Par un jugement n° 1402458-1402570-1402575 du 16 novembre 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 janvier 2017, M. et MmeD..., représentés par MeC..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de faire droit à leurs demandes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'administration fiscale ne rapporte pas la preuve que les chèques déposés sur les comptes bancaires personnels de M. D...ont été établis dans le cadre de l'activité de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) du docteur Samir D...et, par conséquent, du caractère non probant de la comptabilité de cette société ; ces sommes, qui émanent de prêts qui lui ont été octroyés à titre personnel, ne peuvent être considérées comme des recettes de la société et donc des revenus distribués imposables entre les mains de M.D... ;
- l'inscription de la participation détenue par M. D...au sein de l'établissement hospitalier Saint-Grégoire à l'actif de la SELARL du docteur Samir D...résulte d'une erreur de comptabilisation ; dans la mesure où ces titres ont été acquis à titre personnel par M.D..., le produit de leur cession ne peut constituer un avantage occulte imposable entre ses mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;
- les sommes perçues de l'association société française de formation en implantologie, qui remplit toutes les critères requis pour être exonérée d'impôts commerciaux, correspondent à des rémunérations de prestations de formation et ne peuvent être constitutives d'une distribution de bénéfices imposée entre les mains de M. D...en tant que revenu distribué ;
- M. D...a bénéficié de prêts et justifie donc de la nature et de l'origine des sommes qui ont été imposées en tant que revenus d'origine indéterminée ;
- la somme de 23 500 euros déposée sur le compte bancaire correspond à la cession d'un véhicule au mois de mai 2009 dont le règlement a été effectué en espèces ;
- le dépôt du 22 janvier 2009 de la somme de 5 000 euros en espèces correspond à un débit du compte courant d'associé de M. D...au sein de la SELARL du docteur SamirD....
Par un mémoire, enregistré le 29 mai 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu partiel à statuer à hauteur du dégrèvement prononcé et au rejet du surplus de la requête.
Il fait valoir que :
- un dégrèvement de contributions sociales de 22 488 euros a été prononcé à la suite de la décision n° 2016-610 QPC du 10 février 2017 du Conseil constitutionnel ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés ;
- à titre subsidiaire, les sommes résultant de la vérification de comptabilité de l'association société française de formation en implantologie sont imposables sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts.
Les parties ont été informées, par courrier du 29 août 2018, de ce que la décision était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrégularité du jugement du tribunal administratif en tant qu'il a statué sur les conclusions relatives aux impositions dues du 22 mars 2017 au 31 décembre 2009 en raison de la composition irrégulière de la formation du jugement.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Malingue,
- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A...D...ont fait l'objet d'un examen de situation fiscale personnelle pour la période du 1er janvier au 22 mars 2007 tandis que M.D..., séparé de Mme D...à compter du 22 mars 2007, a fait l'objet de deux contrôles similaires pour les périodes du 23 mars 2007 au 31 décembre 2008 et pour l'année 2009. L'administration fiscale a tiré les conséquences de ces trois contrôles, ainsi que des deux vérifications de comptabilité dont a fait l'objet la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) du docteur Samir D...au sein de laquelle il exerçait la profession de chirurgien-dentiste et la société française de formation en implantologie au sein de laquelle il exerçait la fonction de trésorier par propositions de rectification des 25 mars 2011 et 11 janvier 2012. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales résultant de ces contrôles ont été mises en recouvrement, respectivement, les 30 juin et 30 septembre 2013 à hauteur de 130 euros et 4 788 euros s'agissant de la période du 1er janvier au 22 mars 2007, 122 552 euros et 44 640 euros s'agissant de la période du 22 mars 2007 au 31 décembre 2007, 91 123 euros et 42 444 euros s'agissant de l'année 2008 et 102 132 euros et 45 389 euros s'agissant de l'année 2009. Après le rejet de leurs réclamations préalables, M. et Mme D...ont sollicité, par trois requêtes, la décharge de ces impositions auprès du tribunal administratif de Rennes. Ils relèvent appel du jugement du 16 novembre 2016 par lequel ce tribunal, après les avoir jointes, a rejeté leurs demandes.
Sur l'étendue du litige :
2. Par décision du 4 avril 2017, postérieure à l'introduction de la requête, le ministre de l'action et des comptes publics a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, à concurrence de 22 488 euros, des contributions sociales auxquelles M. ou Mme D...ont été assujettis au titre des années 2007 à 2009. Les conclusions de la requête relatives à ces impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet.
