Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 septembre 2019 et 27 février 2020, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte de cent euros par jour de retard, au préfet du Calvados, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, à titre subsidiaire, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " ou une autorisation provisoire de séjour en vue de terminer son cycle scolaire ou un titre de séjour portant la mention " vie privée ou familiale " dans le même délai ou, à titre infiniment subsidiaire, de réexaminer, dans un délai de quinze jours, sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement doit être annulé dès lors qu'il justifie de son identité et de son âge ;
- la décision de refus de séjour est entachée d'illégalité dès lors qu'il n'a commis aucune fraude en étant pris en charge en tant que mineur étranger isolé ; elle méconnaît l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il remplit toutes les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour à ce titre ; elle méconnaît l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il poursuit une formation en alternance en tant qu'apprenti en première année de certificat d'aptitude professionnelle (CAP) de boulangerie et dispose de moyens d'existence suffisants ; elle méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il fait preuve d'un parcours scolaire et d'une intégration remarquables ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il n'a plus de lien avec sa famille restée dans son pays d'origine ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en raison de ses conséquences excessivement graves sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas motivée ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle porte une atteinte grave et disproportionnée à sa situation personnelle ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par des mémoires, enregistrés les 18 novembre 2019 et 21 février 2020, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- il s'en rapporte à ses écritures développées en première instance ;
- le passeport produit n'est pas de nature à établir sa minorité ;
- les pièces nouvelles produites confirment qu'il a conservé des liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et qu'il a mis fin à sa formation en alternance en CAP de boulangerie.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 9 septembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant malien, relève appel du jugement du 11 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 17 avril 2019 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français.
Sur la décision de refus de séjour :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé. ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable : " L'étranger qui, n'étant pas déjà admis à résider en France, sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire présente à l'appui de sa demande:/ 1° Les indications relatives à son état civil (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".
4. Il ressort des pièces du dossier qu'entré en France en mars 2017 selon ses déclarations, M. B... a indiqué être né le 18 décembre 2000 et a été pris en charge par le service de l'aide à l'enfance du département du Calvados à partir du 9 mai 2017. A l'appui de sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. B... a présenté un extrait d'acte de naissance du 28 novembre 2016, une copie de sa carte d'identité malienne du 9 décembre 2016 et une copie de sa carte d'identité consulaire du 6 décembre 2017, au vu desquels il serait né le 18 décembre 2000. La consultation du fichier Visabio, prévu à l'article L. 611-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a toutefois permis au préfet du Calvados de constater, en se fondant sur la correspondance des empreintes digitales, que l'intéressé avait précédemment sollicité à deux reprises, les 3 février 2015 et 19 juin 2015, un visa sous le même nom mais avec une date de naissance du 18 décembre 1995, ainsi que le mentionnait son passeport délivré le 22 octobre 2013. En application de l'article L. 111-6 du même code, et de l'article 47 du code civil auquel il renvoie, le préfet en a déduit que l'acte d'état civil produit à l'appui de la demande de titre de séjour était entaché de fraude et ne pouvait par suite être regardé comme faisant foi. Si le requérant soutient qu'il a été victime des agissements d'un passeur, cette assertion est dépourvue des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par ailleurs, si M. B... fait valoir que sa minorité n'a jamais été remise en cause par le juge des enfants et est établie par les pièces qu'il produit, il ressort des pièces du dossier que les documents dont les copies sont produites font suite à un jugement supplétif qui aurait été rendu le 21 novembre 2016 par le tribunal de grande instance de la commune I du district de Bamako dont l'original n'est pas produit mais seulement un " duplicata " qui aurait été délivré le 28 avril 2019, que l'extrait d'acte de naissance du 28 novembre 2016 comporte une anomalie dès lors que la mention du jugement supplétif est portée dans le cartouche " déclarant " et que la carte d'identité malienne du 9 décembre 2016 est incomplète dès lors que l'empreinte de l'index gauche n'y est pas apposée. Alors même que M. B... fait valoir les efforts d'intégration accomplis depuis son entrée en France et ses bons résultats scolaires, le préfet du Calvados pouvait, sans méconnaître l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'appuyer sur la seule circonstance qu'il n'était pas mineur lorsqu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance pour refuser de lui délivrer le titre de séjour demandé en application de ces dispositions.
5. Par ailleurs, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, les moyens, que M. B... reprend en appel sans apporter de précisions nouvelles, tirés de ce que la décision de refus de séjour méconnaît les articles L. 313-7 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. L'arrêté du 17 avril 2019 du préfet du Calvados mentionne les textes dont il fait application, rappelle le parcours en France de M. B..., indique avec précision les raisons pour lesquelles il ne peut bénéficier d'un titre de séjour, relève que l'intéressé n'entre pas dans les prévisions de l'article L. 511-4 de ce code et que la mesure d'éloignement ne contrevient pas aux dispositions des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet a, ce faisant, suffisamment motivé sa décision portant obligation de quitter le territoire français.
7. Par ailleurs, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, les moyens, que M. B... reprend en appel sans apporter de précisions nouvelles, tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par suite, sa requête, y compris ses conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 27 août 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme D..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 10 septembre 2020.
Le rapporteur,
F. D...Le président,
F. Bataille
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°19NT03582
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