Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 février et 29 septembre 2020, la SARL Bagaudenergie, représentée par Me Bouquet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la proposition de rectification du 3 juin 2016 ne comporte aucune motivation justifiant le rappel de taxe sur la valeur ajoutée en tant qu'il concerne le refus de la déduction de cette taxe d'un montant de 1 400 euros relatif à une prestation de services de " mise à disposition des toitures " par la société au titre de l'exercice clos en 2014 ;
- en ce qui concerne les rappels de taxe sur les véhicules des sociétés au titre de la période du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2015, il existe une discordance de chiffrage entre la proposition de rectification du 27 janvier 2016 et l'avis de mise en recouvrement du 15 décembre 2017 ; elle conteste son assujettissement à la taxe sur les véhicules de sociétés ;
- en ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, elle conteste la remise en cause des charges déductibles relatives à la mise à la disposition de terres par la société civile immobilière (SCI) de la Bagauderie, à la location de bureaux, à la " mise à disposition " de toitures, aux frais de déplacement et de mission ainsi que le refus de la déduction d'un apport en compte courant de 8 985,59 euros et la remise en cause des charges relatives aux intérêts d'emprunt ;
- en ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, c'est à tort que le service a estimé que les dépenses afférentes aux charges relatives à la mise à disposition de terres ou de territoires, à la location de bureaux et à la mise à disposition de toitures et aux frais de déplacement et de missions ne pouvaient pas ouvrir droit à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ;
- elle conteste la majoration pour manquement délibéré.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 août 2020 et 12 août 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Bagaudenergie ne sont pas fondés.
Un mémoire, enregistré le 20 septembre 2021, a été présenté pour la SARL Bagaudenergie.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Geffray,
- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Bagaudenergie, dont l'activité consiste à développer l'énergie solaire produite par des fermes voltaïques, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, étendue au
31 mars 2015 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, à l'issue de laquelle elle a été assujettie, en droits et pénalités, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2013 et 2014 et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 et de taxe sur les véhicules des sociétés au titre des périodes du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2012, du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2014 et du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2015. Par un jugement du tribunal administratif d'Orléans du 17 décembre 2019, la demande de la SARL Bagaudenergie tendant à la décharge de ces impositions a été rejetée. La SARL Bagaudenergie relève appel de ce jugement.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. La société requérante soutient que la proposition de rectification du 3 juin 2016 ne comporte aucune motivation justifiant le rappel de taxe sur la valeur ajoutée en tant qu'il concerne le refus de la déduction de cette taxe d'un montant de 1 400 euros relatif à une prestation de services de " mise à disposition des toitures " par la société au titre de l'exercice clos en 2014. Toutefois, la motivation de ce rappel est englobée dans celle concernant le loyer versé à la société civile immobilière (SCI) de la Bagauderie pour la location de l'ensemble immobilier en vertu d'un bail conclu le 1er octobre 2009, et résulte de l'annexe 1 à la proposition de rectification. Dès lors, celle-ci est suffisamment motivée au regard des dispositions des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales.
Sur le bien-fondé des cotisations supplémentaires et des rappels :
En ce qui concerne les rappels de taxe sur les véhicules des sociétés au titre de la période du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2015 :
3. Aux termes de l'article 1010 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Les sociétés sont soumises à une taxe annuelle à raison des véhicules de tourisme qu'elles utilisent en France, quel que soit l'Etat dans lequel ils sont immatriculés, ou qu'elles possèdent et qui sont immatriculés en France. Sont considérés comme véhicules de tourisme les voitures particulières au sens du 1 du C de l'annexe II à la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 septembre 2007, établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules, ainsi que les véhicules à usages multiples qui, tout en étant classés en catégorie N1 au sens de cette même annexe, sont destinés au transport de voyageurs et de leurs bagages ou de leurs biens (...) ". Aux termes de l'article 406 bis de l'annexe III à ce code, dans sa rédaction alors applicable : " (...) En ce qui concerne toutefois les véhicules loués, la taxe n'est due que si la durée de la location excède une période d'un mois civil ou de trente jours consécutifs. Elle est due au titre d'un seul trimestre si la durée de la location n'excède pas trois mois civils consécutifs ou quatre-vingt-dix jours consécutifs (...) ".
