Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 janvier 2017, la SELARL du docteur SamirD..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de faire droit à ses demandes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration fiscale ne rapporte pas la preuve que les chèques déposés sur les comptes bancaires personnels de M. D...ont été établis dans le cadre de l'activité de la société et, par conséquent, du caractère non probant de sa comptabilité ;
- les rectifications au titre des exercices clos en 2006, 2007 et 2008 n'étant pas fondées, le rehaussement au titre de l'exercice 2009 lié à la remise en cause des déficits antérieurs reportables n'est pas justifié ;
- l'inscription de la participation détenue par M. D...au sein de l'établissement hospitalier Saint-Grégoire à l'actif de la société résulte d'une erreur de comptabilisation, dont atteste son comptable et qu'a reconnue la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires.
Par un mémoire, enregistré le 30 mai 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la requête est irrecevable en l'absence de capacité pour agir de M. A...D...dès lors que la liquidation judiciaire de la société a été décidée par le tribunal de grande instance de Rennes le 6 juillet 2015 ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, par courrier du 29 août 2018, de ce que la décision était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrégularité du jugement du tribunal administratif en tant qu'il a statué sur les conclusions relatives aux impositions dues au titre de l'exercice clos en 2009 en raison de la composition irrégulière de la formation du jugement.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Malingue,
- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) du docteur SamirD..., qui exploite un cabinet de chirurgie dentaire à Rennes et dont le tribunal de grande instance de Rennes a décidé de la liquidation judiciaire le 6 juillet 2015, a fait l'objet de deux vérifications de comptabilité portant, d'une part, sur les exercices clos en 2006, 2007 et 2008 et, d'autre part, sur l'exercice clos en 2009. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant de ce contrôle ont été mises en recouvrement les 29 avril 2011 et 28 juin 2013 pour des montants, en droits et pénalités, respectivement de 55 912 euros et 123 587 euros. Après le rejet de ses réclamations préalables, la SELARL du docteur Samir D...a sollicité, par deux requêtes, la décharge de ces impositions auprès du tribunal administratif de Rennes. Elle relève appel du jugement du 16 novembre 2016 par lequel ce tribunal, après les avoir jointes, a rejeté ses demandes.
Sur la régularité du jugement :
2. L'article R. 200-1 du livre des procédures fiscales prévoit que : " (...) Un membre du tribunal ou de la cour ne peut siéger dans le jugement d'un litige portant sur une imposition dont il a eu à apprécier la base comme président de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires (...). ". Le principe d'impartialité, applicable à toutes les juridictions, fait obstacle à ce que le magistrat ayant présidé la commission départementale des impôts fasse partie de la formation de jugement appelée à se prononcer sur la décharge de l'imposition, dès lors que celle-ci, lorsqu'elle émet un avis, se déclare incompétente ou qu'elle se prononce sur l'imposition contestée, prend nécessairement connaissance du litige.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B...a présidé la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du département d'Ille et Vilaine lors de la séance du 16 novembre 2012 au cours de laquelle le litige portant sur les résultats à comprendre dans les bases de l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'année 2009 a été examiné. Le principe d'impartialité faisait obstacle à ce qu'il participe à la formation de jugement du tribunal lorsque celui-ci a statué sur la demande dont la société l'avait saisi contre cette imposition. Par suite, dans cette mesure, le jugement attaqué est intervenu au terme d'une procédure irrégulière et doit être annulé.
4. Dans ces conditions, il y a lieu, pour la cour, de se prononcer par voie d'évocation sur les conclusions relatives aux impositions dues au titre de l'année 2009 et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions présentées tant devant le tribunal administratif que devant la cour.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne le caractère non probant de la comptabilité :
5. Il ressort des procès-verbaux des 13 octobre 2010 et 5 août 2011 que le vérificateur a estimé que la comptabilité de la SELARL du docteur SamirD..., établie à partir de ses relevés bancaires, était dépourvue de valeur probante compte tenu de la minoration de recettes résultant de l'encaissement de recettes professionnelles sur le compte personnel de M. D...ou de l'absence d'enregistrement en comptabilité de produits ayant fait l'objet de bordereaux de remise de chèques, s'élevant à 171 971 euros en 2007, 85 750 euros en 2008 et 90 151 euros en 2009, soit, respectivement, 35%, 21% et 12% des produits déclarés.
