Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 9 juillet 2019, 3 septembre 2019 et 6 septembre 2019, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de quinze jours ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est senti lié par l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII ;
- la procédure est entachée d'irrégularité dès lors qu'il n'apparait pas que les médecins signataires de l'avis ont été régulièrement nommés par décision du directeur général de l'OFII en l'absence de mention de cette décision dans l'avis ;
- la procédure est entachée d'irrégularité dès lors que le rapport médical transmis au collège de médecins omet de mentionner que son état nécessite une greffe de rein ;
- il ne pourra bénéficier effectivement d'une transplantation rénale en Mongolie, de sorte que les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît, compte tenu des éléments relatifs à la prise en charge de son état de santé, les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle compte tenu de sa bonne intégration et de son état de santé ;
- au regard de la nécessité pour lui de bénéficier d'une greffe de rein, le délai de départ de trente jours est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.
Par des mémoires, enregistrés les 6 août 2019 et 18 septembre 2019, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- il s'en rapporte à ses écritures développées en première instance ;
- les moyens présentés ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 19 juin 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 31322, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers, et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant mongol né le 18 mars 1986, relève appel du jugement du 21 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 octobre 2018 par lequel le préfet du Calvados a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour pour raisons de santé et lui a fait obligation de quitter le territoire français.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Selon l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. " Aux termes de l'article R. 31323 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...)." .
3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, s'il peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays de renvoi.
4. Saisi par M. C... d'une demande de renouvellement de titre de séjour pour raisons de santé, le préfet du Calvados l'a rejetée, par arrêté du 29 octobre 2018, après s'être approprié les termes de l'avis du collège de médecins de l'OFII rendu le 21 septembre 2018 selon lequel, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie dans le pays dont il est originaire.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. C... souffre d'une insuffisance rénale chronique terminale ainsi que d'une hépatite virale chronique B et d'une hépatite C, pathologies pour lesquelles il suit un traitement médicamenteux et est dialysé trois fois par semaine. Le 17 mai 2018, une indication de greffe de rein a été posée par l'équipe médico-chirurgicale du centre hospitalier universitaire de Caen et M. C... a été inscrit sur la liste nationale des malades en attente de greffe gérée par l'agence de biomédecine le 25 mai 2018.
6. En premier lieu, il est constant que, l'insuffisance rénale au stade terminal nécessitant un traitement de suppléance indispensable à la survie de l'intéressé, l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
7. En deuxième lieu, si M. C... fait valoir à juste titre que le rapport médical établi par le médecin de l'OFII ne mentionne pas l'indication de greffe, cette carence ne résulte pas d'une omission dans la mesure où le rapport médical du docteur Leclair a été établi le 18 avril 2018, soit antérieurement à l'indication posée par l'équipe du centre hospitalier universitaire de Caen le 17 mai 2018. Cette indication est toutefois antérieure à l'avis émis par le collège de médecins, dont aucune pièce du dossier ne permet toutefois d'établir qu'il en a été informé.
8. En troisième lieu, s'il est constant que la transplantation rénale est pratiquée en Mongolie, il ressort de la traduction du 2 novembre 2019, produite en appel, de la décision du 21 septembre 2017 du ministre mongol de la santé que figure sur la liste des maladies non traitables en Mongolie la transplantation de rein au récepteur ayant une forte activation de virus hépatique ainsi que du courriel du 7 janvier 2019 du conseiller santé auprès du directeur général de la Direction générale des étrangers en France qu' " on ne peut exclure que l'hépatite B puisse être considérée comme une contre-indication dans un pays qui ne pratique pas la greffe aussi couramment qu'en Europe et qui cherche à en réguler l'accès ". Par suite, l'intéressé ne peut bénéficier effectivement en Mongolie du traitement approprié à sa pathologie, qui consiste, à la date de la décision attaquée, en une transplantation rénale.
9. Il s'ensuit que M. C... est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, à soutenir que la décision de refus de séjour doit être annulée dans la mesure où elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi doivent être annulées par voie de conséquence. Il est, par conséquent, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
10. Eu égard au motif d'annulation retenu par le présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Calvados, sous réserve d'un changement de circonstances de fait ou de droit, de délivrer à M. C... un titre de séjour pour raisons de santé dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à Me A... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°1802963 du tribunal administratif de Caen du 21 mars 2019 est annulé.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Calvados sous réserve d'un changement de circonstances de fait ou de droit, de délivrer un titre de séjour pour raisons de santé à M. C... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me A... la somme de 1 000 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 27 août 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 septembre 2020.
Le rapporteur,
F. B...Le président,
F. Bataille
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°19NT02687
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