4. En premier lieu, la société soutient qu'il existe une discordance de chiffrage entre la proposition de rectification du 27 janvier 2016 et l'avis de mise en recouvrement du 15 décembre 2017. Toutefois, il est mentionné dans ces deux documents des montants de 5 666 euros
en droits, 46 euros en intérêts de retard et 566 euros en pénalités, soit un total de 6 227 euros. Dès lors, le moyen manque en fait.
5. En second lieu, la SARL Bagaudenergie ne conteste pas le fait qu'elle est propriétaire de deux véhicules, comme il est mentionné dans la proposition de rectification du 27 janvier 2016. En se bornant à produire un extrait comptable duquel il ressort qu'au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014, il n'existerait aucun frais de location, la société ne conteste pas sérieusement son assujettissement à la taxe sur les véhicules de sociétés pour cette période.
En ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :
6. La déduction des frais généraux mentionnés au 1° du 1 de l'article 39 du code général des impôts n'est admise que si ces frais constituent une charge effective, ont été exposés dans l'intérêt direct de l'entreprise et sont appuyés de justifications suffisantes.
S'agissant des charges relatives à la mise à la disposition de terres par la SCI de la Bagauderie :
7. Si la SARL Bagaudenergie a déduit les charges relatives à la prestation de mise à disposition de terres appartenant à la SCI de la Bagauderie pour y installer ses installations pour manifestations et pour la présentation d'implantation de panneaux photovoltaïques, elle ne produit aucun contrat de mise à disposition et ne conteste pas que le contrat de bail conclu le
1er octobre 2009 a pour objet l'organisation de journées de chasse sur les terres de la SCI et non pour permettre la vente d'installations photovoltaïques. Les récépissés de dépôt de plusieurs demandes de permis de construire en vue d'installer les installations photovoltaïques sur des parcelles ne sont pas suffisants pour établir la mise à disposition. Ainsi, les dépenses de mise à disposition du territoire ou de terres ne répondent pas aux besoins de la société requérante au sens du 1° du 1 de l'article 39 du code général des impôts.
S'agissant des charges relatives à la location de bureaux et à la mise à disposition de toitures :
8. La société requérante a déduit des loyers et de la taxe sur la valeur ajoutée y afférents pour la totalité de la surface du local détenu par la SCI de la Bagauderie. Toutefois, elle ne pouvait pas le faire dès lors que, d'une part, le bail commercial conclu le 1er octobre 2009 entre la société et la SCI de la Bagauderie pour un loyer annuel de 18 000 euros hors taxes, portant sur un " bâtiment à usage de bureau et de dépendance ainsi qu'un corps de bâtiment à usage d'habitation et de réception ", ne comporte aucune description précise des locaux loués et notamment des aménagements indispensables à son exploitation commerciale et que, d'autre part, elle n'a pas procédé à une division entre la partie professionnelle et la partie dédiée à l'habitation personnelle de son gérant. De surcroît, le 3 novembre 2015, le vérificateur a visité les locaux de la société requérante en présence de son gérant et relevé que ceux-ci étaient situés sur une parcelle sur laquelle ne porte pas le bail commercial. La circonstance qu'aucun rappel afférent aux charges de loyers n'ait été effectué au titre de l'exercice clos en 2012 n'est pas de nature, en l'absence de toute motivation, à établir que les loyers afférents aux exercices 2013 et 2014 pouvaient être déduits.
S'agissant des charges relatives aux frais de déplacement et de mission :
9. Le service a refusé la déduction du résultat imposable de la SARL Bagaudenergie d'un montant de frais de déplacement et de réception de 31 890 euros au titre de l'exercice clos en 2012, de 14 051,55 euros au titre de l'exercice 2013 et de 9 661,77 euros au titre de l'exercice 2014. La SARL Bagaudenergie soutient que ces frais ont été notamment occasionnés par des déplacements hebdomadaires de ses gérants à Paris pour la tenue de réunions destinées à mettre au point les projets de la SARL Solar Enviro Partner, dont elle est actionnaire, ainsi que des déplacements dans l'Aude et que les mentions manuscrites portées sur les justificatifs produits concernent des associés de la société Solar Enviro Partner.