6. En premier lieu, il n'est pas contesté qu'au titre de l'exercice 2007, 128 chèques pour un montant de 13 801 euros correspondant à 11 bordereaux de remise de chèques, établis par le secrétariat de la SELARL du docteur SamirD..., n'ont pas été déposés sur les comptes de la société, de sorte que ces recettes n'ont pas été retenues pour la détermination du résultat.
7. En deuxième lieu, à partir d'un rapprochement effectué entre, d'une part, les factures d'achat de prothèses dentaires, qui avaient été précédées de consultations dont le paiement a été enregistré en comptabilité mais pour lesquelles la pose de prothèse n'a donné lieu à aucun enregistrement en comptabilité, et, d'autre part, les sommes encaissées sur les relevés de banque de M.D..., le vérificateur a estimé que de nombreuses opérations réalisées dans le cadre de la société n'ont pas fait l'objet d'une inscription en comptabilité et ont fait l'objet d'un paiement directement encaissé sur les comptes personnels de M.D.... Pour déterminer la liste de ces opérations, le vérificateur s'est notamment appuyé sur l'identité de nom entre les émetteurs de chèques et certains clients de la société, la présence de chèques complétés de manière informatique comme le propose la société à ses clients et la récurrence de dates ou de montants de nature à présumer que les sommes sont constitutives de produits professionnels. Si la société requérante soutient que de nombreux chèques ont été émis par des personnes qui ne sont pas clientes de la société, elle ne produit aucun justificatif de ces allégations et ne cite au demeurant de manière précise que trois noms sur une liste de plus de 150 personnes. Si elle fait valoir que ces sommes ne correspondent pas à des recettes professionnelles mais à des prêts qui ont été consentis à M.D..., les pièces produites, consistant en des reconnaissances de dette sans date certaine signées de M.D..., des copies des chèques ainsi que des attestations non circonstanciées, sont, en l'absence d'enregistrement, de précision sur les modalités de remboursement et de tout remboursement, insuffisantes pour établir la réalité de ces prêts.
8. Il résulte de ce qui a été dit aux deux points précédents du présent arrêt que l'administration fiscale apporte la preuve, compte tenu de l'importance des minorations de recettes résultant de l'absence d'enregistrement en comptabilité de certains produits et de l'encaissement de recettes professionnelles directement sur le compte personnel de M.D..., du caractère non probant de la comptabilité de la SELARL du docteur SamirD....
En ce qui concerne la remise en cause de l'imputation de déficits antérieurs sur le résultat de l'exercice 2009 :
9. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que, les rectifications au titre des exercices clos en 2006, 2007 et 2008 n'étant pas fondées, le rehaussement au titre de l'exercice 2009 lié à la remise en cause des déficits antérieurs reportables n'est pas justifié.
En ce qui concerne la cession de la participation détenue au sein de l'établissement hospitalier Saint-Grégoire :
10. Après avoir constaté que figurait dans la comptabilité de la SELARL du docteur Samir D...un compte 261100 " titres de participation CHP Saint Grégoire " d'un montant de 36 590 euros et que le compte personnel de M. D...avait été crédité le 8 décembre 2009 d'un virement de 36 600 euros correspondant à la cession de cette participation, le vérificateur a estimé que la société avait réalisé une plus-value de cession d'un montant de dix euros. Si la requérante soutient que M. D...a acquis ces titres à titre personnel et que l'écriture passée dans la comptabilité de la société procède d'une erreur, elle ne produit aucun document à l'appui de ses affirmations hormis une attestation du 12 novembre 2012 de l'expert comptable, qui ne permet pas d'infirmer le fait, révélé par l'écriture comptable, que, par une décision de gestion qui lui est opposable, ces titres ont été apportés à la SELARL du docteur Samir D...lors de la cession du fonds commercial du cabinet dentaire de M.D.... Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé que la société avait bénéficié d'une plus-value imposable.
11. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, la demande présentée devant le tribunal et le surplus des conclusions de la requête doivent être rejetés. Par voie de conséquence, les conclusions relatives aux frais liés au litige sont également rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 16 novembre 2016 est annulé en tant qu'il statue sur les impositions dues au titre de l'année 2009.
Article 2 : La demande portant sur les impositions dues au titre de l'année 2009 et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée du docteur Samir D...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- Mme Malingue, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 octobre 2018.
Le rapporteur,
F. Malingue
Le président,
F. Bataille
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°17NT00142
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