Par une requête enregistrée le 14 septembre 2017, M. et MmeB..., représentés
par Me Bertin, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 12 juillet 2017 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du préfet du Doubs du 24 février 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de leur délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour dans le délai de huit jours et de réexaminer leur situation administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me Bertin, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.
Ils soutiennent que :
- les arrêtés méconnaissent les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que, comme le médecin de l'agence régionale de santé l'a reconnu, de même que les praticiens qui l'ont examinée, la pathologie de l'épouse nécessite un traitement dont la préfecture, qui supporte la charge de la preuve, n'établit pas qu'il serait accessible ou substituable dans son pays d'origine, en se bornant à se prévaloir d'éléments trop anciens, trop généraux et trop peu circonstanciés, d'ailleurs contredits par les éléments présentés ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et porte atteinte à leur droit au respect de leur vie privée et familiale, eu égard aux conséquences qu'aurait sur la santé de l'épouse un renvoi dans son pays d'origine, quand bien même des soins y seraient disponibles ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont en outre méconnues compte tenu de la durée de son séjour en France où le couple est parfaitement intégré ainsi que l'ensemble de sa famille qui comporte trois enfants scolarisés tous nés en France entre 2008 et 2016.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 décembre 2017, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 septembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C...a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et MmeB..., ressortissants kosovars, entrés une première fois en France le 15 avril 2007, ont fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 16 avril 2009 après le rejet de deux demandes d'asile. M. B...est revenu le 26 décembre 2009 et son épouse qui l'a rejoint le 2 mars 2011, a été provisoirement admise au séjour en qualité d'étrangère malade à compter du 28 décembre 2011. Les cartes de séjour temporaires qu'elle a ensuite obtenues à compter du 21 décembre 2012 ont été plusieurs fois renouvelées, de même que celle dont M. B... a bénéficié en qualité d'accompagnant. Toutefois, lorsque les deux époux ont sollicité, le 16 août 2016, le renouvellement, à leur échéance, de ces deux cartes de séjour, le préfet du Doubs a rejeté ces demandes par deux arrêtés du 24 février 2017 comportant également une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Ils ont demandé l'annulation de ces arrêtés devant le tribunal administratif de Besançon. M. et Mme B...relèvent appel du jugement du 12 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande.
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que les requérants sont présents en France depuis de nombreuses années. La cellule familiale composée des parents et de leurs trois enfants nés sur le territoire français respectivement les 19 novembre 2008, 22 janvier 2012 et 7 août 2016 est intégralement présente en France et justifie de ses efforts d'intégration. En particulier, M. B...maitrise la langue française, son épouse a suivi des cours de français et tous leurs enfants sont scolarisés. Les époux B...ont également travaillé tous les deux depuis 2013 dans différentes entreprises. Compte tenu en outre, de la durée du séjour régulier des requérants et de la fragilité de l'état de santé de MmeB..., les décisions leur refusant la délivrance d'un titre de séjour ont donc porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises, en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés du 24 février 2017 par lesquels le préfet du Doubs a refusé de renouveler leurs cartes de séjour temporaire et a assorti ces refus d'une obligation de quitter le territoire français dans les trente jours, en fixant le pays de destination. Ce jugement et ces arrêtés doivent donc être annulés.
5. Eu égard au motif d'annulation des arrêtés attaqués qui a été retenu ci-dessus, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance à M. et Mme B...d'un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale ". Par suite, et en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Doubs d'y procéder dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'est pas nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.
6. S'agissant des frais d'instance, M. et Mme B...ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle et par conséquent, leur avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Bertin, avocate de M. et de MmeB..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Bertin de la somme de 1 500 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1700895-1700896 du 12 juillet 2017 du tribunal administratif de Besançon et les arrêtés du 24 février 2017 du préfet du Doubs sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer à M. et Mme B...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Bertin, avocat de M. B..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Bertin renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...B..., M. A... B..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Doubs.
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N° 17NC02243