Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 novembre 2019, le préfet de la Loire-Atlantique demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes s'est fondé, pour annuler son arrêté, sur la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes ne sont pas fondés ; il s'en rapporte, s'agissant de ces moyens, à ses écritures de première instance et ajoute que la mère et les six frères et soeurs de M. A... résident en Côte d'Ivoire et qu'il ne se prévaut d'aucune attache d'une particulière intensité en France.
Par un mémoire en défense et des pièces complémentaires, enregistrés les 9 janvier 2020, 27 janvier 2020, 23 février 2020 et 28 février 2020, M. B... A..., représenté par Me E... D..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, à titre principal, de lui délivrer le titre de séjour demandé, et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande de titre de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer sans délai un récépissé valant autorisation de séjour et de travail le temps de la fabrication de son titre de séjour ou du réexamen de sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros qui devra être versée à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ou, si l'aide juridictionnelle ne lui a pas été accordée, de condamner l'Etat à lui verser cette somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la décision de refus de séjour méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination doivent être annulées par voie de conséquence.
Par une décision du 29 janvier 2020, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C... ;
- et les observations de Me E...-D..., représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant ivoirien déclarant être né le 8 juillet 2000, est entré en France le 2 avril 2017. Par une ordonnance du 17 mai 2017, la juge aux affaires familiales chargée des tutelles des mineurs du tribunal de grande instance de Nantes a ouvert la tutelle de l'intéressé et l'a confié au président du conseil départemental de Loire-Atlantique. Par la suite, l'intéressé a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance de ce département. Le 18 juin 2018, M. A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 14 janvier 2019, le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré. M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cet arrêté. Par un jugement n° 1903946 du 22 octobre 2019, le tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté (article 1er ), a enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler (article 2), a mis à la charge de l'Etat, au bénéfice de Me E... D..., avocat de M. A..., la somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 (article 3) et a rejeté le surplus des conclusions de la requête (article 4). Le préfet de la Loire-Atlantique relève appel de ce jugement.
Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :
2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ". L'article R.311-2-2 de ce code prévoit que : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ". L'article L. 111-6 du même code dispose que : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". L'article 47 du code civil précise que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".
3. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., pour justifier de son identité, a produit à l'appui de sa demande de titre de séjour une copie intégrale d'acte de naissance obtenu sur transcription d'un jugement supplétif. Afin de s'assurer de l'authenticité de cet acte de naissance, le préfet de la Loire-Atlantique a interrogé les services de l'ambassade de France à Abidjan. Si les services de l'ambassade de France n'ont pas pu accéder aux archives judiciaires et n'ont pu authentifier le jugement supplétif dont est issu l'acte de naissance, ceux-ci ont néanmoins fait savoir au préfet, par un courriel du 14 août 2018, que cet acte n'était pas régulier au sens de l'article 47 du code civil. Dans ce courriel, les services de l'ambassade de France ont en effet relevé le fait que l'heure à laquelle l'acte avait été établi n'était pas indiquée, en violation de l'article 24 du code civil ivoirien, que les professions, domicile, date et lieux de naissance des deux parents n'étaient pas spécifiés, en méconnaissance du même article 24 du code civil ivoirien, que l'heure de naissance n'est pas mentionnée, contrairement à ce que prévoit l'article 42 du code civil ivoirien, que l'acte de naissance est dit " dressé ", alors qu'il devait être mentionné " transcrit ", qu'il est mentionné sur l'acte " nous avons signé, avec le déclarant ", ce qui n'est pas possible s'agissant de la transcription d'un jugement supplétif, seul l'officier d'état civil signant l'acte dans ce cas, et qu'enfin l'acte a été transcrit le 31 décembre 2020, soit une date régulièrement utilisée pour les actes frauduleux, des feuillets étant rajoutés en fin de registre. Le préfet de la Loire-Atlantique apporte ainsi des éléments suffisants permettant de remettre en cause l'authenticité de l'acte de naissance produit. En outre, M. A... ne peut se prévaloir du certificat de nationalité et du passeport qu'il a présentés également à l'appui de sa demande, dès lors que ces documents ont été obtenus sur la base de cet acte d'état civil. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le préfet de la Loire-Atlantique a estimé que les documents d'état civil présentés à l'appui de la demande de titre de séjour n'étaient pas authentiques et a, pour ce motif, refusé de délivrer à l'intéressé un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Loire-Atlantique est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté en se fondant sur la méconnaissance des dispositions des articles L.313-15 et R.311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Toutefois, il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes et devant la cour.
Sur les autres moyens invoqués par M. A... :
En ce qui concerne décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
7. Si M. A... met en avant ses résultats scolaires et ses efforts d'insertion depuis son arrivée en France, ces seuls éléments ne sauraient caractériser le fait que la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale. Il suit de là que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de séjour méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ces mêmes éléments ne sauraient davantage permettre d'établir que le préfet de la Loire-Atlantique aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. La décision de refus de titre de séjour n'étant pas illégale, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
9. La décision de refus de titre de séjour n'étant pas illégale, l'intimé n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.
10. Il résulte de tout ce qui précède d'une part, que le préfet de la Loire-Atlantique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 14 janvier 2019, a enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et a mis à la charge de l'Etat, au bénéfice de Me E... D..., avocat de M. A..., la somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, d'autre part, qu'il y a lieu par voie de conséquence de rejeter les conclusions présentées en appel par M. A... aux fins d'injonction sous astreinte.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 22 octobre 2019 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande de M. A... devant le tribunal administratif de Nantes et les conclusions présentées en appel aux fins d'injonction sous astreinte et au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... A... et à Me E... D....
Copie sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 27 août 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- M. C..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 10 septembre 2020.
Le rapporteur,
H. C...Le président,
F. Bataille
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT04318