Procédure devant la cour :
Par une enregistrée le 29 juillet 2017, Mme C..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 avril 2017 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du préfet de Meurthe-et-Moselle du 29 mars 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui permettre de déposer une demande d'asile en France en transmettant son dossier à la préfecture de la Moselle en vue de retirer le dossier d'asile et obtenir la délivrance, dans un délai de quinze jours, d'une attestation de demande d'asile ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet compétent de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours et de lui délivrer, pendant l'instruction de sa demande, une attestation de demande d'asile ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B...de la somme de 1 800 euros TTC en application des articles 75-I et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté portant transfert aux autorités polonaises est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'il a été pris en méconnaissance de l'article 29 du règlement EURODAC n° 603/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- il a été pris en méconnaissance du droit d'être entendu, principe général du droit de l'Union européenne et de la bonne administration, énoncé notamment au paragraphe 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- il est entaché d'une insuffisance de motivation ;
- le préfet n'a pas procédé à l'examen particulier de sa situation ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'il a été pris en méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'il a été pris en méconnaissance de l'article 5 du même règlement ;
- il est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation au regard du règlement dit Dublin III ;
- la décision d'assignation à résidence doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de transfert.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2018, le préfet de Meurthe-et-Moselle, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 juin 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n ° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Wallerich, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., ressortissante arménienne née le 4 janvier 1947, est entrée en France le 18 septembre 2016 en vue de solliciter la reconnaissance du statut de réfugiée. Le relevé de ses empreintes par le dispositif Eurodac a permis d'établir, grâce au fichier Visabio, qu'elle avait obtenu un visa de court séjour délivré par les autorités polonaises le 16 septembre 2016. Une demande de reprise en charge a été adressée le 21 octobre 2016 à ces dernières qui ont fait connaître leur accord de réadmission le 27 octobre 2016. Par un premier arrêté du 29 mars 2017, le préfet de Meurthe-et-Moselle a décidé le transfert auprès d'elles de MmeC.... Par un second arrêté pris le même jour, il a assigné l'intéressée à résidence pour une durée de quinze jours. Mme C...relève appel du jugement du 10 avril 2017 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
Sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction :
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté de transfert aux autorités polonaises du 29 mars 2017 :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle a, le 10 octobre 2016, remis à Mme C...plusieurs brochures rédigées en langue russe, langue que l'intéressée a déclaré comprendre, et intitulées : guide du demandeur d'asile, guide A " information générale sur la demande d'asile et le relevé d'empreintes " et guide B " information sur la procédure Dublin ". Ces documents constituent la brochure commune visée au paragraphe 3 de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et contiennent l'intégralité des informations prévues au paragraphe 1 de cet article. Ces brochures comportent également l'ensemble des informations, relatives au relevé des empreintes digitales, requises par les dispositions précitées de l'article 29 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de celles de l'article 29 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013 doivent être écartés.
3. En deuxième lieu, après avoir visé notamment le règlement n°604/2013 du 26 juin 2013 et les articles L. 742-3, L. 742-4 et L.742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision attaquée rappelle les conditions d'entrée sur le territoire de l'intéressée, puis mentionne que la consultation de la base de données Eurodac a révélé que ses empreintes étaient connues au fichier Visabio dès lors qu'elle s'était vu délivrer un visa par les autorités polonaises, que les autorités de ce pays ont accepté de la réadmettre sur leur territoire, que l'examen de sa situation ne justifiait pas de mettre en oeuvre les dérogations prévues aux articles 3-2 ou 17 du règlement du 26 juin 2013, que l'intéressée ne pouvait pas se prévaloir d'une vie privée et stable en France où elle se trouvait depuis quelques mois seulement, dépourvue de toute attache familiale et qu'elle n'établissait pas encourir de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités polonaises. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision en litige doit être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; / (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier, qu'invitée à présenter ses observations dans le cadre de la mise en oeuvre du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui implique que l'intéressée, destinataire des informations prévues à l'article 4 de ce règlement ainsi qu'il a été dit au point 2, a été informée qu'elle pouvait faire l'objet d'une décision de transfert, Mme C...a pu faire valoir les éléments de sa situation personnelle lors de l'entretien qui a eu lieu le 10 octobre 2016. Elle était alors assistée d'un interprète en langue russe. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier qu'elle a eu la possibilité de formuler ses observations une dizaine de minutes avant la notification de la décision contestée. Elle a ainsi pu faire valoir la présence en France de sa fille et de son gendre et la circonstance qu'elle est dépourvue d'attaches familiales en Arménie, en Pologne ou en Russie. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que cette décision est intervenue en violation de son droit d'être entendue, consacré par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) " .
7. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a bénéficié d'un entretien individuel le 10 octobre 2016, dont elle a signé le résumé et au cours duquel elle a pu faire valoir ses observations. La requérante n'apporte aucun commencement de preuve à l'appui de son allégation selon laquelle les conditions de confidentialité auraient été méconnues. Par suite, le moyen tiré de ce que l'intéressée n'a pas bénéficié d'un entretien individuel au sens de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 doit être écarté.
8. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen de la situation personnelle et familiale de l'intéressée. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation de la requérante ne peut qu'être écarté.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 relatif à la clause humanitaire : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ; 2. L'État membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit.".
10. D'une part, il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet ne s'est pas estimé en situation de compétence liée dès lors qu'il a expressément indiqué qu'il n'y avait pas lieu de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de procéder à l'examen de la demande de protection internationale de MmeC....
11. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée se serait prévalue de son état de santé avant que la décision attaquée ne soit prise ou qu'elle ne pourrait pas être soignée en Pologne pour son hypertension artérielle et son diabète de type II. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que Mme C...n'est entrée en France que trois ans après sa fille et son gendre et que ces derniers s'y trouvaient d'ailleurs en situation irrégulière à la date de la décision attaquée. Dans ces conditions, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées du règlement du 26 juin 2013 doivent être écartés.
12. Il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 mars 2017 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a transférée aux autorités polonaises.
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté portant assignation à résidence du 29 mars 2017 :
13. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation de la décision de transfert vers la Pologne ne peut qu'être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à MmeA... C... et au ministre de l'intérieur
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 17NC01942