Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 octobre 2020, le préfet de la Loire-Atlantique demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
- c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a estimé qu'il avait méconnu les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif de Nantes ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 janvier 2021, M. F... D..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête et, à titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté du 3 septembre 2020 et d'ordonner la restitution de son passeport ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir que :
- le moyen invoqué par le préfet n'est pas fondé ;
- l'arrêté contesté a été pris par une autorité incompétente ;
- cet arrêté est entaché d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation.
Par une décision du 25 janvier 2021, M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
- et les observations de Me E..., représentant M. D....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 26 février 2020, le préfet de la Haute-Garonne a pris un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai à l'encontre de M. D..., ressortissant tunisien né le 27 août 1981. A la suite de son placement en garde à vue le 2 septembre 2020, le préfet a assigné à résidence M. D... pour une durée de quarante-cinq jours. M. D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision. Par un jugement n° 2008896 du 16 septembre 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a conclu au non-lieu à statuer sur les conclusions relatives à l'aide juridictionnelle provisoire (article 1er), annulé cet arrêté (article 2) et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 (article 3). Le préfet de la Loire-Atlantique relève appel des articles 2 et 3 de ce jugement.
Sur le moyen d'annulation retenu par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes :
2. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; ".
3. Les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées ci-dessus n'imposent pas à l'autorité administrative de solliciter un laissez-passer consulaire avant d'édicter une mesure d'assignation à résidence. Le délai de cette assignation est en effet destiné à permettre à l'autorité administrative d'organiser l'éloignement de l'étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Par suite, en dépit du fait que le préfet de la Loire-Atlantique n'avait, à la date de l'arrêté contesté, pas encore sollicité de laissez-passer consulaire, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de cet arrêté.
4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Loire-Atlantique est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté en se fondant sur la méconnaissance des dispositions du 5° de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que l'éloignement de l'étranger ne constituait pas une perspective suffisamment raisonnable.
5. Toutefois, il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. D... devant le tribunal administratif de Nantes et devant la cour.
En ce qui concerne les autres moyens invoqués par M. D... :
6. En premier lieu, l'arrêté contesté a été signé par Mme B..., adjoint au chef du bureau du contentieux et de l'éloignement, qui disposait pour ce faire d'une délégation de signature du 24 août 2020 régulièrement publiée au recueil des actes administratifs spécial n° 100 du 24 août 2020.
7. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
8. En troisième lieu, il ressort de la motivation même de l'arrêté contesté que la situation de M. D... a fait l'objet d'un examen particulier des circonstances le concernant.
9. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique se serait estimé en situation de compétence liée.
10. En dernier lieu, contrairement à ce que fait valoir M. D..., le préfet de la Loire-Atlantique n'avait pas à justifier d'un risque de fuite pour édicter l'arrêté d'assignation à résidence. Une mesure d'assignation à résidence n'est en effet, contrairement à un placement en rétention, destinée à prévenir un risque de fuite, mais à assurer l'exécution de la mesure d'éloignement dont l'intéressé fait l'objet. Par suite, le moyen tiré de ce que le risque de fuite n'est pas établi est inopérant et ne peut qu'être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Loire-Atlantique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 16 septembre 2020 et mis à sa charge la somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de M. D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement n° 2008896 du 16 septembre 2020 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes sont annulés.
Article 2 : Les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. D... devant le tribunal administratif de Nantes et celles présentées en appel au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. F... D... et à Me E....
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 27 mai 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Geffray, président,
- M. A..., premier conseiller,
- Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juin 2021.
Le rapporteur,
H. A...Le président,
J-E. Geffray
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT03278