10. La SARL Bagaudenergie a produit, sans référence à des dates de réunion de travail, des factures, des tickets de caisse, de parking ou de stationnement, des notes de restaurant ou de taxis, des billets de train, deux billets d'avion au profit de Mme A..., qui n'est ni associée ni salariée de la société, des pièces portant la mention " cadeaux ", des relevés de comptes ou de paiement ou des bons de commande, des achats de jouets, de vêtements, de fleurs, de vaisselle, de produits alimentaires et de vins. Ces pièces sont sans lien avec l'intérêt de l'entreprise.
Celle-ci n'établit pas une corrélation entre ces dépenses et le développement de projets au Maroc, dont il n'est pas sérieusement contesté qu'il a été au demeurant porté par une société autre que la requérante, ou d'une ferme photovoltaïque dans l'Aude. En outre, certaines factures sont libellées au nom de M. A... et un billet d'avion a été établi au nom de M. et Mme A... et non à celui de la société requérante. La circonstance qu'une ferme photovoltaïque a été vendue au cours de la période litigieuse n'est pas de nature à établir que la taxe non admise en déduction se rapporte aux démarches ayant permis la réalisation de cette vente et la circonstance que la société soit liée à d'autres sociétés est sans incidence sur le bien-fondé des déplacements. Les éléments produits sont insuffisants pour justifier que les dépenses relatives à des frais de déplacement et de missions déduits en charge par la SARL Bagaudenergie étaient nécessaires pour la gestion de l'entreprise.
S'agissant du refus de la déduction d'un apport en compte courant de 8 985,59 euros :
11. La société requérante reprend en appel, sans apporter d'éléments nouveaux en fait et en droit, le moyen invoqué en première instance et tiré de ce qu'elle justifie des apports effectués par M. A... au cours de l'exercice clos en 2011. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif, d'écarter ce moyen.
S'agissant du refus de la déduction des charges relatives aux intérêts d'emprunt :
12. La proposition de rectification du 3 juin 2016 mentionne que la SARL Bagaudenergie a déduit au cours de l'exercice 2014 la somme de 84 998,31 euros comptabilisée au compte 661 intérêts sur emprunts. Le service a accepté la déduction de cette somme à hauteur de
35 655 euros. Pour le surplus, le " tableau d'intérêts d'emprunts " correspond en réalité à des relevés d'opérations bancaires, ne constitue pas l'échéancier d'un prêt et ne peut être corrélé avec les relevés bancaires dont les mentions manuscrites démontrent au demeurant que la SARL Bagaudenergie a additionné les intérêts d'emprunt avec les intérêts de retard. Il suit de là que la société requérante n'apporte pas la preuve qui lui incombe que le montant de la charge déductible serait supérieur à celui admis par le service.
En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
13. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) / II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; b) Celle qui est due à l'importation ; c) Celle qui est acquittée par les redevables eux-mêmes lors de l'achat ou de la livraison à soi-même des biens ou des services (...) ". Le droit de la société requérante à la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée s'apprécie conformément au critère des besoins de son exploitation, tel qu'il résulte des dispositions, citées au point 2, de l'article 271 du code général des impôts.
14. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 7 à 10, les dépenses afférentes aux charges relatives à la mise à disposition de terres ou de territoires, à la location de bureaux et à la mise à disposition de toitures, aux frais de déplacement et de missions ne pouvaient pas ouvrir droit à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée.
Sur les pénalités :
15. L'administration fait valoir l'importance des montants de charges remis en cause, le caractère personnel de ces dépenses, non assorties de justificatifs, et le caractère répété des manquements. Ce faisant, elle apporte la preuve, qui lui incombe, de l'intention de la SARL Bagaudenergie d'éluder l'impôt. Par suite, c'est à bon droit qu'elle a appliqué aux suppléments d'impôt sur les sociétés et aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée la majoration de 40 % prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts en cas de manquement délibéré.
16. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Bagaudenergie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Bagaudenergie est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Bagaudenergie et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 23 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 octobre 2021.
Le rapporteur,
J.E. GeffrayLe président,
F. Bataille
Le greffier,
A. Marchais
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT00548