Sur la régularité du jugement :
3. L'article R. 200-1 du livre des procédures fiscales prévoit que : " (...) Un membre du tribunal ou de la cour ne peut siéger dans le jugement d'un litige portant sur une imposition dont il a eu à apprécier la base comme président de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires (...). ". Le principe d'impartialité, applicable à toutes les juridictions, fait obstacle à ce que le magistrat ayant présidé la commission départementale des impôts fasse partie de la formation de jugement appelée à se prononcer sur la décharge de l'imposition, dès lors que celle-ci, lorsqu'elle émet un avis, qu'elle se déclare incompétente ou qu'elle se prononce sur l'imposition contestée, prend nécessairement connaissance du litige.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B...a présidé la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du département d'Ille et Vilaine lors des séances du 15 juin 2012 et 16 novembre 2012 au cours desquelles les litiges opposant M. D...à l'administration fiscale s'agissant des impositions dues pour la période du 22 mars 2007 au 31 décembre 2009 ont été examinés. Le principe d'impartialité faisait obstacle à ce qu'il participe à la formation de jugement du tribunal lorsque celui-ci a statué sur les demandes dont M. D...l'avait saisi contre les mêmes impositions. Par suite, dans cette mesure, le jugement attaqué est intervenu au terme d'une procédure irrégulière et doit être annulé.
5. Dans ces conditions, il y a lieu, pour la cour, de se prononcer par voie d'évocation sur les conclusions relatives aux impositions dues au titre de la période du 22 mars 2007 au 31 décembre 2009 et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions présentées tant devant le tribunal administratif que devant la cour.
Sur le surplus des conclusions :
En ce qui concerne les revenus distribués résultant de la vérification de comptabilité de la SELARL du docteur SamirD... :
6. Il ressort des procès-verbaux des 13 octobre 2010 et 5 août 2011 que le vérificateur a estimé que la comptabilité de la SELARL du docteur SamirD..., établie à partir de ses relevés bancaires, était dépourvue de valeur probante compte tenu de minoration de recettes, résultant de l'encaissement de recettes professionnelles sur le compte personnel de M. D...ou de l'absence d'enregistrement en comptabilité de produits ayant fait l'objet de bordereaux de remise de chèques, s'élevant à 171 971 euros en 2007, 85 750 euros en 2008 et 90 151 euros en 2009, soit, respectivement, 35%, 21% et 12% des produits déclarés.
7. En premier lieu, il n'est pas contesté qu'au titre de l'exercice 2007, 128 chèques pour un montant de 13 801 euros correspondant à 11 bordereaux de remise de chèques, établis par le secrétariat de la SELARL du docteur SamirD..., n'ont pas déposés sur les comptes de la société, de sorte que ces recettes n'ont pas été retenues pour la détermination du résultat, et que ces sommes ont été encaissées sur les comptes personnels de M.D....
8. En deuxième lieu, à partir d'un rapprochement effectué entre les factures d'achats de prothèses dentaires, qui avaient été précédées de consultations dont le paiement a été enregistré en comptabilité mais pour lesquelles la pose de prothèse n'a donné lieu à aucun enregistrement en comptabilité, et les sommes encaissées sur les relevés de banque de M.D..., le vérificateur a estimé que de nombreuses opérations réalisées dans le cadre de la société n'ont pas fait l'objet d'une inscription en comptabilité et ont fait l'objet d'un paiement directement encaissé sur les comptes personnels de M.D.... Pour déterminer la liste de ces opérations, le vérificateur s'est notamment appuyé sur l'identité de nom entre les émetteurs de chèques et certains clients de la société, la présence de chèques complétés de manière informatique comme le propose la société à ses clients et la récurrence de dates ou de montants de nature à présumer que les sommes sont constitutives de produits professionnels. Si les requérants soutiennent que de nombreux chèques ont été émis par des personnes qui ne sont pas clientes de la société, ils ne produisent aucun justificatif de ces allégations et ne citent au demeurant de manière précise que trois noms sur une liste de plus de 150 personnes. S'ils font valoir que ces sommes ne correspondent pas à des recettes professionnelles mais à des prêts qui ont été consentis à M.D..., les pièces produites, consistant en des reconnaissances de dette sans date certaine signées de M.D..., des copies des chèques ainsi que des attestations non circonstanciées, sont, en l'absence d'enregistrement, de précision sur les modalités de remboursement et de tout remboursement, insuffisantes pour établir la réalité de ces prêts.
9. Il résulte de ce qui a été dit aux deux points précédents du présent arrêt que l'administration fiscale apporte la preuve, compte tenu de l'importance des minorations de recettes résultant de l'absence d'enregistrement en comptabilité de certains produits et de l'encaissement de recettes professionnelles directement sur le compte personnel de M.D..., du caractère non probant de la comptabilité de la SELARL du docteur Samir D...ainsi que l'appréhension par M. D...de sommes revêtant un caractère professionnel qui lui ont été distribuées. C'est donc à bon droit qu'elle a estimé que ces sommes étaient imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts qui prévoit que les rémunérations et avantages occultes sont considérés comme des revenus distribués.
