2°) d'annuler ce jugement ;
3°) d'annuler la décision du 7 novembre 2016 du directeur départemental des finances publiques de la Manche ;
4°) d'ordonner la décharge et le remboursement de l'intégralité des impositions perçues à tort, soit 175 000 euros ;
5°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 240 000 euros au titre du préjudice financier ;
6°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 60 000 euros au titre de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral ;
7°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier au regard des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative dès lors que ses motifs sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation et de contradiction en estimant que le seul problème provient de la part déductible du don bénéficiant au contribuable donateur alors que le montant du don est une recette imposable pour un musée géré par une personne morale de droit privé et non pour le musée public et qu'il constitue une aide d'Etat au moins indirecte ;
- le jugement est irrégulier au regard des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative dès lors que sa motivation est insuffisante en l'absence de précisions sur les raisons pour lesquelles l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée ne méconnaîtrait pas les objectifs poursuivis par la sixième directive et ses motifs sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que, dans la mesure où l'aide d'Etat est constituée par le montant du don que récupère le donataire et la déduction fiscale et que ce dispositif n'est pas ouvert aux musées gérés par des personnes morales de droit privé, il y a bien une inégalité de traitement et une discrimination entre les différents types de personnes morales ;
- le jugement est irrégulier au regard des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative dès lors que ses motifs sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit dans la mesure où, le non-assujettissement des personnes morales de droit public et organismes d'utilité générale gérant des musées étant le principe, il y a un assujettissement asymétrique entre les musées gérés par une personne morale de droit privé et les musées gérés par une personne morale de droit public ou " Musées de France " et que l'avantage fiscal accordé a manifestement un caractère sélectif constitutif d'une aide d'Etat ;
- le jugement est irrégulier au regard des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative dès lors qu'il a omis de répondre au moyen tiré de ce que l'article 1er de la loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002, en excluant les musées gérés par des personnes morales de droit privé du régime des " Musées de France " et des différents avantages fiscaux afférents, constitue une discrimination et une inégalité de traitement ;
- ses conclusions aux fins indemnitaires sont recevables dès lors que la requête enregistrée le 5 novembre 2016 porte uniquement sur une demande d'indemnisation et que la requête enregistrée le 13 janvier 2017 porte sur une demande de décharge et de remboursement ;
- l'intervention de la direction départementale des finances publiques du Calvados au lieu et place de celle de la Manche est contraire aux dispositions de l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts ;
- les règles de procédure n'ont pas été rigoureusement respectées ;
- l'administration fiscale a méconnu son devoir de loyauté et de neutralité en appliquant les textes et sa doctrine de manière incohérente, en dénaturant les faits et en commettant erreur d'appréciation et erreur de droit ;
- elle subit une inégalité de traitement devant l'impôt, devant la loi fiscale et les charges publiques dès lors que les dispositions des articles 256 B, du 1° de l'article 261-7, des alinéas 1 bis et 5 de l'article 206, des 5 et 5 bis de l'article 207-1, du II de l'article 1447, du 1° de l'article 1449, des articles 1382 et 1394 du code général des impôts constituent une dérogation au régime fiscal commun et un avantage fiscal exclusivement accordé aux musées gérés par une personne morale de droit public ou associatif, en méconnaissance du principe d'égalité prévu aux articles 1er, 2, 4 et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, de l'alinéa premier du Préambule de 1946, de l'article 1er de la Constitution de 1958 et des stipulations combinées de l'article 1er du premier protocole et de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle subit une discrimination économique dans la mesure où les deux catégories d'opérateurs économiques sont en concurrence directe sur le marché de l'offre muséale ;
- bien qu'exerçant la même activité muséale et répondant à la définition de l'article L. 410-1 et aux missions prévues à l'article L. 441-2 du code du patrimoine, les musées gérés par une personne morale de droit privé sont exclus du régime favorable des " Musées de France " prévu par la loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002 ;
