Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 février 2020, 25 septembre 2020 et
16 septembre 2021, la SCI de la Bagauderie, représentée par Me Bouquet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les propositions de rectification des 15 décembre 2015 et 16 mars 2016 ne sont pas suffisamment motivées ;
- elle entre dans le champ d'application du principe de l'assujettissement à la taxe du fait de la " mise à disposition de territoires " au profit de la société à responsabilité limitée (SARL) Bagaudenergie, par la " mise à disposition " de M. A... d'une maison de 280 m², et par la location du logement du salarié et de la location de toiture dans la mesure où ces locations constituent pour elle en tant que bailleur un moyen de poursuivre, sous d'autres formes, son exploitation agricole ; elle est en droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ses opérations imposables ;
- elle invoque l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes C-454/98 du 19 septembre 2000 pour contester le refus par le service de rembourser la taxe sur la valeur ajoutée indûment collectée ; cette reprise fait double emploi avec le refus d'admettre la taxe déductible ; tout risque de perte fiscale est éliminée en temps utile ;
- elle conteste l'application des amendes pour factures de complaisance.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 août 2020 et 4 août 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SCI de la Bagauderie ne sont pas fondés.
Un mémoire, enregistré le 22 septembre 2021, a été présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Geffray,
- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société civile immobilière (SCI) de la Bagauderie, qui est propriétaire de
173 hectares de terrains nus comprenant le " bois de La Bagauderie ", une maison de 280 m² cadastrée section AK n° 084 donnée en location à M. B... A..., une maison de 70 m² cadastrée section AK n° 0355 donnée en location à un salarié, et des locaux professionnels de 91 m² cadastrés section AK n° 102 et n° 353, composés notamment de hangars, donnés en location à la société à responsabilité limitée (SARL) Bagaudenergie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité concernant la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 à l'issue de laquelle l'administration a procédé à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et infligé des amendes prévues au 2 du I de l'article 1737 du code général des impôts en cas de délivrance de factures fictives ou fausses factures ne correspondant pas à une livraison ou à une prestation de services réelle. Sur réclamation de la SCI de la Bagauderie du 28 décembre 2017, le service a admis le 4 juin 2018 une diminution de la majoration appliquée aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Par un jugement du 17 décembre 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande de la SCI de la Bagauderie tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des amendes auxquels elle a été assujettie au titre des années 2012, 2013 et 2014.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Les propositions de rectification des 15 décembre 2015 et 16 mars 2016 mentionnent les impôts et amendes litigieux et les périodes d'imposition concernées, les articles du code général des impôts applicables ainsi que les éléments de fait concernant notamment les motifs des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Elles sont donc suffisamment motivées et ont mis la société requérante à même de formuler ses observations, les 27 janvier et 13 mai 2016, auxquelles l'administration a répondu les 14 mars et 27 mai 2016. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des propositions de rectification, en méconnaissance des dispositions des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales, doit être écarté.
Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
En ce qui concerne l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée :
3. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". En vertu des dispositions du 2° de l'article 261 D du même code, les locations de terrains non aménagés et de locaux nus sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée, sauf si ces locations constituent pour le bailleur un moyen de poursuivre, sous une autre forme, l'exploitation d'un actif commercial ou d'accroître ses débouchés ou lorsque le bailleur participe aux résultats de l'entreprise locataire.
4. La SCI de la Bagauderie, pour bénéficier de la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée, soutient qu'elle entre dans le champ d'application de l'assujettissement à la taxe du fait de la " mise à disposition de territoires " au profit de la SARL Bagaudenergie, par la " mise à disposition " de M. A... d'une maison de 280 m², et par la location du logement d'un salarié et de la location de toitures dans la mesure où ces locations constituent pour la SCI en tant que bailleur un moyen de poursuivre, sous une autre forme, son exploitation agricole.
5. La SCI de la Bagauderie produit une lettre du 25 janvier 2005 par laquelle elle a opté pour l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'ensemble de ses activités agricoles. Toutefois, aucune recette ne provient de l'exploitation agricole hormis une somme de 145 euros issue de la vente de bois en 2012. En outre, la SCI ne peut pas se prévaloir, d'une part, de la circonstance qu'elle aurait déclaré une précédente activité agricole et, d'autre part, de l'existence d'un plan de gestion du bois de La Bagauderie pour la période de 2007 à 2016. Au demeurant, il n'est pas établi que les bâtiments loués pour la pose de panneaux photovoltaïques aient été affectés à une activité agricole. Enfin, les loyers sont des revenus fonciers et non des revenus agricoles. Compte tenu de ces éléments, la SCI de La Bagauderie n'exerçait pas une activité agricole imposable de plein droit à la taxe sur la valeur ajoutée. Ainsi, la société requérante n'étant pas soumise à l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée, elle ne peut pas bénéficier de la déductibilité de cette taxe.