En ce qui concerne l'avantage occulte lié à la cession de la participation détenue au sein de l'établissement hospitalier Saint-Grégoire :
10. Après avoir constaté que figurait dans la comptabilité de la SELARL du docteur Samir D...un compte 261100 " titres de participation CHP Saint Grégoire " d'un montant de 36 590 euros et que le compte personnel de M. D...avait été crédité le 8 décembre 2009 d'un virement de 36 600 euros correspondant à la cession de cette participation, le vérificateur a estimé que M. D...avait bénéficié d'un avantage occulte résultant de la vente d'un bien appartenant à une entité professionnelle dont le prix a été appréhendé directement sur un compte personnel. Si M. D...soutient qu'il a acquis ces titres à titre personnel et que l'écriture passée dans la comptabilité de la société procède d'une erreur, il ne produit aucun document à l'appui de ses affirmations hormis une attestation du 12 novembre 2012 de l'expert comptable, qui ne permet pas d'infirmer le fait, révélé par l'écriture comptable, que, par une décision de gestion qui lui est opposable, ces titres ont été apportés à la SELARL du docteur Samir D...lors de la cession du fonds commercial du cabinet dentaire de M.D.... Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé qu'il avait bénéficié d'un avantage occulte et l'a imposé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts.
En ce qui concerne les revenus distribués résultant de la vérification de comptabilité de l'association société française de formation en implantologie :
11. D'une part, en vertu du 1 bis de l'article 206 du code général des impôts, l'absence de gestion désintéressée d'une association fait obstacle à son exclusion du champ de l'impôt sur les sociétés.
12. M.D..., qui était trésorier de l'association société française de formation en implantologie, ne conteste pas avoir appréhendé la totalité des recettes de cette association durant les années 2007 à 2009. Or cette seule circonstance suffit à établir que la gestion de l'association société française de formation en implantologie n'était pas désintéressée. Par conséquent, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que cette association remplissait tous les critères requis pour être exonérée d'impôts commerciaux.
13. D'autre part, le vérificateur a imposé, en tant que revenus distribués sur le fondement des articles 109 et 111 c du code général des impôts, entre les mains de M. D...les sommes provenant de l'association société française de formation en implantologie qui ont été virées sur ses comptes personnels. Lors du contrôle, M. D...avait indiqué que ces sommes, enregistrées dans la comptabilité de l'association en rémunérations de personnel, constituaient des sommes prélevées sur son compte courant dans l'association, ce qui a justifié la remise en cause du caractère déductible de ces charges dans le cadre de la vérification de comptabilité de l'association et leur imposition entre les mains de M. D...en tant que revenus distribués. Si les requérants soutiennent désormais que ces sommes correspondent à des rémunérations de prestations de formation effectuées par M.D..., ils n'apportent aucun élément à l'appui de ces allégations. Dans ces conditions, l'administration apporte la preuve que les sommes en cause constituaient des distributions de l'association au profit de M.D....
En ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée :
14. En premier lieu, si les requérants font valoir qu'une partie des sommes imposées en revenus d'origine indéterminée correspond à des prêts qui ont été consentis à M.D..., les pièces produites, consistant en des reconnaissances de dette sans date certaine, des copies des chèques ainsi que des attestations non circonstanciées, sont, en l'absence d'enregistrement, de précision sur les modalités de remboursement et de tout remboursement, insuffisantes pour établir la réalité de ces prêts alors que la charge de la preuve de la nature de ces revenus leur incombe.
15. En deuxième lieu, M. D...ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l'origine des trois versements d'espèces de 10 000 euros, 4 500 euros et 9 000 euros qui ont été effectués les 2 juin, 26 août et 5 octobre 2009 sur un de ses comptes bancaires en se prévalant de la cession en mai 2009 d'un véhicule dont le règlement a été effectué en espèces en l'absence de cohérence entre le prix de cession de 29 000 euros de ce véhicule et le total de 23 500 euros des dépôts effectués et de justification sur le caractère échelonné de ces dépôts.
16. En troisième lieu, M. D...n'apporte aucun élément à l'appui de ses affirmations aux termes desquelles la remise en espèces de 5 000 euros du 22 janvier 2009 correspond à un prélèvement sur le compte courant d'associé qu'il détient au sein de la SELARL du docteur SamirD....
17. Il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée devant le tribunal au titre des impositions dues pour la période du 22 mars 2007 au 31 décembre 2009 et le surplus des conclusions de la requête doivent être rejetés.
Sur les conclusions relatives aux frais liés au litige :
18. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. et Mme D...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme D...à concurrence du dégrèvement, en droits et pénalités, de contributions sociales de 22 488 euros prononcé au titre des années 2007 à 2009.
Article 2 : Le jugement du 16 novembre 2016 est annulé en tant qu'il statue sur les impositions dues pour la période du 22 mars 2007 au 31 décembre 2009.
Article 3 : La demande présentée au titre des impositions dues pour la période du 22 mars 2007 au 31 décembre 2009 et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...D...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- Mme Malingue, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 octobre 2018.
Le rapporteur,
F. MalingueLe président,
F. Bataille
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°17NT00143
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