- en méconnaissance des articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, de l'article 1er du premier protocole de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui garantissent le droit de propriété et du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, de l'article 167 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de l'article 15 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et des articles 1-a-VII, 1-a-IX et 3 de l'Acte final d'Helsinki du 1er août 1975 qui garantissent le droit d'accéder et de participer à la vie culturelle, elle subit une discrimination et inégalité de traitement tant en matière de respect de son droit de propriété sur ses biens qu'au regard du respect de son droit aux loisirs et à la vie culturelle dès lors qu'elle exerce une activité de musée identique à celle que pourrait exercer un musée public ou associatif ; l'impossibilité de bénéficier des dons déductibles de mécènes ou d'une exonération de taxe sur les objets d'arts, de collection ou d'antiquité l'ont empêchée de pouvoir acquérir plus facilement des objets pour ses collections ;
- en méconnaissance de la liberté d'entreprendre, du commerce et de l'industrie et de la libre concurrence, les musées privés sont systématiquement désavantagés par le fait d'être exclus des avantages fiscaux alloués au secteur culturel en raison de leur seule forme sociale ;
- en méconnaissance des dispositions de l'article 1er de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et des articles 85 et 86 du Traité de Rome, le jeu de la concurrence est dénaturé dès lors que l'exclusion des musées gérés par des personnes morales de droit privé du régime de faveur accordé aux activités culturelles n'est pas conditionnée au fait de ne pas remplir l'une des conditions requises pour leur exercice et que le simple fait d'assujettir à la taxe sur la valeur ajoutée les musées gérés par des personnes morales de droit privé et les avantages fiscaux, sociaux et en nature ont un impact sur le prix du billet d'entrée ;
- compte tenu du caractère disproportionné des avantages fiscaux accordés par l'Etat français aux musées publics ou associatifs ou " Musées de France ", ces mesures constituent une aide d'Etat déguisée de nature à empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun en violation des articles 5 à 7 et 85 à 94 du Traité instituant la Communauté européenne ; les articles du code général des impôts, du code du patrimoine et de la loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002 accordant des avantages fiscaux aux musées gérés par les personnes morales de droit public ou associatif et en en excluant les musées gérés par les personnes morales de droit privé sont contraires aux dispositions du n) du 1 de l'article 132 de la directive TVA n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006 et aux articles 85 à 94 du Traité instituant la Communauté européenne (articles 101 à 109 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne) ainsi qu'à l'article 151 de ce même Traité et aux articles 16, 17, 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; l'Etat français n'a pas notifié à la Commission le régime d'aide dont bénéficient les musées publics ; l'absence de proportionnalité des mesures adoptées par l'Etat français conduit à une inégalité d'accès et de participation à la vie culturelle et à une absence de liberté réelle de prestation de services et de concurrence ; elle a apporté un faisceau d'indices précis et concordants quant à l'existence de la surcompensation au profit de la catégorie non-assujettie ;
- les raisons de missions légales et exigences de service public des musées publics pour refuser d'aligner la fiscalité des musées privés sur celle des musées publics ou associatifs sont incohérentes et constituent un facteur de distorsion de concurrence sur les droits d'entrée, les deux types de musées ayant le même objectif de préservation du patrimoine et de présentation au public de leur collection ;
- la forme juridique d'une société de capitaux ne saurait à elle seule exclure que celle-ci puisse être regardée comme un organisme sans but lucratif et puisse bénéficier de l'exonération des impôts commerciaux ;
- la taxe foncière, la contribution économique territoriale et la taxe sur la valeur ajoutée étant indépendantes des bénéfices réalisés, elles ne peuvent se justifier alors que les musées publics en sont exonérés ;
- elle peut se prévaloir de l'instruction BOI-TVA-CHAMP-30-10-30-10-20170405 du 5 avril 2017 (n° 240) et de l'instruction BOI-TVA-CHAMP-30-10-30-10-20120912 du 12 septembre 2012 (n° 240) ;
- la responsabilité pour faute de l'Etat du fait de la perception d'impositions illégales, inconventionnelles et anticonstitutionnelles doit être engagée ;
- la responsabilité de l'Etat du fait des lois doit être engagée dès lors que l'administration fiscale n'ignorait pas que le dispositif d'exonération des impôts commerciaux et locaux aux seuls musées gérés par des personnes morales de droit public ou associatif à l'exclusion des musées gérés par des personnes morales de droit privé était incompatible avec la règlementation de l'Union européenne et les principes généraux du droit ;
- le lien de causalité est établi ;
- elle subit un grave préjudice financier par privation de trésorerie, manque à gagner et par distorsion de concurrence, évalué à la somme de 240 000 euros, qui ont conduit à la fermeture définitive du musée ;
- elle subit un préjudice moral lié au dénigrement de son travail et à la discrimination dont elle est victime, évalué à la somme de 60 000 euros ;
- le paiement des intérêts moratoires est justifié.
