Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2019, le préfet du Calvados demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de Mme I....
Il soutient qu'en retenant que le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme I... au motif qu'il n'établissait pas que des structures médicales spécialisées seraient à même d'assurer la prise en charge de son fils en Algérie, le tribunal administratif a commis une erreur de droit en lui attribuant la charge de la preuve, a insuffisamment motivé son jugement et a commis une erreur manifeste d'appréciation en l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité et d'une indisponibilité du traitement dans le pays d'origine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 août 2019, Mme E... G... épouse I..., représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de l'Etat, au bénéfice de Me D..., son conseil, la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle fait valoir que :
- les moyens présentés ne sont pas fondés ;
- pour le surplus, elle s'en rapporte à ses écritures produites en première instance.
Mme I... a été maintenue au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 29 juillet 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme H... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme G... épouse I..., ressortissante algérienne née le 4 août 1980, est entrée en France le 16 décembre 2015. Elle a sollicité, le 21 juin 2018, le renouvellement du certificat de résidence qui lui avait été accordé pour raisons de santé. Par arrêté du 13 février 2019, le préfet du Calvados a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme I... a sollicité auprès du tribunal administratif de Caen l'annulation de cet arrêté. Par jugement du 14 juin 2019, le tribunal administratif de Caen a annulé cet arrêté (article 1er), a enjoint au préfet de réexaminer la situation de Mme I... dans un délai de trois mois (article 2), a mis à la charge de l'Etat, au bénéfice de Me D..., avocate de Mme I..., la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 (article 3) et a rejeté le surplus des conclusions (article 4). Le préfet du Calvados relève appel des articles 1 à 3 de ce jugement.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Pour annuler la décision de refus de titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi, le tribunal administratif de Caen a retenu que le préfet avait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme I... en estimant qu'il n'établissait pas que des structures médicales spécialisées seraient à même aujourd'hui d'assurer la prise en charge de son enfant en cas de retour en Algérie.
3. Il ressort des pièces du dossier qu'après qu'un cancer du sein lui a été diagnostiqué et qu'une mammectomie a été pratiquée en août 2015 en Algérie, Mme I... est entrée en France le 16 novembre 2015 où elle a bénéficié, sous couvert d'autorisations provisoires de séjour puis d'un certificat de résidence pour Algérien, d'un traitement médical pour cette pathologie. Ainsi qu'il sera dit au point 13, son état de santé ne rend plus sa présence en France indispensable. Par ailleurs, son mari étant reparti vivre en Algérie, elle vit en France avec son fils B..., né le 1er décembre 2012, qui souffre d'un syndrome épileptique rare avec retentissement sur son développement psychomoteur et qui peut, ainsi que le démontre le préfet par la production notamment de deux fiches Medcoi, bénéficier en Algérie des deux médicaments que sa pathologie requiert ainsi que d'une prise en charge médicale spécialisée adaptée, quand bien même elle ne serait pas totalement similaire à la prise en charge médicale et éducative pluridisciplinaire dont il bénéficie actuellement en France. Enfin, Mme I... ne justifie d'aucune intégration sociale ou professionnelle particulière. Par suite, le préfet du Calvados est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler son arrêté du 13 février 2019, le tribunal administratif de Caen s'est fondé sur ce motif.
4. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme I... devant le tribunal administratif de Caen et devant la cour.
Sur le moyen commun aux décisions contestées :
5. En premier lieu, par un arrêté du 21 décembre 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Calvados a donné délégation à M. A... C..., directeur de l'immigration, à l'effet de signer, à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les arrêtés portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, les décisions ressortissant des attributions de la direction de l'immigration qui est compétente en matière de droit au séjour et d'éloignement des étrangers. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté a été pris par une autorité incompétente manque en fait et doit être écarté.
6. En deuxième lieu, l'arrêté contesté comporte des éléments précis concernant la situation personnelle de Mme I.... Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'il n'est pas motivé en fait.
7. En troisième lieu, il ne ressort pas de l'arrêté contesté que le préfet du Calvados n'a pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme I....
Sur la décision portant refus de séjour :
8. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. ". Selon l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. " Aux termes de l'article R. 31323 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. ".
9. L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 31322, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. (...) ".
10. En premier lieu, la requérante avance que l'avis émis le 20 décembre 2018 par le collège de médecins de l'OFII ne précise pas si certains éléments de procédure, tels la convocation pour examen au stade de l'élaboration de l'avis et les demandes d'examens complémentaires, ont été réalisés ou non. Toutefois, aucune des dispositions applicables ne fait obligation au collège de mentionner dans son avis des convocations, demandes ou examens complémentaires qu'il n'a pas effectués.
11. En deuxième lieu, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, s'il peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays de renvoi.
12. Après avoir rappelé la teneur de l'avis du 20 décembre 2018 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), lequel mentionnait que l'état de santé de Mme F... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle peut bénéficier d'un traitement approprié à sa pathologie dans le pays dont elle est originaire, le préfet a rejeté la demande de titre de séjour présentée par l'intéressée au motif qu'aucun élément du dossier ne contrarie l'appréciation portée par le collège de médecins dont il s'approprie l'avis.
13. Il ressort des pièces du dossier que Mme I... a souffert d'un carcinome mammaire et qu'elle est prise en charge pour une reconstruction mammaire. Le certificat médical du 25 mars 2019 établi par le médecin généraliste qui prend en charge l'intéressée se borne à mentionner que " la poursuite du suivi nécessite qu'elle puisse séjourner en France, étant donné la difficulté ou [absence] des suivis carcinologiques en Algérie ". Toutefois, en raison de son caractère peu circonstancié, ce certificat n'est pas suffisant à lui seul pour remettre en cause l'avis porté par le collège de médecins de l'OFII. Il en va de même s'agissant des articles de presse à portée générale produits par l'intéressée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit être écarté.
14. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
15. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 3 et 7, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
16. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 3 et 8, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
17. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, le préfet du Calvados n'a pas, en faisant obligation à Mme I... de quitter le territoire français, méconnu l'intérêt supérieur de son enfant, dont le père vit en Algérie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
18. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Calvados est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé son arrêté du 13 février 1019.
19. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 14 juin 2019 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme I... ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme G... épouse I... et à Me D....
Copie sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 27 août 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme H..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 septembre 2020.
Le rapporteur,
F. H...Le président,
F. Bataille
Le greffier,
A.Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 19NT02628