Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 juin 2019, 31 juillet 2019 et 17 septembre 2019, le préfet de la Loire-Atlantique demande à la cour d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement.
Il soutient que :
- le tribunal administratif a, à tort, retenu que la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le défaut de prise en charge médicale de l'état de santé de Mme A... ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle peut bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé au Nigéria ;
- il s'en remet, pour le surplus, à ses écritures de première instance.
Par deux mémoires, enregistrés les 26 juillet 2019 et 10 septembre 2019, Mme A..., représenté par Me C..., conclut :
1°) au non-lieu à statuer ;
2°) à titre subsidiaire, au rejet de la requête ;
3°) à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient qu'elle reprend l'ensemble des moyens soulevés en première instance.
Par décision du 29 juillet 2019, Mme A... a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante nigériane née en 1974, est entrée en France, selon ses déclarations, le 15 septembre 2014. Elle a sollicité, le 24 avril 2017, un titre de séjour pour raisons médicales. Par arrêté du 22 novembre 2018, le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A... a sollicité auprès du tribunal administratif de Nantes l'annulation de ces décisions. Par un jugement du 4 juin 2019, ce tribunal a annulé cet arrêté (article 1er), a enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement (article 2) et a mis à la charge de l'Etat, au bénéfice de Me C..., avocat de Mme A..., la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 (article 3). Le préfet de la Loire-Atlantique relève appel des articles 1er et 2 de ce jugement.
Sur l'exception de non-lieu à statuer :
2. Mme A... conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions présentées en appel par le préfet de la Loire-Atlantique sans toutefois assortir ces conclusions de moyens propres. Elle précise toutefois et justifie, par la production de la copie de la carte de séjour qui lui a été remise, que lui a été délivrée le 20 juin 2019 une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " valable jusqu'au 19 juin 2020. Cependant la circonstance que, pour se conformer à l'injonction de délivrance qui lui avait été faite par les premiers juges, le préfet de la Loire-Atlantique a délivré à Mme A... une carte de séjour ne rend pas sans objet la présente requête.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
3. Pour annuler l'arrêté contesté, le tribunal administratif de Nantes a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que Mme A... établissait que, contrairement à ce qu'avait retenu le préfet de la Loire-Atlantique en s'appropriant les termes de l'avis médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), son état nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 de ce code : " (...) le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Selon l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, le collège de médecins, au vu du rapport établi par un médecin de l'Office, " (...) émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. (...) ".
5. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, s'il peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
6. Après avoir rappelé la teneur de l'avis du collège de médecins de l'OFII, lequel mentionnait que l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, le préfet a rejeté la demande de titre de séjour présentée par l'intéressée en s'appropriant les termes de cet avis.
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... souffre d'un syndrome anxio-dépressif qui nécessite un traitement médicamenteux et un suivi médical. Si le certificat médical du 13 décembre 2018 établi par le médecin psychiatre qui prend en charge l'intéressée depuis juillet 2016 mentionne que les troubles anxio-dépressifs de Mme A..., qui présente des idées suicidaires récurrentes, se sont partiellement améliorés du fait des traitements au long cours et qu'un arrêt des traitements risquerait de voir s'acutiser son état avec un risque suicidaire qui redeviendrait majeur, ces éléments, qui ne sont pas circonstanciés, entrent en contradiction avec les éléments mentionnés par le médecin traitant de Mme A... dans le certificat médical établi le 16 janvier 2018 pour être transmis à l'OFII, lequel mentionnait que " le risque suicidaire assez fort de février 2017 semble avoir disparu. Restent des angoisses et des insomnies nécessitant un traitement ". Dans ces conditions, ce certificat n'est pas suffisant à lui seul pour remettre en cause l'avis porté par le collège de médecins de l'OFII sur l'état de santé de Mme A.... Par suite, dès lors que la condition de gravité des conséquences d'un éventuel défaut de prise en charge n'était pas remplie, l'autorité administrative n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant, pour ce motif, la délivrance du titre de séjour que l'intéressée sollicitait. Dès lors, le préfet de la Loire-Atlantique est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler son arrêté du 22 novembre 2018, le tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur ce motif.
8. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes et devant la cour.
Sur le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII :
9. En vertu des dispositions citées au point 4, le collège de médecins de l'OFII, dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de la carte de séjour prévue au 11° de l'article L. 31311, doit accomplir sa mission dans le respect des orientations générales définies par l'arrêté du ministre chargé de la santé du 5 janvier 2017 et émettre son avis dans les conditions fixées par l'arrêté du 27 décembre 2016 des ministres chargés de l'immigration et de la santé. Il appartient au préfet, lorsqu'il statue sur la demande de carte de séjour, de s'assurer que l'avis a été rendu par le collège de médecins conformément aux règles procédurales fixées par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par l'arrêté du 27 décembre 2016.
10. Alors que Mme A... soutient que l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII ne l'a pas été à l'issue d'une délibération collégiale, la production au dossier de deux avis, portant les mêmes références de dossier et nom du requérant, comportant la même teneur et signés des mêmes médecins, mais présentant des dates différentes ne permet pas, en l'absence de toute explication circonstanciée justifiant cette différence, de s'assurer de la régularité des conditions dans lesquelles l'avis du 26 septembre 2018 mentionné dans l'arrêté préfectoral contesté a été rendu. Il s'ensuit que le moyen tiré du vice de procédure, qui a porté une atteinte à une garantie, doit être accueilli et que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, Mme A... est fondée à soutenir que la décision de refus de séjour du 22 novembre 2018 doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi.
11. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Loire-Atlantique n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 22 novembre 2018.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
12. Eu égard au motif retenu au point 10, l'annulation de l'arrêté du 22 novembre 2018 impliquait seulement que le préfet de la Loire-Atlantique réexaminât la situation de Mme A... après avoir sollicité un avis du collège de médecins de l'OFII émis dans des conditions régulières. Il s'ensuit que le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes lui a enjoint de délivrer à Mme A... une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu d'enjoindre au préfet de réexaminer la situation de Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande présentée par Mme A... au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 juin 2019 est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du préfet de la Loire-Atlantique est rejeté.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de réexaminer la situation de Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B... A....
Copie sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 27 août 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme D..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 septembre 2020.
Le rapporteur,
F. D...Le président,
F. Bataille
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 19NT02337