Par des mémoires, enregistrés les 9 mai 2018, 29 mai 2018, 9 janvier 2019, 30 janvier 2019 et 22 mai 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
S'agissant des moyens relatifs à la régularité du jugement, il s'en remet à la sagesse de la cour ;
S'agissant des conclusions relatives aux impositions et taxes :
- la demande est irrecevable pour la partie excédant la somme totale de 136 632 euros correspondant aux impositions et taxes contestées, payées ou mises en recouvrement à la date de la réclamation préalable ; compte tenu des remboursements de crédits de taxe sur la valeur ajoutée dont elle a bénéficié, elle ne saurait obtenir une restitution globale supérieure à la somme de 83 025 euros ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;
S'agissant des conclusions indemnitaires :
- à titre principal, les conclusions indemnitaires présentées dans une requête tendant également à la décharge d'impositions sont irrecevables ;
- à titre subsidiaire, aucune faute n'a été commise par l'administration fiscale en mettant à la charge de la société les impositions qu'elle conteste ;
- le préjudice financier n'est pas justifié et n'est qu'hypothétique ; le paiement des impositions ne peut constituer en lui-même un préjudice indemnisable ;
- le préjudice moral est hypothétique, insuffisamment justifié et son évaluation est démesurée.
Par un mémoire distinct et un mémoire, enregistrés le 21 décembre 2018 et le 15 février 2019, la SAS Normandy Tank Museum a demandé à la cour, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 256 B, du 1° du 7 de l'article 261, du 1 bis et du 5 de l'article 206, des 5° et 5° bis de l'article 207, du II de l'article 1447, du 1° de l'article 1449, des articles 1382 et 1394 du code général des impôts, ou encore des articles 200, 238 bis et 150 VJ du même code, et de l'article L. 441-1 du code du patrimoine ainsi que des articles 1er et suivants de la loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002.
Par des mémoires, enregistrés les 30 janvier et 5 mars 2019, le ministre de l'action et des comptes publics soutient que les conditions posées par l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies, et en particulier, que les dispositions contestées ne sont pas toutes applicables au litige et que la question prioritaire de constitutionnalité est dépourvue de caractère sérieux.
Par une ordonnance n° 17NT03819 QPC du 2 avril 2019, le président de la 1ère chambre de la cour n'a pas transmis au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ses protocoles additionnels ;
- le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
- le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code du patrimoine ;
- la loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002 ;
- le décret n° 2016-1099 du 11 août 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Normandy Tank Museum, immatriculée au registre des commerces et des sociétés le 18 mars 2013 et ayant pour activité " musée, commerces et activités complémentaires ou similaires : attractions touristiques, manifestations culturelles, commémorations, défilés, tournage de films, terrain d'aviation, meeting aérien, congrès, boutique de souvenirs divers et de presse ", a exploité, de juin 2013 à septembre 2016, un musée, dénommé Normandy Tank Museum, consacré à la seconde guerre mondiale à Catz (Manche). Par courrier du 30 juin 2016, elle a demandé au directeur départemental des finances publiques de la Manche de lui rembourser l'intégralité des impositions et rappels dont elle s'est acquittée en matière de taxe sur la valeur ajoutée, impôts sur les sociétés et contribution économique territoriale de 2013 à 2015, à hauteur de 175 000 euros, et de lui verser les sommes de 240 000 euros et 60 000 euros en réparation, respectivement, des préjudices financier et moral qu'elle estime avoir subis. Elle a sollicité auprès du tribunal administratif de Caen, par une demande enregistrée le 5 novembre 2016 sous le n° 1602134, l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande en remboursement et en indemnisation, le remboursement des impositions payées et la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 300 000 euros au titre de dommages-intérêts. Après le rejet, par décision du 7 novembre 2016, de sa réclamation préalable, la SAS Normandy Tank Museum a réitéré sa demande d'annulation, de remboursement et d'indemnisation par une demande, enregistrée le 13 janvier 2017 au tribunal administratif de Caen sous le n° 1700060, et par une demande, enregistrée le 12 janvier 2017 au tribunal administratif de Paris et transmise par ordonnance du 27 janvier 2017 du président de la première section du tribunal administratif de Paris au tribunal administratif de Caen, qui l'a enregistrée sous le n° 1700156. Elle relève appel du jugement du 18 octobre 2016 par lequel ce tribunal, après les avoir jointes, a rejeté ses demandes.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Ainsi qu'il a été rappelé au point précédent, par trois demandes enregistrées les 5 novembre 2016, 12 janvier 2017 et 13 janvier 2017, la SAS Normandy Tank Museum a sollicité le remboursement, à hauteur de la somme de 175 000 euros, des impositions et rappels dont elle s'est acquittée en matière de taxe sur la valeur ajoutée, impôts sur les sociétés et contribution économique territoriale de 2013 à 2015 et l'indemnisation, à hauteur de la somme totale de 300 000 euros, des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des fautes commises par l'Etat. Ces demandes présentaient donc un caractère mixte de plein contentieux fiscal et de plein contentieux indemnitaire. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que le litige était exclusivement un litige indemnitaire, se méprenant ainsi sur la portée des conclusions dont il était saisi. Le jugement du 18 octobre 2017 doit, par conséquent et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens relatifs à la régularité du jugement soulevés par la société requérante, être annulé.
