Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 janvier 2019 et 15 avril 2019, Mme C..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration devait lui être communiqué et devait être joint à l'arrêté contesté ;
- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour a été prise au terme d'une procédure irrégulière, faute que soit mentionné le nom du médecin auteur du rapport médical, et que soient établis la transmission du rapport médical au collège de médecins, la désignation régulière des médecins membres du collège et le fait que le médecin auteur du rapport médical n'ait pas siégé au sein du collège ; l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 23 mars 2018 n'est pas complet ; il n'est pas démontré que les médecins ont délibéré d'une manière collégiale ; le collège devait se prononcer sur la possibilité de bénéficier d'un accès effectif à un traitement approprié dans son pays d'origine ;
- la décision méconnaît les dispositions des 7° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 20 mars et 6 mai 2019, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 décembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Geffray,
- et les observations de MeB..., substituant MeA..., représentant MmeC....
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., ressortissante guinéenne née le 17 avril 1966, qui est entrée en France le 10 octobre 2015, sous couvert d'un visa d'entrée de court séjour et dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 30 novembre 2016, puis par un arrêt de la Cour nationale du droit d'asile du 6 septembre 2017, a sollicité auprès du préfet de la Loire-Atlantique la délivrance d'un titre de séjour pour raisons médicales. Par un arrêté du 13 juin 2018, le préfet a refusé de délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré. La légalité de l'arrêté a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 octobre 2018 dont Mme C...relève appel.
2. En premier lieu, en vertu du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est, sous réserve d'une menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit à " l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".
3. L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ".
4. L'article R. 313-23 du même code dispose que : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. A défaut de réponse dans le délai de quinze jours, ou si le demandeur ne se présente pas à la convocation qui lui a été fixée, ou s'il n'a pas présenté les documents justifiant de son identité le médecin de l'office établit son rapport au vu des éléments dont il dispose et y indique que le demandeur n'a pas répondu à sa convocation ou n'a pas justifié de son identité. Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. En cas de défaut de présentation de l'étranger lorsqu'il a été convoqué par le médecin de l'office ou de production des examens complémentaires demandés dans les conditions prévues au premier alinéa, il en informe également le préfet ; dans ce cas le récépissé de demande de première délivrance de carte de séjour prévu à l'article R. 311-4 n'est pas délivré. Lorsque l'étranger dépose une demande de renouvellement de titre de séjour, le récépissé est délivré dès la réception, par le service médical de l'office, du certificat médical mentionné au premier alinéa. / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) / Le collège peut demander au médecin qui suit habituellement le demandeur, au médecin praticien hospitalier ou au médecin qui a rédigé le rapport de lui communiquer, dans un délai de quinze jours, tout complément d'information. Le demandeur en est simultanément informé. Le collège de médecins peut entendre et, le cas échéant, examiner le demandeur et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. Il peut être assisté d'un interprète et d'un médecin. Lorsque l'étranger est mineur, il est accompagné de son représentant légal. / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase du premier alinéa. Lorsque le demandeur n'a pas présenté au médecin de l'office ou au collège les documents justifiant son identité, n'a pas produit les examens complémentaires qui lui ont été demandés ou n'a pas répondu à la convocation du médecin de l'office ou du collège qui lui a été adressée, l'avis le constate. / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ".
5. L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
6. Il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration devrait porter mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins de l'Office.
7. Si l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 indique que l'avis mentionne " les éléments de procédure ", cette mention renvoie, ainsi qu'il résulte du modèle d'avis figurant à l'annexe C de l'arrêté, rendu obligatoire par cet article 6, à l'indication que l'étranger a été, ou non, convoqué par le médecin ou par le collège, à celle que des examens complémentaires ont été, ou non, demandés et à celle que l'étranger a été conduit, ou non, à justifier de son identité.
8. Si l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 23 mars 2018 ne fait pas état d'une convocation de l'intéressée pour examen et d'une absence d'examens complémentaires au stade son élaboration, il n'est ni incomplet au regard des mentions obligatoires qui sont prévues à l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 ni irrégulier.
9. Il ressort des pièces versées au dossier par le préfet de la Loire-Atlantique, en particulier de l'indication du nom du médecin qui a établi le rapport médical donnée au préfet par bordereau par les services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que le rapport médical sur l'état de santé de Mme C...prévu à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été établi par un premier médecin et a été transmis le 12 février 2018 pour être soumis au collège de médecins. Ce collège, au sein duquel ont siégé trois autres médecins, qui avaient été désignés pour participer aux collèges de médecins de l'Office par décision du directeur général de l'Office en date du 1er février 2018, s'est réuni le 23 mars 2018 pour émettre l'avis qui a été transmis au préfet. Il s'ensuit que l'avis a été émis dans le respect des dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment dans le respect de la règle selon laquelle le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. Par suite, les moyens tirés de ce que cette décision aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière, faute que soient établis la transmission du rapport médical au collège de médecins et la date de cette transmission, la désignation régulière des médecins membres du collège et le fait que le médecin auteur du rapport médical n'ait pas siégé au sein du collège, doivent être écartés.
10. Il ressort des pièces du dossier que l'avis du 23 mars 2018 a été signé, comme le prévoit l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé, par les trois membres du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant. ". Cette mention fait foi jusqu'à preuve du contraire. Le requérant n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause le caractère collégial de cet avis.
11. Si Mme C...fait valoir que l'avis du collège de médecins du 23 mars 2018 ne lui a pas été communiqué, ni le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé, ni aucun autre texte, ne prévoit la communication à l'intéressée de cet avis, lequel a par ailleurs été versé au dossier par le préfet de la Loire-Atlantique en première instance.
12. Compte tenu de ce qui a été dit au point précédent du présent arrêt, le préfet de la Loire-Atlantique n'était pas tenu de joindre l'avis du collège de médecins à l'arrêté contesté.
13. En deuxième lieu, il ressort de l'avis émis le 23 mars 2018 que le collège de médecins a estimé que si l'état de santé de Mme C...nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, le collège n'était pas tenu de se prononcer sur la possibilité pour Mme C...de bénéficier d'un accès effectif à un traitement approprié dans son pays d'origine. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique aurait, en estimant que MmeC..., qui souffre de douleurs thoraciques et d'une cardiopathie modérée et qui se prévaut de certificats médicaux, ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, méconnu l'étendue de sa compétence et fait une inexacte application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
14. Enfin, il ressort des pièces du dossier que Mme C...est née en 1966 en Guinée où elle a vécu jusqu'à son entrée en France le 10 octobre 2015. Il n'est pas contesté que son époux et ses deux enfants mineurs ne résident pas en France. Dans ces conditions, eu égard au caractère récent de sa présence et des conditions de son séjour en France, le préfet de la Loire-Atlantique n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée.
15. Il résulte de tout que qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...C...et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme Malingue, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 juin 2019.
Le rapporteur,
J.-E. GeffrayLe président,
F. Bataille
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT00393