Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 juillet 2018 et 17 avril 2019, la SCOP Bouyer Leroux, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) à titre subsidiaire, d'annuler la décision de la direction générale des finances publiques du 26 janvier 2016 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que l'administration a refusé un débat oral et contradictoire, que le vérificateur n'a sollicité aucun document relatif au contenu des prestations rendues par la SAS Ficeram au profit de la SAS Bouyer Leroux Structure, que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires aurait dû être saisie et que l'administration aurait dû recourir à la procédure d'abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;
- la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les frais relatifs à l'acquisition de la filiale de la SAS Ficeram est récupérable dès lors qu'une société holding exerce une activité économique en effectuant des prestations de service à ses filiales ; en effet, cette société, dirigée par un comité de direction, un directeur administratif et financier et un directeur des ressources humaines, a effectué des prestations de direction administrative, financière et comptable, de conseil en ressources humaines et assumé des missions spécifiques au profit de sa filiale, la SAS Bouyer Leroux Structure ; depuis sa création, elle a toujours eu l'intention d'exercer une activité économique dès lors qu'elle a pu s'immiscer dans la gestion de sa filiale, qui n'a pas disposé des compétences nécessaires, et que les prestations qu'elle a fournies à sa filiale génèrent un chiffre d'affaires dont la faiblesse alléguée est sans incidence sur le fait que sa prise de participation dans la filiale a été réalisée à des fins d'extension de son activité économique et n'est pas une condition prévue par les dispositions des articles 205 et 206 de l'annexe II au code général des impôts ; elle n'est pas une société holding patrimoniale mais économique dans la mesure où elle a pu réaliser une extension de son activité économique ;
- elle se prévaut, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des paragraphes 480 et 490 de l'instruction référencée BOI-TVA-DED-20-10-20 du 10 juin 2013 relatifs aux frais généraux.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 janvier et 29 mai 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SCOP Bouyer Leroux ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant la SCOP Bouyer Leroux.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Ficeram, qui, avant sa dissolution en 2017, appartenait au groupe Bouyer Leroux, lequel exerce notamment une activité de production et de vente de matériaux en terre cuite, a été créée le 13 décembre 2012 dans le but d'acquérir la société Parnasse 31, effectivement acquise le 30 septembre 2013. A cette date, elle est devenue une filiale de la SAS Ficeram sous la forme d'une société par actions simplifiée dénommée Bouyer Leroux Structure. La SAS Ficeram a obtenu le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée résultant de frais exposés lors de l'acquisition de la société Parnasse 31. Toutefois, à la suite de la vérification de comptabilité de la SAS Ficeram portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 janvier 2014, l'administration, par une proposition de rectification du 8 août 2014 établie selon la procédure contradictoire, a remis en cause des droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée et procédé aux rappels de cette taxe pour un montant de 209 085 euros au motif que la prise de participation de la SAS Ficeram dans la SAS Bouyer Leroux Structure n'avait pas été opérée dans une perspective de développement de son chiffre d'affaires. La réclamation de la SAS Ficeram du 29 octobre 2015 a été rejetée le 26 janvier 2016. Par un jugement du 11 mai 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de la société coopérative de production (SCOP) Bouyer Leroux, qui est la société mère du groupe Bouyer Leroux et qui est venue aux droits et obligations de la société Ficeram en cours d'instance, tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. La SCOP Bouyer Leroux relève appel de ce jugement.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée dans ses locaux, il appartient au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire de justifier que l'administration aurait refusé un tel débat.
3. La société requérante n'établit pas que, lors des deux interventions du vérificateur dans les locaux de la SAS Ficeram les 27 mars et 3 avril 2014, d'une réunion de synthèse le 22 juillet 2014, d'un entretien avec le supérieur hiérarchique du vérificateur et d'un autre avec l'interlocuteur interrégional, lequel a abouti au demeurant à l'abandon de la majoration pour manquement délibéré, cette société aurait été privée, au cours et à la suite de cette vérification, de la possibilité d'un débat oral et contradictoire avec l'administration. La circonstance que le vérificateur n'aurait sollicité aucun document relatif au contenu des prestations rendues par la SAS Ficeram au profit de la SAS Bouyer Leroux Structure est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition.
4. En deuxième lieu, en vertu des dispositions de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales, la compétence consultative de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires inclut, en ce qui concerne ces dernières taxes, les différends portant sur le montant des chiffres d'affaires réels, mais non ceux qui ont trait aux droits à déduction de taxe sur la valeur ajoutée. Dès lors, le litige portant sur les droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la commission ne pouvait pas être légalement saisie. Par suite, le moyen tiré du défaut de consultation de cette commission doit être écarté.
