètres. Or, dans la direction de Metzeral, la voie ferrée présente une courbe qui limite la visibilité du passage à niveau à 80 mètres environ, ce qui constitue une configuration dangereuse pour les utilisateurs du passage. Ce dernier est, de plus, journellement emprunté par le public, selon une fréquence moyenne de 4 à 8 passages tous les quarts d'heure, en raison notamment de la proximité d'un centre médical chirurgical, d'un centre pour personnes âgées, d'un centre départemental de repos et de soins et d'une école maternelle. Les observations du commissaire-enquêteur, quant aux habitudes d'utilisation de ce passage, l'ont conduit à relever que la prudence du public utilisateur est " très variable " alors même que, compte tenu de la catégorie à laquelle il appartient, les dispositions de l'article 22 de l'arrêté du 18 mars 1991 ne font peser sur l'exploitant aucune obligation particulière de surveillance par un agent du chemin de fer. De surcroît, même si, à la date du rapport du commissaire-enquêteur, aucun accident n'avait été recensé au cours des trente dernières années, il est constant qu'un cycliste est décédé au mois de novembre 2014 à la suite d'une collision avec un train sur ce passage à niveau. A cet égard, la circonstance que l'enquête judiciaire en cours n'ait pas établi que cet accident trouvait sa seule origine dans le passage à niveau n'est pas de nature à infirmer que, du fait de sa configuration et des conditions de son utilisation par le public, cet ouvrage présente un caractère dangereux.
4. Il est vrai que, comme le soutient la commune de Colmar, ce passage contribue du fait de la géographie des lieux à assurer utilement une liaison inter-quartiers. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que cette liaison peut également être assurée de manière convenable par deux autres passages à niveau publics, sécurisés par des barrières automatiques et situés respectivement à 330 mètres et 480 mètres du passage à niveau en litige, leur utilisation n'allongeant le parcours du public que d'environ 700 mètres.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Haut-Rhin n'a pas, en retenant ces motifs pour décider la suppression du passage à niveau public pour piétons n° 3, fait une inexacte application des dispositions de l'arrêté du 18 mars 1991. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 26 novembre 2014 ainsi que la décision de ce préfet du 20 février 2015 portant rejet du recours gracieux de la commune de Colmar.
6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la commune de Colmar devant le tribunal administratif.
Sur les autres moyens :
7. En premier lieu, il ne résulte pas des dispositions précitées de l'article 3 de l'arrêté du 18 mars 1991 ni d'aucune autre disposition applicable, que le préfet soit lié par l'avis rendu par le commissaire-enquêteur. Dans ces conditions, et bien que l'avis favorable du commissaire-enquêteur ait été assorti d'une réserve tenant à ce que la décision du préfet soit prise en concertation et avec l'accord de la commune de Colmar, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 26 novembre 2013 est intervenu, du fait de l'opposition de la commune, sans que cette réserve ait été levée, présente un caractère inopérant et doit être écarté.
8. En second lieu, si, à l'issue d'une réunion qui s'est tenue le 23 avril 2014 entre les représentants de la préfecture, ceux de la commune, Réseau Ferré de France et la SNCF, le préfet s'était engagé à surseoir à toute décision quant à la suppression du passage à niveau, un tel engagement n'était, en tout état de cause, pas de nature à limiter le pouvoir d'appréciation dont il dispose dans l'exercice des prérogatives de police spéciale qui lui sont reconnues par les dispositions précitées de l'arrêté du 18 mars 1991, alors d'ailleurs qu'il est constant que l'arrêté contesté est intervenu, plus de six mois après cette réunion, à la suite de la collision mortelle, sur ce passage à niveau, entre un cycliste et un train au mois de novembre 2014.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de la transition écologique et solidaire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 26 novembre 2014 par lequel le préfet du Haut-Rhin a décidé la suppression du passage à niveau public pour piétons n° 3, ainsi que la décision du 20 février 2015 portant rejet du recours gracieux de la commune de Colmar.
Sur les frais de l'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Colmar demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1501909 du 29 mars 2017 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la commune de Colmar devant le tribunal administratif de Strasbourg ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et solidaire et à la commune de Colmar.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
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N°17NC01296