1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 11 février 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Manche de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, ou de réexaminer sa situation ;
4°) de condamner l'Etat à verser la somme de 2 000 euros à Me B... en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi sur l'aide juridique.
Il soutient que :
sa requête est recevable ;
Sur le refus de titre de séjour :
- la décision méconnaît l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen complet ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit ;
- la décision méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Sur l'obligation de quitter le territoire :
- le tribunal administratif de Caen a omis de répondre aux moyens tirés du défaut d'examen complet de la situation de l'intéressé, de la méconnaissance de son droit à être entendu, ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision méconnaît l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen complet ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- l'annulation des décisions précédentes entraîne nécessairement l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi.
M. C... E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... C... E..., ressortissant camerounais, a déclaré être entré en France au mois de juin 2013. Le 9 novembre 2018, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 11 février 2019, le préfet de la Manche lui a refusé la délivrance de ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Caen l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 20 juin 2019, le tribunal a rejeté sa demande. M. C... E... fait appel de ce jugement.
Sur le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges les moyens tirés de ce que la décision de refus de titre de séjour méconnaît le droit du requérant d'être entendu et n'a pas été précédée d'un examen de sa situation, moyens que M. C... E... réitère en appel sans apporter d'élément nouveau.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article
L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".
4. D'une part, le préfet pouvait à bon droit, afin d'apprécier si la demande répondait à des considérations humanitaires ou se justifiait au regard de motifs exceptionnels, se fonder sur l'absence de communauté de vie de l'intéressé avec son ancienne compagne et sur la circonstance qu'il n'était pas établi que M. C... E... contribuait à l'entretien matériel et à l'éducation de son fils, lequel vit avec sa mère. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut qu'être écarté.
5. D'autre part, il est constant que M. C... E..., entré en France en 2013, est séparé depuis octobre 2018 de son ancienne compagne, de nationalité haïtienne et titulaire d'une carte de séjour valable dix ans. De plus, si l'intéressé produit quelques photographies et attestations, celles-ci ne sont pas suffisantes pour établir des liens réguliers entre le requérant et son enfant né le 1er août 2018. Les factures produites par M. C... E... et les échanges téléphoniques avec la mère de l'enfant sont postérieurs à l'arrêté contesté, ainsi que le jugement du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Coutances du 10 février 2020, qui constate que l'autorité parentale est exercée de manière conjointe et accorde un droit de visite au requérant. Il n'est pas établi que la mère de l'enfant aurait fait obstacle, de manière prolongée, à l'entretien de liens entre M. C... E... et son fils. Enfin, il ressort des pièces du dossier que le fils aîné de l'intéressé, né en 2009, vit au Cameroun, tout comme ses parents et trois de ses frères.
6. Dans ces conditions, alors même que le requérant est bénévole au sein d'une association depuis 2016, a travaillé du 28 novembre 2018 au 25 janvier 2019 au sein de l'association des amis d'Emmaüs de l'Avranchin, participe aux activités de l'union sportive de Saint-Martin des Champs et produit une promesse d'embauche du 3 juillet 2019 postérieure à l'arrêté contesté, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet dans l'application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté, les motifs invoqués ne répondant pas à des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens de ces dispositions.
7. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Aux termes des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
8. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués aux points 5 et 6, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés.
Sur la décision d'obligation de quitter le territoire français :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
9. Il ressort du jugement attaqué que les premiers juges ont omis de répondre aux moyens, qui n'étaient pas inopérants, tirés du défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressé, de la méconnaissance de son droit à être entendu, ainsi que de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant soulevés à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
10. Dès lors, M. C... E... est fondé à soutenir que le jugement attaqué, en tant qu'il a statué sur les conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, est entaché d'irrégularité en raison du défaut de réponse à ces moyens et doit, pour ce motif et dans cette mesure, être annulé.
11. Il y a lieu pour la cour administrative d'appel de se prononcer immédiatement sur ces conclusions par voie d'évocation.
En ce qui concerne la demande dirigée contre l'obligation de quitter le territoire français :
12. En premier lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s'adresse uniquement aux institutions et organes de l'Union. Le moyen tiré de sa violation par une autorité d'un Etat membre est donc inopérant. Toutefois, il résulte également de cette jurisprudence que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter son point de vue de manière utile et effective. En particulier, il n'implique pas que le préfet entende l'étranger spécifiquement au sujet de l'obligation de quitter le territoire français qu'il envisage de prendre après avoir statué sur le droit au séjour à l'issue d'une procédure ayant respecté son droit d'être entendu. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans le cadre de l'instruction de sa demande de titre de séjour, M. C... E... ait été privé de la possibilité de présenter des observations, écrites ou orales, ou qu'il aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à être entendu doit être écarté, ainsi que le moyen tiré du défaut d'examen complet de la situation de l'intéressé.
13. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux indiqués aux points 5 et 6, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés.
Sur la décision fixant le pays de destination :
14. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale ne peut qu'être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par M. C... E... devant le tribunal administratif de Caen tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français doivent être rejetées et que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi sur l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 20 juin 2019 est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions présentées par M. C... E... dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.
Article 2 : La demande présentée par M. C... E... devant le tribunal administratif de Caen tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Manche.
Délibéré après l'audience du 27 août 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme A..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 10 septembre 2020.
Le rapporteur,
P. A...
Le président,
F. Bataille
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT04264