3. Il y a lieu, pour la cour, d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes de la SAS Normandy Tank Museum.
Sur la compétence du signataire du mémoire en défense du 9 décembre 2016 dans l'instance enregistrée sous le n°1602134 devant le tribunal administratif de Caen :
4. Aux termes du 1° bis du I de l'article 408 de l'annexe II au code général des impôts : " Le directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques du département dans lequel est situé le siège du tribunal administratif (...) a seul pouvoir de (...) représenter l'Etat devant le tribunal administratif dans les instances engagées à la suite de ces réclamations (...) ". Aux termes de l'article 5 du décret du 11 août 2016 : " I. - L'article 1er s'applique : /1° S'agissant des instances engagées devant les tribunaux administratifs, aux requêtes enregistrées au greffe du tribunal à compter du 1er septembre 2016 et aux mémoires produits à compter de cette même date sur les requêtes enregistrées antérieurement ; (...) ".
5. Le mémoire en défense du 9 décembre 2016, enregistré le 12 décembre 2016 par le tribunal administratif de Caen dans l'instance n°1602134, a été signé par M. C..., administrateur des finances publiques de la division de contentieux et des affaires juridiques du pôle fiscal de la direction départementale des finances publiques du Calvados. La société requérante soutient que ce dernier n'était pas territorialement compétent eu égard aux dispositions de l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts, lesquelles prévoient la compétence des fonctionnaires de la direction générale des impôts dans le ressort territorial du service déconcentré ou du service à compétence nationale dans lesquels ils sont affectés. Toutefois, il ressort des dispositions du 1° bis du I de l'article 408 de l'annexe II au code général des impôts et du décret du 11 août 2016 relatif à la réorganisation du traitement du contentieux juridictionnel fiscal au sein des services de la direction générale des finances publiques que les instances introduites en matière d'assiette devant le tribunal administratif de Caen après le 1er septembre 2016, telle que celle de la société requérante, relevaient de la compétence du directeur départemental des finances publiques du Calvados au sein duquel le signataire était affecté. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire du mémoire en défense doit être écarté et il y a lieu pour la Cour, statuant sur les demandes de la SAS Noramndy Tank Museum de prendre en compte ce mémoire.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
6. En se bornant à soutenir que les règles de procédure n'ont pas été rigoureusement respectées, la SAS Normandy Tank Museum ne développe aucune critique précise des procédures d'imposition qui ont conduit à l'établissement des impositions et taxes dont elle demande le remboursement. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.
7. Si la SAS Normandy Tank Museum soutient que l'administration fiscale a méconnu son devoir de loyauté et de neutralité, les éléments venant au soutien de ce moyen relèvent uniquement du bien-fondé des motifs de la décision de rejet de sa réclamation préalable. Par suite, ce moyen n'est pas de nature à établir une irrégularité commise à l'occasion de la procédure d'imposition.
Sur le bien-fondé des impositions :
8. La SAS Normandy Tank Museum conteste son assujettissement à l'impôt sur les sociétés, à la taxe sur la valeur ajoutée et à la contribution économique territoriale pour la période de 2013 à 2015 au cours de laquelle elle a exercé une activité de musée, au regard, notamment, du régime d'exonération de ces impôts et taxes dont peuvent bénéficier, selon elle, d'autres gestionnaires de musées tels que les personnes morales de droit public ou les personnes morales de droit privé à but non lucratif, propriétaires de musées qui se voient attribuer l'appellation " Musée de France ".
