Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 juin 2019 et 17 septembre 2019, le préfet de la Loire-Atlantique demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes s'est fondé, pour annuler son arrêté, sur le fait que les violences conjugales étaient suffisamment établies ;
- les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes ne sont pas fondés ; il s'en rapporte, s'agissant de ces moyens, à ses écritures de première instance.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 septembre 2019, Mme F... A... G..., représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle fait valoir que :
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'un défaut d'examen ;
- elle méconnaît l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour entraîne l'annulation de décision portant obligation de quitter le territoire français par voie de conséquence ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour entraîne l'annulation de cette décision par voie de conséquence.
Par une décision du 29 janvier 2020, Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B... ;
- et les observations de Me E... substituant Me C..., représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante de la République du Congo, née le 10 novembre 1975, est entrée en France le 13 mai 2017, sous couvert d'un visa de long séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français, valable du 4 janvier 2017 au 4 janvier 2018. Le 15 octobre 2017, elle a demandé à la préfète de la Loire-Atlantique le renouvellement de son droit au séjour sur le fondement de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 11 janvier 2018, la préfète a pris à son encontre un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cet arrêté. Le préfet de la Loire-Atlantique relève appel du jugement du 12 juin 2019 par lequel le tribunal a fait droit à la demande de Mme A....
Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; ( ...) ". Aux termes de l'article L. 313-12 du même code : " (...) Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé. Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et peut en accorder le renouvellement. (...) ".
3. Les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne créent aucun droit au renouvellement du titre de séjour d'un étranger dont la communauté de vie avec son conjoint de nationalité française a été rompue en raison des violences conjugales qu'il a subies de la part de ce dernier. Toutefois, de telles violences, subies pendant la vie commune, ouvrent la faculté d'obtenir, sur le fondement de cet article, un titre de séjour. Il incombe à l'autorité préfectorale, saisie d'une telle demande, d'apprécier, sous l'entier contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'intéressé justifie le renouvellement du titre à la date où il se prononce, en tenant compte, notamment, du délai qui s'est écoulé depuis la cessation de la vie commune et des conséquences qui peuvent encore résulter, à cette date, des violences subies.
4. Pour établir les violences conjugales qu'elle allègue avoir subies, Mme A... produit des certificats médicaux, un procès-verbal de dépôt de plainte ainsi que des attestations. Cependant, les certificats médicaux versés aux débats par Mme A... font seulement état de deux ecchymoses à la jambe droite et d'une douleur à la main. Ces constatations ne permettent pas de conclure avec suffisamment de certitude à l'existence de violences physiques. Pour le reste, ces certificats médicaux se bornent pour l'essentiel à relater les dires de l'intéressée. Il en va de même de l'attestation de l'association Solidarité femmes ainsi que des attestations rédigées par des proches. Surtout, la plainte déposée par Mme A... à l'encontre de son conjoint a été classée sans suite par le parquet de Nantes qui a estimé que l'infraction était insuffisamment caractérisée. Dans ces conditions, les violences conjugales alléguées ne sont pas suffisamment établies. Dès lors, le préfet de la Loire-Atlantique ne pouvait délivrer à l'intéressée un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En tout état de cause, à supposer même que les violences alléguées soient établies, il ressort des pièces du dossier que Mme A... a quitté le domicile conjugal moins de deux mois après son entrée en France, et moins d'un an après s'être mariée à M. D.... En outre, Mme A... n'établit ni même n'allègue qu'à la date de la décision contestée, des conséquences pouvaient encore résulter des violences subies. Ainsi, à supposer même que Mme A... ait été victime de violences conjugales, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le préfet de la Loire-Atlantique aurait refusé de délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Loire-Atlantique est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté en se fondant sur la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Toutefois, il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes et devant la cour.
Sur les autres moyens invoqués par Mme A... :
En ce qui concerne la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que cette décision est suffisamment motivée et n'est pas entachée d'un défaut d'examen complet.
8. En deuxième lieu, à la date de la décision contestée, Mme A..., célibataire et sans enfants, n'était présente en France que depuis moins d'un an. Si Mme A... met en avant le fait qu'elle a travaillé depuis son arrivée en France, cette circonstance ne saurait caractériser le fait que la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale. Enfin, si Mme A... fait valoir qu'elle subira des discriminations en cas de retour dans son pays d'origine, elle ne l'établit pas. Il suit de là que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de séjour méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, la décision de refus de titre de séjour n'étant pas illégale, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.
11. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
12. En premier lieu, la décision de refus de titre de séjour n'étant pas illégale, l'intimée n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.
13. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision fixant le pays de destination est suffisamment motivée.
14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Loire-Atlantique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 11 janvier 2018, lui a enjoint de délivrer à Mme A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat, au bénéfice de Me C..., avocat de Mme A..., la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 12 juin 2019 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande de Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes et les conclusions présentées en appel au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme F... A... G... et à Me C....
Copie sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 27 août 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 10 septembre 2020.
Le rapporteur,
H. B...Le président,
F. Bataille
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT02455