Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 septembre 2019, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les décisions portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi méconnaissent les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 313-14 du même code et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de sa durée de présence en France, de sa bonne intégration, de la scolarisation de ses filles et de l'impossibilité de reconstruire sa cellule familiale en Géorgie en raison de la situation de détention provisoire de son époux ; elles violent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant pour les mêmes raisons ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur d'appréciation.
Par un mémoire, enregistré le 18 décembre 2019, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il s'en rapporte à ses écritures développées en première instance.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 7 octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante géorgienne née le 16 septembre 1985, relève appel du jugement du 16 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 25 février 2019.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... est entrée en France le 11 février 2013, accompagnée de son époux et de ses deux enfants. Après s'être soustraite à l'assignation à résidence dont elle faisait l'objet par arrêté du 12 juillet 2013 en vue de l'exécution de l'arrêté de remise aux autorités polonaises du 11 juin 2013, elle s'est maintenue sur le territoire français et a déposé une demande d'asile, qui a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 4 juillet 2016 et a donné lieu à un arrêté portant refus de titre de séjour du 19 octobre 2016. La demande de titre de séjour en qualité de parent accompagnant un enfant malade qu'elle a déposée le 12 décembre 2016 a fait l'objet d'un rejet par décision du 13 avril 2017 assortie d'une mesure d'éloignement, à laquelle elle n'a pas déféré. A la date du 11 octobre 2018, à laquelle elle a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 313-14 du même code, elle vivait en France avec ses deux filles, nées en 2005 et 2008, scolarisées et son époux, qui avait également fait l'objet d'une mesure d'éloignement en date du 13 avril 2017, était incarcéré depuis le 19 avril 2018 à la maison d'arrêt du Mans.
4. D'une part, s'agissant de sa situation familiale, la production de trois courriers du 27 septembre 2018 du directeur de la maison d'arrêt du Mans faisant mention de la délivrance, le 13 septembre 2018, de permis de visite par le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Rennes à Mme D... et ses deux filles et leur octroyant des badges d'accès ainsi que de billets de train Caen-Le Mans pour la période de décembre 2018 à mai 2019 est insuffisante, en l'absence de production d'attestations de l'administration pénitentiaire de présence aux parloirs de la maison d'arrêt du Mans, pour justifier du maintien du lien familial avec M. D..., qui n'est en tout état de cause pas en situation régulière sur le territoire français. Par ailleurs, les pièces médicales produites concernant la situation de la seconde fille de la requérante ne permettent pas d'établir que sa situation rend sa présence en France indispensable. Enfin, rien n'établit que les deux filles de la requérante ne peuvent poursuivre leur scolarité qu'en France. Il s'ensuit que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que la situation de sa cellule familiale implique son maintien sur le territoire français.
5. D'autre part, si elle se prévaut d'une intégration professionnelle, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'a effectué qu'une seule journée de travail en juin 2018 et les deux promesses d'embauche par des particuliers qu'elle produit en qualité de femme de ménage, qui revêtent un caractère conditionnel, portent sur un volume d'heures qui est soit imprécis soit particulièrement faible. Elle ne justifie, par ailleurs, d'aucune intégration sociale particulière à l'exception du suivi de cours d'apprentissage du français.
6. Dans ces conditions, et en dépit de sa durée de présence en France, Mme D... n'est pas fondée à soutenir qu'en rejetant sa demande de titre de séjour, le préfet a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ". Pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés, le préfet du Calvados n'a pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation sa décision en rejetant la demande d'admission au séjour présentée par Mme D... sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En troisième lieu, pour les mêmes motifs également, les moyens tirés de ce que les décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. _ L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (....) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".
10. La décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an prise à l'encontre de Mme D... mentionne le texte applicable, rappelé au point 9, et le fait qu'elle n'a pas respecté la mesure d'éloignement du 13 avril 2017, qu'elle justifie de liens sur le territoire français où elle réside depuis le 11 février 2013 et que les éléments en possession du préfet ne sont pas de nature à considérer qu'il y a atteinte à l'ordre public. Par suite, elle est, contrairement à ce que soutient la requérante, suffisamment motivée.
11. Eu égard à ce qui a été dit aux points 3 à 5 sur la nature et l'ancienneté des liens de Mme D... avec la France et à l'absence d'exécution de la mesure d'éloignement dont elle a fait l'objet par arrêté du 13 avril 2017, le préfet du Calvados a pu, sans entacher sa décision d'illégalité ni méconnaître les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par suite, sa requête, y compris ses conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E... épouse D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 27 août 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- Mme C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 septembre 2020.
Le rapporteur,
F. C...Le président,
F. Bataille
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°19NT03724
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