9. L'article L. 410-1 du code du patrimoine prévoit que : " Est considérée comme musée, au sens du présent livre, toute collection permanente composée de biens dont la conservation et la présentation revêtent un intérêt public et organisée en vue de la connaissance, de l'éducation et du plaisir du public. ". En vertu de l'article L. 441-1 du même code, l'appellation Musée de France peut être accordée aux musées appartenant à l'Etat, à une autre personne morale de droit public ou à une personne morale de droit privé à but non lucratif, sous réserve notamment, en vertu de l'article L. 442-1 de ce code, de la présence dans ses statuts d'une clause prévoyant l'affectation irrévocable des biens acquis par dons et legs ou avec le concours de l'Etat ou d'une collectivité territoriale à la présentation du public. Le code du patrimoine organise le régime particulier des Musées de France qui implique, notamment, l'exercice de missions permanentes (article L. 441-2), des modalités spécifiques de fixation des droits d'entrée (article L. 442-6), des qualifications spécifiques des professionnels sous la responsabilité desquelles les activités scientifiques du musée sont exercées (article L. 442-8), le contrôle scientifique et technique de l'Etat (article L. 442-11) et l'imprescriptibilité de ses collections (article L. 451-3).
En ce qui concerne le cadre juridique applicable :
10. S'agissant de l'impôt sur les sociétés, l'article 206 du code général des impôts prévoit que : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 8 ter, 239 bis AA, 239 bis AB et 1655 ter, sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions, les sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes dans les conditions prévues au IV de l'article 3 du décret n° 55-594 du 20 mai 1955 modifié, les sociétés coopératives et leurs unions ainsi que, sous réserve des dispositions des 6° et 6° bis du 1 de l'article 207, les établissements publics, les organismes de l'Etat jouissant de l'autonomie financière, les organismes des départements et des communes et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif. / 1 bis. Toutefois, ne sont pas passibles de l'impôt sur les sociétés prévu au 1 les associations régies par la loi du 1er juillet 1901, les associations régies par la loi locale maintenue en vigueur dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, les syndicats régis par les articles L. 2131-1 à L. 2136-2 du code du travail, les fondations reconnues d'utilité publique, les fondations d'entreprise, les fonds de dotation et les congrégations, dont la gestion est désintéressée, lorsque leurs activités non lucratives restent significativement prépondérantes et le montant de leurs recettes d'exploitation encaissées au cours de l'année civile au titre de leurs activités lucratives n'excède pas 60 000 euros. (...) (...) ". Aux termes de l'article 207 du code général des impôts : " 1. Sont exonérés de l'impôt sur les sociétés : (...) 5° Les bénéfices réalisés par des associations sans but lucratif régies par la loi du 1er juillet 1901 organisant, avec le concours des communes ou des départements, des foires, expositions, réunions sportives et autres manifestations publiques, correspondant à l'objet défini par leurs statuts et présentant, du point de vue économique, un intérêt certain pour la commune ou la région ; / 5° bis. Les organismes sans but lucratif mentionnés au 1° du 7 de l'article 261, pour les opérations à raison desquelles ils sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée ; ". Il résulte de ces dispositions que sont assujettis à l'impôt sur les sociétés les sociétés commerciales exerçant une activité de musée ainsi que les organismes exerçant le même type d'activité dont la gestion n'est pas désintéressée ou dont les activités non lucratives ne sont pas significativement prépondérantes et dont le montant des recettes liées à leurs activités lucratives excède 60 000 euros ainsi que les organismes dont l'activité n'est pas exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée.
11. S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, l'article 256 du code général des impôts prévoit que : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel.(...) ". Aux termes de l'article 256 A du même code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. (...) / Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. (...). ". Aux termes de l'article 256 B du même code : " Les personnes morales de droit public ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'activité de leurs services administratifs, sociaux, éducatifs, culturels et sportifs lorsque leur non-assujettissement n'entraîne pas de distorsions dans les conditions de la concurrence ". Aux termes de l'article 261 du même code : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée (...) 7. 1° a. les services de caractère social, éducatif, culturel ou sportif rendus à leurs membres par les organismes légalement constitués agissant sans but lucratif, et dont la gestion est désintéressée (...) ". Il résulte de ces dispositions que sont assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée les sociétés commerciales exerçant une activité de musée ainsi que les personnes publiques exerçant une activité à caractère culturel lorsque leur non-assujettissement entraîne des distorsions dans les conditions de la concurrence et les organismes à but non lucratif exerçant le même type d'activité mais dont la gestion n'est pas désintéressée.