En ce qui concerne le risque de pertes fiscales :
6. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération / (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est (...) : / a) Celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs vendeurs, dans la mesure où ces derniers étaient légalement autorisés à la faire figurer sur lesdites factures (...) ". Aux termes de l'article 272 du même code : " (...) 2. La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies au 4 de l'article 283 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture ou le document en tenant lieu ". Aux termes de l'article 283 du même code : " (...) 4. Lorsque la facture ou le document ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée ".
7. Ainsi que l'a jugé la Cour de justice des Communautés européennes dans ses arrêts
C-342/87 du 13 décembre 1989, C-454/98 du 19 septembre 2000 et C-566/07 du 18 juin 2009, le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée implique qu'une taxe indûment facturée puisse être régularisée, dès lors que l'émetteur de la facture démontre sa bonne foi ou qu'il a, en temps utile, éliminé complètement le risque de perte de recettes fiscales. Dans un tel cas, la régularisation ne doit pas dépendre du pouvoir d'appréciation discrétionnaire de l'administration fiscale. Les Etats membres ont toutefois la faculté d'adopter des mesures afin d'assurer l'exacte perception de la taxe et d'éviter la fraude sans que ces mesures ne puissent aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre de tels objectifs. Les dispositions de l'article 283 du code général des impôts ne sont pas incompatibles avec ces exigences, dès lors qu'elles n'excluent pas la possibilité de régulariser une facture mentionnant une taxe y figurant à tort. Si la Cour de justice de l'Union européenne a jugé, dans son arrêt C-138/12 du 11 avril 2013, que le fournisseur d'une prestation exonérée doit pouvoir régulariser la taxe sur la valeur ajoutée sans condition de délai lorsque l'administration a définitivement refusé le droit de déduction au client, il n'en résulte pas que l'émetteur d'une facture fictive doit pouvoir obtenir le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur cette facture au seul motif que l'administration fiscale a remis en cause la déduction par le destinataire de cette dernière de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur la facture. Il lui appartient en effet, conformément à ce qu'a jugé la Cour dans son arrêt C-459/98, de régulariser la facture litigieuse en temps utile pour éliminer tout risque de perte de recettes fiscales.
8. Il n'est pas contesté que la SCI de la Bagauderie n'a produit aucune facture de régularisation pour les opérations litigieuses notamment celles relatives à la location des toitures.
Sur les amendes pour factures de complaisance :
9. Aux termes de l'article 1737 du code général des impôts : " I. - Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % du montant : (...) / 2. De la facture, le fait de délivrer une facture ne correspondant pas à une livraison ou à une prestation de service réelle ; (...) ".
10. L'administration, en se fondant sur l'absence de toute précision sur le nombre de journées de mise à disposition d'une parcelle permettant à la SARL Bagaudenergie d'exposer des panneaux photovoltaïques et de montrer la compatibilité d'une telle installation avec une activité agricole, sur la surface totale donnée en location et sur l'absence de mise en location d'autres immeubles, établit le caractère fictif de la location et donc des factures correspondant à 11 600 euros toutes taxes comprises (TTC) en 2012 et 2013 et 12 000 euros TTC en 2014.
De même, en ce qui concerne la facture du 15 décembre 2012 mentionnant une prestation
" 1er acompte organisation séminaire PV toitures 2012 " pour un montant de 6 000 euros hors taxes (HT) ou 7 176 euros TTC en 2012, et la facture du 31 décembre 2014 d'un montant de 7 000 euros HT ou 8 400 euros TTC, l'administration, en se fondant sur l'absence tout contrat de location des toitures ou sur celle de toutes nouvelles installations, établit également le caractère fictif de ces factures. Dès lors, c'est à bon droit qu'elle a appliqué l'amende prévue à l'article 1737 du code général des impôts.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI de la Bagauderie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés à l'instance doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SCI de la Bagauderie est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière de la Bagauderie et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 23 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 octobre 2021.
Le rapporteur,
J.E. GeffrayLe président,
F. Bataille
Le greffier,
A. Marchais
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT00546