Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 octobre 2019 et 26 mars 2020, Mme F..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet G..., sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur de fait dès lors que le préfet n'a pas retenu le caractère réel et sérieux de ses études en France et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du même code ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 février et 7 avril 2020, le préfet G... conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme F... ne sont pas fondés.
Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 décembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- et les observations de Me C..., substituant Me B..., représentant Mme F....
Considérant ce qui suit :
1. Mme F..., ressortissante marocaine, née le 13 septembre 2000, entrée en France le 9 juin 2015, qui a été prise en charge par le département G... au titre de l'aide sociale à l'enfance du 14 janvier 2016 au 4 février 2018, a demandé au préfet de ce département la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions des 2° bis et 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 19 avril 2019, le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination. Le tribunal administratif de Caen a rejeté, par un jugement du 20 septembre 2019, la demande de Mme F... tendant à l'annulation de cet arrêté. Mme F... relève appel de ce jugement.
Sur la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée ".
3. Pour refuser la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées, le préfet G... s'est fondé sur les déclarations de Mme F... selon lesquelles ses parents et sa soeur demeurent au Maroc et sur le rôle de ses parents qui l'ont accompagnée pour venir en France et être hébergée chez une cousine, puis dans une association. Il ressort des pièces du dossier que compte tenu de la nature de ses liens avec sa famille restée au Maroc, le préfet, bien que faisant référence aux rencontres entre Mme F... et une psychologue clinicienne de la maison départementale de l'enfance et de la famille G..., n'a pas méconnu les dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en retenant ce motif selon lequel Mme F... n'était pas dépourvue de liens familiaux à l'étranger alors même que l'intéressée a déclaré aux services préfectoraux qu'elle attendait le moment le plus opportun pour dire à son père qu'elle refusait un mariage forcé au Maroc. Il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision de refus de délivrance d'un titre de séjour s'il s'était fondé seulement sur ce motif. Dès lors, et alors même que le préfet aurait commis une erreur de fait en ne retenant pas le caractère réel et sérieux de ses études en France, Mme F... n'est pas fondée à soutenir que le préfet, en refusant de lui délivrer le titre de séjour, a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions.
4. Mme F..., qui est célibataire sans charge de famille, est récemment entrée en France en 2015. Elle n'a aucune attache familiale en France. Comme il a été dit au point 3, elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine. Ainsi, malgré ses études en France, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
6. L'arrêté contesté prévoit que Mme F... sera reconduite à destination de son pays d'origine. La requérante n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations relatives aux risques de violences exercées contre elle par sa famille à raison de son intention de refuser un mariage forcé. Ainsi, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F... et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet G....
Délibéré après l'audience du 27 août 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. D..., président assesseur,
- M. Brasnu, premier conseiller.
Lu en audience publique le 10 septembre 2020.
Le rapporteur,
J.-E. D...
Le président,
F. Bataille Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT04044