12. S'agissant de la cotisation foncière des entreprises, aux termes de l'article 1447 du code général des impôts : " I. - La cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes physiques ou morales, les sociétés non dotées de la personnalité morale ou les fiduciaires pour leur activité exercée en vertu d'un contrat de fiducie qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée. (...) II. - La cotisation foncière des entreprises n'est pas due par les organismes mentionnés au premier alinéa du 1 bis de l'article 206 qui remplissent les trois conditions fixées par ce même alinéa. ". Aux termes de l'article 1449 du même code : " Sont exonérés de la cotisation foncière des entreprises : / 1° Les collectivités territoriales, les établissements publics et les organismes de l'Etat, pour leurs activités de caractère essentiellement culturel, éducatif, sanitaire, social, sportif ou touristique, quelle que soit leur situation à l'égard de la taxe sur la valeur ajoutée ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que sont assujettis à la cotisation foncière des entreprises les sociétés commerciales exerçant une activité de musée, les organismes dont la gestion n'est pas désintéressée ou dont les activités non lucratives ne sont pas significativement prépondérantes et dont le montant des recettes liées à leurs activités lucratives excède 60 000 euros ainsi que les personnes publiques qui n'exercent pas une activité à caractère essentiellement culturel.
13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 10 à 12 du présent arrêt que, d'une part, l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés, à la taxe sur la valeur ajoutée et à la cotisation foncière des entreprises ne résulte pas, contrairement à ce que soutient la société requérante, de la seule prise en compte du critère relatif au statut juridique de la personne qui exerce une activité de musée et que, d'autre part, l'attribution à un musée de la qualité " Musée de France " est en elle-même sans effet sur l'assujettissement de son gestionnaire à ces impôts et taxes.
En ce qui concerne la méconnaissance de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 :
14. D'une part, l'article 132 de la directive du 28 novembre 2006 prévoit que : " 1. Les États membres exonèrent les opérations suivantes: (...) n) certaines prestations de services culturels, ainsi que les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées, effectuées par des organismes de droit public ou par d'autres organismes culturels reconnus par l'État membre concerné (...) ". Aux termes de l'article 133 de cette même directive : " Les États membres peuvent subordonner, au cas par cas, l'octroi, à des organismes autres que ceux de droit public, de chacune des exonérations prévues à l'article 132, paragraphe 1, point b), g), h), i), l), m) et n), au respect de l'une ou plusieurs des conditions suivantes: / a) les organismes en question ne doivent pas avoir pour but la recherche systématique du profit, les bénéfices éventuels ne devant jamais être distribués mais devant être affectés au maintien ou à l'amélioration des prestations fournies ; / b) ces organismes doivent être gérés et administrés à titre essentiellement bénévole par des personnes n'ayant, par elles-mêmes ou par personnes interposées, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation ; / c) ces organismes doivent pratiquer des prix homologués par les autorités publiques ou n'excédant pas de tels prix ou, pour les opérations non susceptibles d'homologation des prix, des prix inférieurs à ceux exigés pour des opérations analogues par des entreprises commerciales soumises à la TVA ; / d) les exonérations ne doivent pas être susceptibles de provoquer des distorsions de concurrence au détriment des entreprises commerciales assujetties à la TVA. (...) " et de l'article 134 de cette directive : " Les livraisons de biens et les prestations de services sont exclues du bénéfice de l'exonération prévue à l'article 132, paragraphe 1, points b), g), h), i), l), m) et n), dans les cas suivants : / a) lorsqu'elles ne sont pas indispensables à l'accomplissement des opérations exonérées ; / b) lorsqu'elles sont essentiellement destinées à procurer à l'organisme des recettes supplémentaires par la réalisation d'opérations effectuées en concurrence directe avec celles d'entreprises commerciales soumises à la TVA. ".
15. Les dispositions du n du 1 de l'article 132 de la directive TVA n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006 n'impliquent pas l'exonération de toutes les prestations de services culturels. Par suite, en réservant le bénéfice de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée aux services de caractère culturel rendus par les organismes légalement constitués agissant sans but lucratif dont la gestion est désintéressée, les articles 256 B et 261 du code général des impôts ne méconnaissent pas les objectifs du n) du 1 de l'article 132 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, complétés par les articles 133 et 134 de cette même directive.