5. Enfin, la SCOP Bouyer Leroux soutient que la procédure d'imposition est irrégulière, faute pour l'administration d'avoir mis en oeuvre la procédure de répression des abus de droit prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales dès lors que le vérificateur a constaté que le groupe Bouyer Leroux a donné à la SAS Ficeram l'apparence d'une société holding mixte afin d'être en mesure de déduire la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, il résulte de l'instruction que le vérificateur s'est fondé, pour assujettir à la taxe sur la valeur ajoutée les prestations de conseil facturées par la SAS Ficeram à la SAS Bouyer Leroux Structure, sur les circonstances que la société Ficeram a fourni une prestation de services de nature administrative, juridique, financière, commerciale et technique d'un très faible montant de 5 496,82 euros toutes taxes comprises, au regard du montant global de ses titres de participation, qui s'élevait à la somme de 59 203 648 euros au 30 septembre 2013. La prestation a été réalisée par M. E..., directeur administratif et financier, et Mme C..., directrice des ressources humaines, qui n'ont été employés par la SAS Ficeram qu'à hauteur de 22 jours de travail par an, alors que sa filiale, la SAS Bouyer Leroux Structure, était en mesure de disposer de ses propres directeur administratif et financier et directeur des ressources humaines. Il en résulte que l'administration, qui a procédé aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée, n'avait pas à recourir à la procédure d'abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. Par suite, la SCOP Bouyer Leroux n'est pas fondée à invoquer l'absence de respect des garanties offertes par cette procédure.
Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
6. En premier lieu, la prise de participations financières dans d'autres entreprises ne constitue pas, en elle-même, une activité économique, il en va différemment lorsque cette prise de participations est réalisée dans une perspective de développement du chiffre d'affaires qui résulte de la fourniture de services administratifs, juridiques, financiers, commerciaux et techniques par la société holding à ses nouvelles filiales, la fourniture de ces services donnant lieu à des opérations caractérisant une activité économique et soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. La société holding est alors fondée à déduire l'intégralité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces dépenses, qui doivent être regardées comme faisant partie de ses frais généraux et entretiennent un lien direct et immédiat avec l'ensemble de son activité économique.
7. Si la société requérante soutient que la facturation de décembre 2013 correspond à diverses prestations de services réalisées ou démarrées au cours du dernier semestre 2013 et produit une liste de ces prestations, elle n'apporte aucun document justificatif à l'appui de ses allégations à l'exception d'une prestation. La matérialité et l'effectivité des autres prestations ne sont pas établies et détaillées par les tableaux produits au cours des opérations de contrôle
8. Pendant la période contrôlée du 1er janvier 2013 au 31 janvier 2014, la SAS Ficeram n'a réalisé, comme il a été dit au point 7, qu'une seule prestation de services, en décembre 2013, pour un montant de 5 496,82 euros toutes taxes comprises, qui a été rendue par son directeur administratif et financier et sa directrice des ressources humaines, qui sont des salariés à temps plein de la SCOP Bouyer Leroux, consécutivement à leur engagement à compter du 1er décembre 2013 par la SAS Ficeram pour un forfait annuel en jours travaillés à hauteur de 22 jours ouvrés sur l'année civile, en exécution d'une convention de prestations de services avec la société Bouyer Leroux Structure en date du 12 février 2014, avec date d'effet rétroactif au 1er décembre 2013. La courte durée de l'exécution de la prestation de services réalisée par le directeur administratif et financier et la directrice des ressources humaines de la SCOP Bouyer Leroux dès lors que ceux-ci n'ont été employés par la société Ficeram qu'à hauteur de 22 jours de travail par an et la circonstance que la société Bouyer Leroux Structure dispose elle-même de son propre directeur administratif et financier et de son propre directeur des ressources humaines ne permettent pas de regarder la prise de participations réalisée par la SAS Ficeram comme répondant à une perspective de développement de son chiffre d'affaires résultant de la fourniture de services administratifs, juridiques, financiers, commerciaux et techniques à la société Bouyer Leroux Structure.
9. En deuxième lieu, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des paragraphes 480 et 490 du bulletin officiel des impôts TVA-DED-20-10-20 en ce qu'ils concernent les dépenses exposées par un assujetti au titre d'opérations se rapportant à son capital social et à sa participation dans le capital d'autres entreprises dès lors que, compte tenu de ce qui a été dit au point 8, elle ne peut être considérée pour la période en cause comme une holding mixte et, par voie de conséquence, comme étant assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée.
10. Enfin, la SCOP Bouyer Leroux ne peut davantage se prévaloir utilement de la proposition de rectification du 26 septembre 2018 par laquelle le vérificateur a estimé qu'au titre des années 2015 à 2017, la SAS Ficeram était une holding mixte et l'a assujettie à la taxe sur les salaires de ce fait dans la mesure où cette affirmation ne constitue pas une prise de position formelle au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, ni une interprétation formelle de la loi fiscale au sens de l'article L. 80 A du même livre, en raison notamment de son absence d'antériorité à la première période mensuelle de liquidation primitive de la taxe sur la valeur ajoutée.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la SCOP Bouyer Leroux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, et, en tout état de cause, ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 26 janvier 2016 rejetant sa réclamation, qui n'est pas une décision détachable de la procédure d'imposition, doivent être rejetées. Il en va de même de celles relatives aux frais liés à l'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SCOP Bouyer Leroux est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société coopérative de production Bouyer Leroux et au ministre des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 27 août 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. D..., président assesseur,
- M. Brasnu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 septembre 2020.
Le rapporteur,
J.-E. D...Le président,
F. Bataille
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT02624