Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 février 2020, 21 février 2020 et 27 avril 2020, le préfet de la Vendée demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. E... D... devant le tribunal administratif de Nantes ;
3°) d'annuler la mise à la charge de l'Etat de la somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a considéré que la requête était dépourvue d'objet.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 mars 2020, M. E... D..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) à titre principal de rejeter la requête ;
2°) à titre subsidiaire d'annuler l'arrêté contesté et d'enjoindre au préfet de la Vendée de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 15 jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 600 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir que le moyen soulevé par le préfet de la Vendée n'est pas fondé et qu'il s'en rapporte pour le reste à ses écritures de première instance.
Par une décision du 15 juin 2020, M. E... D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. F... E... D..., ressortissant angolais né le 9 octobre 1989, est entré en France le 10 mai 2017 muni d'un visa de court séjour délivré par les autorités portugaises. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 26 février 2019, confirmée par un arrêt de la Cour nationale du droit d'asile du 22 juillet 2019. Par un arrêté du 14 août 2019, le préfet de la Vendée, en application du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a en conséquence fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré. M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cet arrêté. Par un jugement n° 1909759 du 31 janvier 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a prononcé un non-lieu à statuer. Le préfet de la Vendée relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ". L'article R. 511-1 de ce code prévoit que : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. "
3. Il ressort des pièces du dossier que, devant le tribunal administratif de Nantes, M. E... D... a fait état de problèmes de santé qui, selon lui, faisaient obstacle à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français en application du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En conséquence, le préfet de la Vendée a adressé à M. E... D... un courrier daté du 14 novembre 2019. Ce courrier précise d'ailleurs que M. E... D... a évoqué des problèmes de santé dans le cadre de son recours devant le tribunal administratif. Si, dans ce courrier, le préfet a, de manière impropre, invité M. E... D... à solliciter un titre de séjour pour raisons de santé et a joint un formulaire de titre de séjour, il ressort des termes de ce même courrier que le préfet de la Vendée a seulement souhaité mettre en oeuvre la procédure prévue à l'article R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette procédure vise à recueillir l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration afin de déterminer si l'état de santé de l'étranger s'oppose ou non à son éloignement. Le courrier du 14 novembre 2019 précise d'ailleurs que la demande sera examinée " comme entrant dans le champ de la protection contre l'éloignement ". L'avis du collège de médecins du 14 février 2020 a en outre été rendu au visa du 10° de l'article L. 511-4 et de l'article R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a estimé que le préfet de la Vendée devait être regardé comme ayant implicitement mais nécessairement abrogé son arrêté portant obligation de quitter le territoire français et en a déduit que la requête était dépourvue d'objet.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. E... D... devant le tribunal administratif de Nantes.
Sur la légalité de l'arrêté du 14 août 2019 :
En ce qui concerne les moyens dirigés contre l'arrêté du 14 août 2019 dans son ensemble :
5. En premier lieu, l'arrêté a été signé par M. Plaisant, secrétaire général de la préfecture de Vendée, qui disposait pour ce faire d'une délégation de signature en vertu d'un arrêté du 27 août 2018, régulièrement publié. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.
6. En second lieu, M. E... D... n'ayant pas formé de demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Vendée n'était pas tenu d'examiner d'office si l'intéressé remplissait les conditions pour se voir délivrer un titre sur ce fondement.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, aucune décision de refus de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ayant été édictée par le préfet de la Vendée, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de refus de titre de séjour.
8. En deuxième lieu, il ressort de la motivation même de la décision portant obligation de quitter le territoire français que la situation de M. E... D... a fait l'objet d'un examen particulier des circonstances le concernant.
9. En troisième lieu, si M. E... D... fait valoir qu'il a suivi des cours de français et d'instruction civique et qu'il a travaillé dans une bar-restaurant à la Roche-sur-Yon, ces éléments ne permettent pas d'établir que la mesure d'éloignement porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
10. En dernier lieu, si M. E... D... fait valoir qu'il souffre de problèmes psychiatriques graves, cette circonstance pourrait seulement faire obstacle à l'exécution de la mesure d'éloignement mais ne saurait constituer un moyen d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français. En tout état de cause, l'avis du collège de médecins du 14 février 2020 a conclu au fait que l'absence de traitement ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté. M. E... D... n'est pas davantage fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de son état de santé.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
11. En premier lieu, la décision, qui mentionne les éléments de droit et de fait relatifs à la situation de M. E... D..., est suffisamment motivée.
12. En deuxième lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.
13. En dernier lieu, M. E... D... n'apporte pas d'éléments suffisants pour remettre en cause l'appréciation portée par les instances chargées de l'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... D... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 14 août 2019. Ses conclusions aux fins d'injonction doivent par conséquent être rejetées ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, l'Etat n'étant pas la partie perdante.
15. Sur la demande d'annulation de la mise à la charge de l'Etat, en première instance, d'une somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Il résulte des dispositions de l'article L. 11 du code de justice administrative que les décisions des juridictions administratives sont exécutoires. Lorsque le juge d'appel infirme une condamnation prononcée en première instance, sa décision, dont l'expédition notifiée aux parties est revêtue de la formule exécutoire prévue à l'article R. 751-1 du code de justice administrative, permet par elle-même d'obtenir, au besoin d'office, le remboursement de sommes déjà versées en vertu de cette condamnation. Ainsi, l'annulation du jugement attaqué implique nécessairement la restitution de la somme mise à la charge de l'Etat en première instance.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1909759 du 31 janvier 2020 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande de M. E... D... devant le tribunal administratif de Nantes et les conclusions présentées en appel au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. F... E... D... et à Me A....
Copie sera adressée, pour information, au préfet de la Vendée.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 5 novembre 2020.
Le rapporteur,
H. B...Le président,
F. Bataille
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT00632