16. D'autre part, si la société requérante se prévaut de la méconnaissance de l'article 13 de cette même directive du fait d'une distorsion dans les conditions de la concurrence induite par le non-assujettissement des personnes morales de droit public gérant un musée, elle se borne à soutenir qu'elle réalise les mêmes prestations qu'un organisme de droit public gérant un musée sans toutefois l'établir dès lors qu'elle n'évoque aucun musée géré par une personne morale de droit public qui exercerait la même activité qu'elle.
En ce qui concerne l'attribution irrégulière d'une aide d'Etat :
17. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne: " Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ". Aux termes de l'article 108 du même Traité : " (...) / 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. (...) ".
18. Il résulte de l'interprétation que la Cour de justice de l'Union européenne a donnée des stipulations des articles 107 et 108 du Traité, dans son arrêt du 7 septembre 2006 Laboratoires Boiron SA (aff. 526/04), que si, lorsqu'est en cause une " exonération au bénéfice de certains opérateurs d'une taxe ayant une portée générale ", les redevables de la taxe ne sauraient exciper de ce que l'exonération dont bénéficient d'autres entreprises constitue une aide d'Etat pour se soustraire au paiement de cette taxe, il peut toutefois en aller différemment en cas d'" assujettissement asymétrique à une taxe ", c'est-à-dire lorsqu'" une autre catégorie d'opérateurs économiques avec laquelle la catégorie taxée est en rapport direct de concurrence " n'est pas assujettie à la taxe, en contrepartie d'obligations de service public qui sont imposées à ces autres opérateurs. Dans un tel cas, s'il est démontré que le non-assujettissement à la taxe entraîne une " surcompensation " au profit de la catégorie d'entreprises non assujettie, dans la mesure où l'avantage que ces dernières tirent de ce non-assujettissement excéderait les surcoûts qu'elles supportent pour l'accomplissement de ces obligations de service public, l'assujettissement de l'autre catégorie constituerait un acte comportant la mise à exécution d'une mesure d'aide. Ainsi, dans cette hypothèse, " la mesure dont il est allégué qu'elle constitue une aide est la taxe (...) elle-même et non une quelconque exonération dissociable de celle-ci ".
19. L'article 261 du code général des impôts n'a pas pour objet spécifique d'aider les musées gérés par des organismes à but non lucratif et ne vise pas à compenser les obligations de service public qui seraient imposées aux bénéficiaires de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, les exonérations qu'il prévoit ne sont pas indissociables de l'institution de la taxe et n'entretiennent pas avec celle-ci un lien d'affectation contraignant.
20. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 11 du présent arrêt, l'attribution à un musée de la qualité " Musée de France " est en elle-même sans effet sur l'assujettissement de son gestionnaire à ces impôts et taxes. Dès lors, et en tout état de cause, les exonérations contestées ne visent pas à compenser des obligations de service public dévolues aux personnes morales de droit privé à but non lucratif exerçant une activité de musée ayant la qualité de " Musée de France ".
21. Enfin, en admettant même que les personnes morales de droit public exerçant une activité de musée constituent une catégorie d'opérateurs économiques avec laquelle les sociétés commerciales exerçant une activité de musée, catégorie taxée, sont en rapport direct de concurrence, il résulte des dispositions rappelées ci-dessus que le non-assujettissement des personnes morales de droit public à la taxe sur la valeur ajoutée est soumis à la condition qu'il n'entraîne pas de distorsions dans les conditions de la concurrence et qu'elles ne sont pas exonérées de cotisation foncière des entreprises lorsqu'elles n'exercent pas une activité à caractère essentiellement culturel. Par ailleurs, il n'est pas démontré que le non-assujettissement excéderait les surcoûts que les personnes morales de droit public supportent pour l'accomplissement des obligations de service public incombant à leur activité muséale. Dans ces conditions, l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés, à la taxe sur la valeur ajoutée et à la cotisation foncière des entreprises des sociétés commerciales exerçant une activité de musée ne constitue pas un acte comportant la mise à exécution d'une mesure d'aide. Par suite, le moyen tiré de l'existence d'une aide d'Etat non notifiée doit être écarté.
En ce qui concerne la méconnaissance des stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole à cette convention :
22. Aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. ". Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, relatif à la protection de la propriété : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. ". Une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique, ou si elle n'est pas fondée sur des critères rationnels en rapport avec les buts de la loi.
23. Les personnes morales de droit privé exerçant à titre lucratif une activité de musée ne sont pas placées dans une situation analogue à celle des personnes morales de droit public exerçant le même type d'activité, qui sont soumises à des obligations de service public ainsi qu'aux règles régissant la domanialité publique, ou à celle des personnes morales de droit privé à but non lucratif, dont la gestion est désintéressée, exerçant une activité de musée dite " Musée de France " et soumise à ce titre à un régime particulier dont les sujétions ont été rappelées au point 7 du présent arrêt. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations mentionnées au point précédent du fait du caractère discriminatoire de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés, à la taxe sur la valeur ajoutée et à la cotisation foncière des entreprises doit être écarté.
En ce qui concerne les autres moyens :
24. En premier lieu, les impositions et taxes dont le remboursement est demandé procèdent des dispositions citées aux points 10 à 12 du présent arrêt et non de dispositions de la loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France ou du code du patrimoine. Par suite, les moyens tirés de ce que l'exclusion des musées gérés par les personnes morales de droit privé à but lucratif du régime des Musées de France est illégal, de ce que les articles du code du patrimoine et de la loi du 4 janvier 2002 méconnaissent l'article 132 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, les articles 101 à 109 et 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et les articles 16, 17, 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne sont sans influence sur le litige.
25. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que les dispositions ayant conduit à l'imposition de la SAS Normandy Tank Museum à l'impôt sur les sociétés, à la taxe sur la valeur ajoutée et à la cotisation foncière des entreprises méconnaissent les articles 16, 17, 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est dépourvu des précisions nécessaires pour en apprécier le bien-fondé. En tout état de cause, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 23 du présent arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 20 et 21 de cette Charte, relatifs à l'égalité en droit et à non-discrimination, doivent être écartés.
26. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que les dispositions ayant conduit à l'imposition de la SAS Normandy Tank Museum à l'impôt sur les sociétés, à la taxe sur la valeur ajoutée et à la cotisation foncière des entreprises méconnaissent l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est, faute des précisions nécessaires sur l'atteinte portée aux biens dont elle est propriétaire, dépourvu de portée utile et doit être écarté.
27. En quatrième lieu, les moyens tirés de ce que les dispositions ayant conduit à l'imposition de la SAS Normandy Tank Museum à l'impôt sur les sociétés, à la taxe sur la valeur ajoutée et à la cotisation foncière des entreprises méconnaissent l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ainsi que l'article 167 du même Traité sont inopérants dès lors que la teneur de ces articles est sans rapport avec l'objet du litige. Il en va de même des moyens tirés de la méconnaissance de l'article 15 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, des articles 1 et 3 de l'Acte final d'Helsinki du 1er août 1975 et de l'article 1er de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, repris à l'article L. 410-2 du code de commerce. Ils doivent donc être écartés.
28. En cinquième lieu, la SAS Normandy Tank Museum ne peut utilement se prévaloir, au soutien de sa demande de décharge d'impositions, de ce que l'impossibilité de bénéficier de dons déductibles de mécènes ou d'une exonération de taxe sur les objets d'art l'ont empêchée d'acquérir plus facilement des objets pour ses collections ou de ce que les réductions d'impôts prévues aux articles 200 et 238 bis du code général des impôts seraient constitutives d'une aide d'Etat irrégulière.
29. En sixième lieu, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir du point 240 de l'instruction BOI-TVA-CHAMP-30-10-30-10-20170405 du 5 avril 2017, publiée postérieurement à l'expiration du délai de déclaration des taxes en litige.
30. Enfin, la SAS Normandy Tank Museum n'est pas fondée à se prévaloir du point 240 de l'instruction BOI-TVA-CHAMP-30-10-30-10-20120912 dans les prévisions duquel elle n'entre pas dès lors qu'elle n'est pas dépourvue de but lucratif.
31. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne et d'examiner la fin de non-recevoir opposée aux conclusions aux fins de décharge, la SAS Normandy Tank Museum n'est pas fondée à obtenir le remboursement des sommes qu'elle a versées au titre de la taxe sur la valeur ajoutée, de l'impôt sur les sociétés et de la cotisation foncière des entreprises de 2013 à 2016. Pour les mêmes motifs, ses conclusions indemnitaires, au demeurant irrecevables, doivent être rejetées. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des frais liés au litige doivent l'être également.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1602134-1700060-1700156 du 18 octobre 2017 du tribunal administratif de Caen est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par la SAS Normandy Tank Museum devant le tribunal administratif de Caen ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Normandy Tank Museum et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- Mme A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 octobre 2019.
Le rapporteur,
F. A...Le président,
F. BatailleLe greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 17NT038192